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Cicatrisations

Publié le 19 octobre 2012 par Elosya @elosyaviavia

CicatrisationsMarie J Blige et sa cicatrise discrète au coin de l’oeil

J’étais dans cette salle d’attente, seule, en train de m’ennuyer fermement.

Pas envie de sortir mon livre, pas envie de sortir un magazine et pas envie d’écouter de la musique sur mon lecteur MP3.

J’ai commencé à tapoter un peu partout avec mes dix petits doigts. Je faisais des sons, je me suis mise à chantonner doucement (bah ouais j’étais quand même dans une salle d’attente hein). Ça me faisait bêtement marrer, après j’ai commencé à faire des « figures » avec les mêmes petits doigts.

C’est là que je l’ai revue sur mon auriculaire.

La petite cicatrice blanchie par le temps.

Je m’étais fait ça en me coupant sur un morceau de miroir brisé quand j’avais 12/13 ans. J’avais abondamment saigné et je pleurais en essayant de soigner cette coupure. Depuis, je garde une certaine appréhension à chaque fois que je me saisis de verre brisé car j’ai toujours peur de me couper « bêtement » comme ce jour là.

Ensuite, je me suis mise à réfléchir, je voulais répertorier les endroits où des cicatrices avaient élu domicile sur mon corps. J’ai parfois l’impression de ne pas me faire mal par hasard. Je ne dis pas que je me fais mal volontairement hein, mais seulement que mes blessures se sont faites à un moment où je ne me sentais pas bien et qu’elles ne doivent rien à un total hasard. Bref, psychologie, inconscient, acte manqué, tout ça, tout ça quoi. Il fut un temps où je ne voulais plus les voir. Je détestais mes cicatrices. J’assimilais la cicatrice à un moment douloureux et j’avais la sensation qu’en acceptant cette cicatrice, j’acceptais par la même occasion de revivre ce mauvais moment. Et puis je ne supportais pas l’idée d’avoir ce que je considérais comme des imperfections. Je voulais que mon visage et mon corps soient idéalement exempts de ces reflets d’accidents de la vie, je voulais du lisse et aucunes aspérités. J’étais persuadée qu’une cicatrice aussi petite soit-elle me rendait plus moche. Autrement dit, dans ma quête obsessionnelle de perfection, la cicatrice venait foutre le joyeux bordel.

Donc, pendant ce petit temps de réflexion je me suis souvenue que j’avais une marque au niveau de la cheville gauche. Souvenir d’une après midi à glisser sur un toboggan en bois jusqu’au moment où je m’étais râpée. Cette petite marque au niveau de mon coude gauche, vestige d’une chute occasionnée par mes grosses chaussettes de montagne qui ont ripé sur les marches, j’ai descendu l’escalier sur les fesses tout en  m’égratignant le coude. Je me souviens que j’avais été partagée entre l’envie de rire de cette chute si ridicule et l’envie de pleurer de cette chute si… ridicule. Il y a ces vergetures aussi, symboles d’un corps qui a longtemps subi des changements un peu trop violents pour lui (les joies des régimes yoyo).

Il y a une cicatrice qui a plus d’importance que les autres à mes yeux. Elle se trouve en haut de mon front, presque à la racine de mes cheveux du côté droit. Cette petite ligne, les gens ne la voient pas trop, mais je sens son aspérité dès que je passe mes doigts. Cette cicatrice, je l’ai eu après une très violente chute en vélo dans un grillage (des freins qui fonctionnent mal, une selle trop haute qui m’empêche de freiner avec les pieds, moi qui ne contrôle pas ce vélo). Avant d’être recousue à l’hôpital, j’avais demandé à voir le trou béant. Ça me paraissait énorme et cela matérialisait un peu trop ma souffrance personnelle du moment qui n’avait rien à voir avec la chute, mais plutôt avec des évènements tragiques de ma vie personnelle. J’avais l’impression qu’à travers la cicatrice, le moment douloureux resterait ad vitam eternam un grand trou béant comme si rien ne pouvait le consolider ou le réparer ou plutôt comme si rien ne pouvait consolider ou réparer la peine que je pouvais ressentir à ce moment là.

Maintenant, je peux dire que je n’ai plus le même regard sur les cicatrices. L’âge ? la sagesse ? Je ne sais pas trop. Toujours est-il que j’accepte totalement ces marques de vie. Je me dis souvent qu’elles sont après tout le reflet de ce que j’ai dépassé. A l’image d’une souffrance encore présente, elles sont là, mais ce ne sont plus de grandes crevasses, prêtes à se rouvrir à la moindre occasion. Avec  le temps, la zone se régénère, une nouvelle  peau fait son apparition et quelques mois ou années après, je m’aperçois que cette marque fait maintenant partie de moi.

Dans ces moments là, quand je regarde à nouveau la cicatrice, je suis surprise de constater que le pire lié à un souvenir s’est fait la malle et que mon esprit n’a gardé que le meilleur de ce qu’elle peut me rappeler.

Cette nouvelle aspérité qui apparaît chez moi, elle me rappelle que j’ai une nouvelle fois réussi à me reconstruire.

C’est la marque d’une nouvelle victoire en somme. Enfin, c’est comme ça que je le ressens.


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