Hier, nous avons eu la chance de voir Looper, le nouveau film de Rian Johnson. Après Brick et Breaking Bad, le réalisateur nous livre cette fois un film de SF original et bien ficelé, qui a pour coeur le thème du voyage temporel.
Un pitch tordu
Le pitch de départ est assez tordu, et mérite pour cela toute notre attention. En 2044, dans le Kansas, Joe (Joseph Gordon-Levitt) est ce qu’on appelle un Looper. Un Looper est un tueur à gages d’un genre un peu particulier. En effet, la machine à remonter le temps n’a pas encore été inventée à son époque, mais dans les années 2070, oui. Durant cette époque, la mafia est toute puissante, et pour se débarrasser des éléments gênants, elle envoie ses victimes en 2044 afin que les Loopers les exécutent. Ces derniers n’ont qu’à attendre leur cible à un endroit précis, puis exécuter leurs tâches et se débarrasser du corps. Chaque « colis » est envoyé avec une certaine somme d’argent, qui permet aux tueurs à gages de bien vivre dans une Amérique en proie à la crise. Bien évidemment, il existe un revers de la médaille. Les loopers devenant des témoins gênants pour mafia dans les années 2070, ils sont envoyés dans le passé pour être exécutés… par eux-mêmes ! Une énorme somme d’argent est alors envoyée avec ce dernier colis, ce qui permet aux Loopers jeunes de vivre comme des rois durant 30 ans, jusqu’à leur exécution. L’exécution de soi même est appelée la fin de la boucle, et signe le début d’une vie de millionnaire dont la fin est programmée. Joe sait qu’il devra faire face à ce destin, mais quand l’heure de tuer son alter ego de 2070 (joué par Bruce Willis) arrive, ce dernier a déjà tout prévu et arrive à maîtriser son « moi » jeune pour s’échapper. Commence alors un duel au sommet entre les deux hommes qui ne sont en réalité qu’une seule et même personne.
Un univers prenant
Un scénario alambiqué, je vous l’accorde, mais qui a le mérite de se démarquer des autres films de SF actuels, qui se cantonnent en général aux remakes ou aux suites sans saveurs. Malgré ce postulat de base un peu compliqué, on arrive à entrer dans le film sans aucun souci. L’univers est en effet très fouillé, et surtout excellemment mis en scène. L’Amérique de 2044 est une anticipation pessimiste du futur où l’on arrive très facilement à s’immerger. La première heure du film pose donc les bases d’un univers cohérent et fouillé, le tout sans jamais perdre le spectateur.
La tension est palpable entre Joe jeune et Joe vieux
Un seul héros
L’immersion dans le film est servie par une mise en scène tout bonnement incroyable et très bien fichue. Rian Johnson a en effet préféré les scènes visuelles aux longs dialogues pour nous faire comprendre les tenants et les aboutissants de son univers. De même, les deux personnages principaux (qui sont en fait une seule et même personne, vous suivez ?) sont très bien écrit, et Joseph Gordon-Levitt est génial dans ce rôle de « petit con » flambeur qu’il incarne. À l’opposé, Bruce Willis est comme toujours magistral, incarnant un Joe plus mature et expérimenté. Malgré cette différence, nous avons vraiment l’impression d’avoir là un seul et unique personnage à deux moments de sa vie, chose très compliquée à mettre en place au cinéma.
Une deuxième partie plus faible
Malheureusement, la deuxième partie du film est un peu plus convenue. Après avoir pris son temps d’installer l’univers, nous collant une nouvelle surprise scénaristique toutes les 5 minutes, nous avons l’impression que Rian Johnson se repose sur ses lauriers. Il signe une deuxième partie, bien que très bonne, loin d’être à la hauteur de la première moitié du film. Le rythme est en effet beaucoup moins soutenu, les trouvailles scénaristiques également, et la mise en scène est mise en retrait au profit de dialogues longs et parfois ennuyeux. Notons également une fin un peu convenue, qu’on aurait aimée plus inventive.
Bruce Willis reste Bruce Willis
Allez le voir !
Faut-il aller voir Looper pour autant ? La réponse sera claire : OUI ! Malgré une deuxième partie plus faible que la première, Looper est un vrai film d’anticipation, tel qu’on les faisait dans les années 1980. Des trouvailles scénaristiques et de mise en scène sont tout bonnement extraordinaires. Certaines scènes très fortes et dérangeantes sont des exemples de ce qu’il faut faire dans un film de SF. Rian Johnson mélange les influences dans Loopers, et vous noterez sans mal des références telles que Terminator, Total Recall, Retour vers le Futur, Le fils de l’Homme ou même Akira. Bref, un film de SF fait par un passionné de SF, ce qui est trop rare aujourd’hui. Looper ne vous laissera pas indifférent, et après le visionnage, vous passerez des heures à vous triturer le cerveau sur les paradoxes temporels (Bruce Willis en plaisante même dans le film) et vous aurez sans doute des discussions interminables sur le film avec ceux qui l’auront vu. Looper est donc loin d’être loopé.
Looper :
Dans les salles le 31 octobre.
Réalisé par Brian Johnson.
Avec Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Jeff Daniels