En Tunisie, même les banques vont mal. Le secteur bancaire qui présente un risque de krach suscite de l'inquiétude.
Par Thibault Doidy de Kerguelen.
En Tunisie, depuis le « printemps » arabe et la mainmise des partis musulmans sur le pays, les libertés individuelles vont mal, les libertés religieuses vont mal, l’État de droit va mal, le code de la famille va mal, la sécurité va mal, des camps d’entraînement au jihad fonctionnent au vu et su de tous, des stocks d’armes sont constitués en vue d’opération militaires ou paramilitaires contre des régimes voisins jugés pas suffisamment respectueux des préceptes de l’islam. Sur le plan économique, la saison touristique, bien que meilleure que la précédente, est loin d’avoir retrouvé les niveaux d’avant la destitution de l’ancien régime.
Aujourd’hui, un nouveau secteur suscite l’inquiétude. Les banques présentent un risque de krach en Tunisie.
Plus exactement un risque classifié 8 sur l’échelle de Standard & Poor’s qui comporte 10 échelons.
Les banques françaises en première ligne
Comme dans tous les « bons coups », nous retrouvons un trio de banques françaises :
- Société Générale qui détient 52,34% de l’Union internationale de Banques,
- BNP Paribas qui dispose de 110 agences en Tunisie au travers des 50% de sa participation au sein du groupe UBCI (50% appartiennent à des actionnaires privés tunisiens),
- Et l’inévitable Crédit Agricole qui est présent sur le marché à travers ses activités de banque de financement et d’investissement, d’affacturage et de gestion d’actifs.
Pour l’instant, les banques françaises n’envisagent pas de sortir du marché, au contraire, la SocGen a toujours pour ambition de devenir la première banque à capitaux privés et la BNP s’est lancée depuis l’instauration du nouveau régime dans une vaste campagne de crédit à destination des professionnels et débloqué une enveloppe de 15,5 millions d’euros pour soutenir les projets de développement des artisans, commerçants et professionnels libéraux.
Un niveau important de créances douteuses
Le premier facteur avancé par Standard & Poor’s pour attribuer un tel rang au secteur bancaire tunisien, est celui du niveau des créances douteuses des banques. Ce taux est officiellement de 13,3% à la fin 2011, mais S&P l’évalue plus aux alentours de 20%. La situation semble plus critique que cela pour les pages éco du site de Jeune Afrique qui insiste sur le fait que les établissements bancaires publics sont ceux qui ont accumulé le plus de créances douteuses.
Ces établissements accumulent en outre un stock inquiétant de créances douteuses. Si les résultats consolidés de STB pour 2011 n’ont pas encore été publiés, la banque affichait déjà en 2010 1,9 milliard de dinars de créances classées dont seulement 50% sont provisionnées, selon les analystes d’AlphaMena. La situation n’est pas plus reluisante chez ses consœurs. En 2011, BNA présentait ainsi 1 milliard de dinars de prêts compromis, provisionnés à 71%, et BH 672 millions de dinars, provisionnés à 53%. En moyenne, les créances douteuses des banques publiques représentent 20% du total de leurs crédits, un chiffre légèrement supérieur à la moyenne des établissements tunisiens (presque 16%) et près de cinq fois plus important que pour le secteur bancaire marocain.
Le FMI a tiré la sonnette d’alarme en août dernier
Le Fonds Monétaire International (FMI), dans son rapport d’août 2012 sur l’évaluation de la stabilité du système financier en Tunisie, est lui aussi critique. Ses observations portent sur le provisionnement insuffisant, sur la fiabilité des données communiquées et sur la détérioration de la qualité des actifs. Le FMI se plaint aussi du fait que ses recommandations n’ont été suivies, mais cela n’a rien de bien étonnant ni d’alarmant.
En fait, comme le souligne Jeune Afrique dans un autre article, il faudrait restructurer complètement le secteur bancaire tunisien qui ne joue absolument plus son rôle dans l’économie du pays. Un chantier de plus pour ce gouvernement qui semble ne plus tenir vraiment la destinée de son pays entre ses mains.
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