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Sus à la protection sociale

Publié le 21 octobre 2012 par Eldon

Comme prévu, voir espéré par certains, ce sont les charges sociales qui vont être touchées pour assurer la compétitivité de la France. On l’avait évoqué dans « On nous refait le coup du coût de travail« . L’actualité s’accélère.

Les charges sociales permettent de financer la protection sociale, c’est à dire  « l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, c’est-à-dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses (vieillesse, maladie, invalidité, chômage, charges de famille,…). »

Pour assurer la « compétitivité, Louis Gallois, le commissaire à l’investissement,dans son rapport à paraître en novembre mais dont le contenu est déjà connu, recommande non seulement de baisser les dépenses publiques et d’augmenter légèrement la CSG et la TVA mais aussi et surtout de baisser les cotisations sociales de 30 milliards d’euros. Ce sera selon lui un « choc de compétitivité ».

La justification est celle du « coût du salaire » trop élevé en France: en baissant les charges sociales qui y sont attachées, ce coût baissera et La France reviendra compétitive. C’est simple non? Comme quoi le Bac +20 et un QI de 140, ça sert.

Des conclusions d’un rapport sans surprise…

Sur les 30 milliards annoncés, vingt milliards seraient dégagés par une baisse des cotisations patronales, les 10 autres par une réduction des cotisations salariales. Les réductions de cotisations concerneraient les salaires jusqu’à 3,5 fois le Smic.

Confier un rapport sur la compétitivité à M Gallois, ex directeur d’EADS,  n’aurait pu aboutir à autre chose.

Le terme « choc » cependant, déplaît à François qui tout en bottant en touche, préfère celui de « trajectoire de compétitivité » et à Jean-Marc qui lui, a opté pour celui de « stratégie et de plan d’ensemble », tout en bottant en touche lui aussi…

Mais certains ont vite fait de remettre le ballon en jeu. Ainsi la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME),  a déclaré que «Si l’information devait être confirmée, nous sommes tout à fait favorables à une baisse importante du coût du travail ». «Le fait qu’on puisse baisser simultanément pour partie les cotisations patronales mais aussi les cotisations salariales nous paraît une bonne chose parce que cela permet de donner davantage de salaire net sans augmenter le coût pour l’employeur», a déclaré son secrétaire général, Jean-Eudes du Mesnil. «Il faut qu’on prenne cet axe de diminution du coût du travail et qu’on s’y tienne pendant plusieurs années», a-t-il ajouté, appelant à «une politique économique et sociale cohérente».

D’autre mesures viennent s’ajouter à cette mesure: baisse des dépenses publiques à hauteur de 10 milliards d’euros, une nouvelle fiscalité  sur le diesel (que c’est joliment dit: en fait ça veut dire « augmentation des taxes sur le diesel et on rajoute « écologique » pour mieux la faire passer »), hausse modérée (une hausse quoi) de la TVA et de la CSG et afin d’acheter les syndicats, s’assurer le soutien des syndicats,  le rapport préconise que représentants des salariés « aient une voix délibérative dans les conseils d’administration des entreprises ».

Bref pour que la France soit compétitive: Baisse protection sociale+ baisse dépenses publiques+ hausse taxes, cotisations.

Le rapport Gallois s’inscrit ainsi dans la politique de la troïka (UE,BCE, FMI) et la pensée des classes dirigeantes et de la technocratie que la crise permet enfin de mettre en application, à savoir la destruction du modèle social, la réduction des dépenses publiques, imposer des réformes sociales calquées sur le modèle anglo-saxon: baisse des salaires, fin du droit du travail. Politique bien sûr confiée à des « experts » non élus grâce au  MES  et au TSCG.

La protection sociale apparaît ainsi plus que menacée. Déjà ailleurs, mais pas trop loin, en Belgique, on n’a pas attendu Le bon Louis. Début octobre,   »Le Vif »  annonçait  que les allocations de chômage diminueront de 12 à 40% dès novembre. Elles le feront, par phases, en moyenne de 25% à partir de novembre. Le but de cette règle est d’inciter les chômeurs à trouver plus rapidement un emploi (car comme vous savez ceux qui veulent bosser trouvent toujours du boulotet que ceux qui n’en trouvent pas c’est parce qu’ils ne le veulent pas) .Ces mesures touchent environ 130.000 des 300.000 personnes qui perçoivent une allocation.

Les chefs de ménage verront une diminution de 12%, les isolés une baisse de 17,5%. Les cohabitants seront les plus touchés : leurs allocations diminueront de 41,5%, à 484 euros par mois. La diminution se fera par plusieurs phases.

… qui tombe mal,…

Aujourd’hui même sort un rapport publié par la DREES (Direction Recherche, Etude, Evaluation et Statistiques) du Ministère de la Santé. L’ouvrage se réfère aux comptes sociaux des 27 pays pour 2008, 2009 et une partie de 2010. (proposé au téléchargement)

Il ressort que sans les systèmes de protection sociale, les pays européens auraient connu une récession plus prononcée.

Leurs dépenses ont augmenté alors que les recettes se contractaient, mais cela a contribué au soutien du revenu des ménages (allocations chômage), ou à faire reculer le risque de pauvreté (RSA)

En 2009, les dépenses de protection sociale ont représenté en moyenne 29,5% du PIB des 27 pays de l’UE. Avec 33%, la France se place juste derrière le Danemark (33,4%). Si neuf pays sont au-dessus de la moyenne européenne, les pays nouveaux entrants ont des parts de dépenses sociales plus faibles (la Pologne avec 19,7% ou la Lettonie, 16,8%).

Pays qui semblent donc être désormais  la référence de le France ou du moins de M Gallois et consorts. Le modèle allemand a bon dos puisque le rapport montre que la protection sociale allemande est dans la fourchette haute des pays européens. Mais pour une fois, on n’y se référera pas soyez-en sûr.

Qui paiera la protection sociale? Personne? Autrement dit, à la prochaine crise, car il y en aura une autre, c’est dans la logique interne du capitalisme sauvage, nous nous retrouverons dans la même situation que les Grecs.

Qui alors? Il ne reste que vous et moi, c’est à dire les travailleurs et les retraités.

… dont on ne comprend pas la logique…

La compétitivité économique est la « capacité à faire face à la concurrence et à occuper une position dominante sur un marché donné « dans des conditions équitables »  (dixit OCDE pour la partie entre guillemets) .Vouloir assurer la compétitivité de la France, c’est donc favoriser les exportations et augmenter ses parts de marché à l’étranger.

Or près de 80% des exportations françaises se font vers l’Europe (59,9% vers L’UE et 20% vers les autre pays européens – chiffres d’août 2012, voir pièce jointe).

Autrement dit, il s’agit de savoir comment la France va mieux entrer en concurrence contre ses partenaires européens et leur piquer leur part de marché.

Et bien elle est belle « l’Union » européenne, ex « Communauté économique« . C’est du chacun pour soi au bout du compte.

Quid

- d’une réelle politique économique cohérente qui viserait à réduire les déséquilibres entre pays de manière concertée,

- de la mise en place une harmonisation fiscale et éviter ainsi des pratiques déloyales (Belgique, Irlande,..) et les pratiques criminelles des paradis fiscaux ( Monaco, Andorre, Malte, Jersey et Guernesey, Liechtenstein, Suisse,…) qui créent un marché inéquitable.

- de la lutte contre l’évasion fiscale et la spéculation financière qui n’est qu’un ensemble de paris légaux

- de l’instauration d’objectifs sociaux, en terme de taux de pauvreté, de revenu minimum, d’éducation et de formation

- d’une politique de recherche et développement technologique, de développement durable

-etc,.., etc,…?

Nada.

….partial….

Le rapport laisserait croire que la France est trop généreuse dans le domaine de la protection sociale.

Qu’en est-il du traitement du chômage par exemple?

Dans une étude comparative publiée le 18 octobre, l’Unedic – l’organisme qui gère l’assurance chômage – passe en revue les systèmes d’assurance chômage de douze pays européens.

Il en ressort que la France est l’un des pays les plus généreux, notamment parce qu’elle n’a pas, contrairement à d’autres, durci les conditions d’indemnisation.

L’accès à l’assurance-chômage est ainsi le plus rapide: depuis 2009, il est ouvert aux salariés ayant cotisé 4 mois dans les 28 derniers mois. Chez la plupart de nos voisins européens, la durée d’affiliation est de 12 mois minimum, voire 24 mois en Irlande et en Italie. Seuls les Pays-Bas et le Luxembourg ont une durée d’affiliation plus proche de celle de la France (6 mois).

 La durée d’indemnisation en France est également parmi les plus longues: le principe est « un jour cotisé, un jour indemnisé », pendant deux ans maximum (36 mois pour les plus de 50 ans); au-delà, les chômeurs basculent vers les minima sociaux (RSA). 24 mois, c’est aussi la durée maximale d’indemnisation en Allemagne, en Espagne, et au Danemark. Ce sont les Pays-Bas qui sont les plus larges (38 mois). D’autres pays, en revanche, coupent les vivres au bout d’un an (l’Irlande, le Luxembourg), voire au bout de 6 et 8 mois (Grande-Bretagne et Italie).

 Cinq pays ont un montant minimal d’indemnisation: la Belgique, le Danemark, l’Espagne, le Portugal et la France (28,21 euros par jour). Tous ont un plafond: moins de 1500 euros par mois en Belgique (1422,46 euros), en Espagne (1397,83 euros), en Italie 1119,32 et Portugal 1048.

Il est supérieur à 1500 euros dans les autres pays. Et c’est encore une fois la France qui décroche la palme du plafond des indemnités le plus élevé: 6161,29 euros mensuels, contre 1940,40 en Allemagne et 2295,02 au Danemark. Seule la Suisse a un plafond plus élevé (7000 euros par mois). Et contrairement à la Belgique ou au Portugal, l’indemnité chômage n’est pas dégressive en France. A noter toutefois que seuls 0,2% des allocataires touchent le plafond, soit environ 5000 demandeurs d’emplois – sur plus de trois millions. Ce sont des cadres supérieurs et hauts dirigeants gagnant plus de 11.000 euros par mois.

 Mais si la France indemnise généreusement une toute petite partie de ses chômeurs, elle offre, en moyenne, un taux de remplacement de 69% du salaire précédent la période de chômage, selon les statistiques de l’OCDE. C’est dans la moyenne des pays riches (67%). En comparaison, l’Allemagne offre un taux de remplacement de 61%, l’Italie de 69%, les Pays-Bas de 76%, le Luxembourg de 82%, la Suisse de 83% et la Belgique de 89%. La France n’est donc pas la plus généreuse d’Europe.

L’étude de l’Unedic étudie également l’évolution des différents systèmes d’assurance chômage en Europe depuis la crise de 2008. Ces adaptations ont été conçues pour maintenir les prestations tout en assurant leur financement. Ainsi, plusieurs régimes ont assoupli les conditions de prise en charge : l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. D’autres ont procédé à une réduction des droits : le Danemark, l’Espagne, l’Irlande, la Suisse, et le Portugal. En Allemagne, en Suisse et en Espagne, le niveau des cotisations a été modifié. En France, le recours au chômage partiel a été facilité en 2010.

Source : L’Expansion

… et partiel.

La compétitivité est systématiquement ramenée au coût du travail. Jean-François Coppé l’a clairement affirmé hier dans l’émission de Laurent Ruquier. On retrouve cela dans le rapport de M Gallois. C’est l’idéologie dominante du moment.

Or le coût de la protection sociale (et non du travail) n’est qu’une des composantes de la compétitivité comme le montre le tableau ci dessous. Elle est résultante de plusieurs facteurs nationaux et internationaux.

Au niveau national

*     La productivité:La productivité en France est une des plus élevées au Monde. Ce facteur n’est jamais pris en compte par les entreprises ni par M Gallois. Or la productivité est un des moteurs essentiels de la stratégie de compétitivité car elle permet justement de réduire les coûts.

*    Les dotations en ressources :
Les ressources naturelles (terre, climat, eau, etc.) aussi bien que les ressources en capital humain sont des facteurs critiques dans la détermination de la compétitivité d’un produit ou d’une entreprise donnée. Une composante importante de la dimension « capital humain » est l’expertise des décideurs. . L’autre est la qualification et la motivation de l’ensemble du personnel.

*    La technologie
*    Les caractéristiques du produit

*    Les économies d’échelle

*    La régulation et les politiques des échanges

Les mesures de politique de l’Etat ont aussi des effets profonds sur la compétitivité d’une industrie ou d’un produit donnée les politiques fiscale et monétaire (taxation, taux d’intérêt, contrôle d’inflation), la politique interventionniste de l’Etat et celle des échanges commerciaux avec l’extérieur (Tarifs, quotas…etc.) ont toutes des influences sur la compétitivité des différents produits.

B- Au  niveau international
A l’échelle international, la compétitivité dépend d’une multitude de facteurs, parmi les plus importants on  peut citer le taux de change, les conditions du marché international, le coût de transport international et enfin les préférences et arrangements entre les différents pays.

Pour l’UE, on rajoutera les écarts de salaire et de protection sociale (Voir Quand on nous refait le coup du coût du travail) considérables entre les pays la composant et  l’Euro trop cher.

M Gallois ne parlera certainement pas de tout cela dans son rapport, se cantonnant au plus facile et à ce qui arrange son milieu social et professionnel. L’entreprise se voit par ailleurs ainsi démarquée de sa responsabilité sociétale.

Le terme « choc » se veut pédagogique et alarmiste. Il n’est que ballon de baudruche.

Lorsqu’il se sera dégonflé, sans doute qu’on nous ressortira d’autres mesures d’austérité en précisant bien qu’encore une fois, il n’y a pas d’alternative…

On voit bien qu’il y en a des choses à faire avant de réduire les charges sociales.

Rappelons qu’une des principales causes d’appauvrissement des grandes entreprises et donc frein majeur à la compétitivité est la distribution de dividendes aux actionnaires . Les entreprises du CAC 40 ont versé  un montant record de dividendes en 2011 (au titre de l’exercice 2010) : presque 40 milliards d’euros, selon le consensus des analystes FactSet, dont les données ont été retraités par PrimeView, soit une progression de 13 %.En 2011, le montant devrait atteindre les 37 milliards

Ou est le problème de compétitivité, on se le demande….

Et que dire de certains choix comme par exemple celui de transformer la France en paradis fiscal pour les qataris: les investissements qataris bénéficient d’une convention fiscale très avantageuse. Les placements immobiliers ne sont pas imposables sur les plus-values, et les résidents qataris ne payent pas l’ISF pendant les cinq premières années.

Le fait est que l’UE et ses Etats membres se sont irrémédiablement fourvoyés dans une politique d’austérité alors que d’autres solutions existent (voir appel des 120).

Le fait est que la crise a été  provoquée par les politiques ultra libérales et que maintenant leurs auteurs viennent eux-mêmes donner  leurs remèdes. On n’est pas obligé d’y croire et encore moins d’y souscrire, M Gallois.

Téléchargez:

apercu du Commerce extérieur de la France

L’appel des 120

 Comptes Protection Sociale2010

Source: Libération


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