Bien évidemment, vous trouverez des informations nous concernant dans la politique des Rapatriés.
Mme la présidente Patricia Adam : Monsieur le ministre, nous n’avions malheureusement pas pu vous auditionner en juillet dernier, en raison d’une incompatibilité d’agenda, mais je suis sûre que le premier échange que nous aurons aujourd’hui permettra de rattraper ce retard.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants : D’autres sujets concernent la guerre d'Algérie. Le premier a trait à l'attribution de la carte du combattant au-delà de la date du 2 juillet 1962. Cela dit, j'entends les demandes relatives à la carte du combattant ; je suis particulièrement attentif à ce dossier : même si une évolution n'est pas à l'ordre du jour pour le budget 2013, j'ai demandé à mon administration de se pencher sur le sujet pour m'en fournir tous les tenants et aboutissants. Le cas échéant, sur la base des éléments qui me seront fournis, je ne manquerai pas d'explorer pleinement toute possibilité de modification du dispositif actuel, sachant qu’il faudra faire preuve de sagesse.
Autre sujet qu'il me tient à cœur d'évoquer : notre politique à l'égard des harkis et rapatriés, puisque le 25 septembre dernier, avait lieu la journée nationale d'hommage aux harkis, au cours de laquelle j'ai lu un message du Président de la République. Le drame qu'ils ont vécu, qu'il s'agisse de leur abandon au moment du retrait des troupes françaises d'Algérie ou du traitement réservé aux rapatriés dans les camps français par la suite, mérite d'être reconnu. C'était tout le sens du message du Président de la République, qui tient à ce que ce moment de notre histoire commune sorte de l'oubli et qu'il soit notamment pleinement intégré aux chapitres consacrés à la guerre d'Algérie dans les livres scolaires.
Parallèlement, le fonctionnement de la mission interministérielle aux rapatriés (MIR) doit être revu et l'ensemble des dispositifs sociaux et professionnels permettant l'insertion des harkis et de leurs descendants dans la société doivent être renforcés.
Ce travail s’inscrit plus largement dans la politique de mémoire, qui est une priorité du Gouvernement.
J'ai également annoncé en Conseil des ministres la création d'une mission interministérielle pour piloter le travail en cours et impulser de nouvelles orientations. C'est grâce à ce nouvel outil, que j'aurai l'honneur de présider, que je mènerai une politique de mémoire ambitieuse, capable d'honorer la mémoire des anciens combattants et à la hauteur des attentes des Français.
Mme Daphna Poznanski-Benhamou, rapporteure pour avis :Pouvez-vous faire le point sur le financement de l'Institution nationale des Invalides (INI) ? Je l’ai visitée le mois dernier : on constate des incertitudes sur la pérennité de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé. Qu'en est-il réellement ? Comment envisagez-vous l'avenir de l'INI, à la fois en tant que centre de soins et maison des invalides ? Par ailleurs, pas moins de 48 associations « squattent » les locaux de l’Hôtel national des Invalides : ne serait-il pas opportun de faire vérifier le bien-fondé de cette occupation ?
S’agissant des harkis, le Président de la République s’est engagé à faire un geste en leur faveur : comment entendez-vous concrètement traduire cet engagement ?
Enfin, différentes fondations bénéficient d'une dotation de votre ministère. Pourtant, en ces temps de contrainte budgétaire, leur activité ne justifie pas toujours cette participation de l’État. Ainsi, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie bénéficie d’une dotation initiale de 7,2 millions d'euros, répartie de la manière suivante : 2,5 millions d'euros versés par « Les Gueules cassées », 1,2 million d'euros par la Fédération nationale André Maginot, 500 000 euros par le Souvenir français et 3 millions d'euros par l’État. En 20l2, son budget de fonctionnement était de 206 500 euros. Selon une convention signée le 31 mars 2011, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) a dû lui octroyer une subvention de 130 000 euros imputée dans le programme 167, laquelle a servi à financer deux colloques – l’un sur le peuplement de l’Afrique du Nord, l’autre sur « Abd El Kader, sa vie, son œuvre » – ainsi qu’à acheter du mobilier. Cette fondation, qui emploie deux salariés et est hébergée à l’Hôtel national des Invalides, coûte cher et fait doublon avec la DPMA : n’est-il pas temps de se pencher sur ce type d’organismes qui mobilisent d’importants fonds publics ?
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants : J’ai moi-même découvert cette fondation et ai rencontré les deux associations qui participent à son financement : son fonctionnement est assuré par les seuls intérêts du capital de ces dernières et de celui octroyé par l’État. J’estime qu’elle n’est pas à la hauteur des espoirs qu’elle a pu susciter. Se pose la question de savoir comment redéfinir ses missions si l’État et ces deux associations restent engagés, ainsi que celle, dans ce cadre, d’une meilleure reconnaissance à l’égard des harkis.
Concernant les harkis, j’ai rencontré avant le 25 septembre dernier un grand nombre d’associations, qui expriment une volonté de reconnaissance et de responsabilité. Je ne suis pas en faveur d’une loi mémorielle – laquelle ne fait d’ailleurs pas l’objet d’une demande majoritaire parmi elles – : multiplier ce type de loi ne va pas nécessairement dans le bon sens. Pour autant, on doit répondre à cette volonté. Des mesures spécifiques existent depuis longtemps comme le plan emploi, mais celui-ci ne donne pas les résultats attendus, ni dans l’administration de l’État – qui comporte 6 % d’emplois réservés – ni des collectivités territoriales : il faut redéfinir le nombre de postes que l’on peut créer pour les enfants de harkis dans les deux fonctions publiques concernées. Les directeurs départementaux de l’ONAC-VG pourraient recevoir les intéressés : je les réunirai avec l’Association des régions de France (ARF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France (AMF) pour voir comment les collectivités territoriales pourraient – quelle que soit leur sensibilité politique – mieux participer à ce plan. Un même effort doit être entrepris par l’administration de l’État : nous y réfléchissons.
La MIR mérite aujourd’hui d’être entièrement revue. J’ai demandé une étude sur ce sujet pour voir comment redéfinir sa mission et la rendre plus efficace.
Il ne faut pas oublier que les descendants de harkis, quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent, sont français, nés de parents français, et non des enfants issus de l’immigration. Il faut donc voir comment s’appuyer sur le droit commun – comme le nouveau dispositif des emplois d’avenir ou celui des contrats de génération – pour faciliter leur émergence dans la société, sans faire pour autant de la discrimination positive. Je suis preneur de toutes les idées permettant de favoriser leur insertion professionnelle et sociale.
M. Jean-Jacques Candelier :Êtes-vous favorable à la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d'Algérie ?Une forte majorité des anciens combattants y est favorable et, en 2004, François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste, s’était exprimé en ce sens.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants : Quant à la question de la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d'Algérie, je n’y répondrai pas aujourd’hui, car je préfère que le Parlement en débatte au préalable. En tout état de cause, aucun projet de loi n’est prévu sur ce point.
M. Joaquim Pueyo : Le devoir de mémoire est difficile à accomplir en raison des nombreuses manifestations auxquelles il donne lieu, celles-ci regroupant en général peu de monde : ne pourrait-on regrouper les commémorations autour de deux ou trois dates, qui rassembleraient davantage de public ? Comment est mise en œuvre la loi du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France ?
M. le ministre délégué : Monsieur Barbier, je n’ai fait aucune déclaration dans la presse sur la date du 19 mars et ne me suis jamais exprimé sur ce point depuis ma prise de fonctions, où que ce soit ! Encore une fois, je ne souhaite pas le faire tant que le Parlement n’en a pas débattu.
M. Patrice Prat, membre de la commission des affaires économiques : Mes questions concernent la communauté harkie. L’emploi et l’insertion professionnelle sont déterminants pour elle : il convient d’élargir l’action menée dans ce domaine au champ associatif mais aussi au secteur marchand. Les problèmes de qualification des jeunes justifient la création de dispositifs souples et réactifs.
M. le ministre délégué : Monsieur Prat, je n’ai pas de recette miracle pour l’emploi et l’insertion des jeunes de la communauté harkie. Je souhaite que le plan emploi fonctionne mieux : 300 emplois ont été trouvés dans ce cadre l’an passé, ce qui est insuffisant ; si on peut l’élargir au monde associatif, c’est plus compliqué pour le secteur marchand. Je ne suis pas en faveur de la discrimination positive mais pour des mesures permettant aux personnes en difficulté d’avoir plus de facilité d’accès à tel ou tel secteur dans lequel elles ont des compétences : on peut donc réfléchir au développement des contrats d’avenir dans le monde associatif ou éducatif et des contrats de génération dans le secteur marchand. Le plan lancé par François Lamy pour inciter les entreprises à recourir aux jeunes des quartiers difficiles moyennant un allègement de charges va également dans le bon sens.
Je n’ai pas encore d’idée précise sur la réforme de la MIR : nous verrons à partir du premier trimestre 2013 le contenu qu’elle pourra avoir pour mieux aider harkis et rapatriés.
Sur le projet relatif au camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, je vous suggère de me transmettre le dossier pour que je l’examine.
Quant à la réhabilitation de la communauté harkie dans notre enseignement, le discours du Président de la République du 25 septembre allait tout à fait dans ce sens. Il s’agit pour moi d’une priorité.
Voici l'essentiel de l'audition, à vous de juger afin de donner un avis.