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Manille

Publié le 22 octobre 2012 par Toulouseweb
ManilleLe Premier ministre français découvre Airbus.
On s’y perd, ŕ force d’entendre et de lire n’importe quoi. D’oů l’intéręt de témoigner d’une grande prudence dčs l’instant oů les politiques se męlent d’aéronautique. Ce qu’ils font d’autant plus volontiers qu’il s’agit lŕ d’un secteur en bonne santé qui permet de tenir des propos positifs, au milieu d’un océan de plans sociaux et autres informations d’un pessimisme noir.
Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, ne fait pas exception ŕ la rčgle. Le voici qui apparaît lŕ oů personne ne l’attendait, aux Philippines, ŕ la recherche d’un début de crédibilité internationale. Au cours d’une visite de trois jours ŕ Manille, nous explique Le Monde, il a signé (sic) Ťune nouvelle vente de dix Airbus, pour un montant de 2,5 milliards d’euros, ŕ la compagnie Philippine Airlinesť. Ce faisant, le quotidien de référence se trompe lourdement.
L’information est publiée dans l’édition datée 21-22 octobre du journal alors que PAL a signé l’achat de ces dix A330-300 supplémentaires le 2 octobre, ainsi qu’en témoigne le communiqué publié ce jour-lŕ par l’avionneur européen. A son corps défendant, Le Monde joue ainsi le rôle (involontaire, ŕ n’en pas douter) de faire-valoir au Premier ministre. Qui n’a évidemment rien signé, une politique français męme en quęte de reconnaissance médiatique et économique ne pouvant en aucun cas s’arroger un tel rôle. On imagine que John Leahy, grand patron commercial d’Airbus, n’a pas apprécié la manœuvre.
Il y a plus grave : cette maničre de faire serait anodine, sinon risible, si elle ne tendait ŕ confirmer l’ingérence politique dans les affaires d’Airbus, ce qui, plus particuličrement dans les circonstances actuelles, est tout ŕ fait regrettable. Tout d’abord parce que la société Airbus n’est absolument pas française mais multinationale et qu’elle appartient ŕ 100% au groupe EADS lui aussi résolument européen (sičge aux Pays-Bas, capital réparti entre quatre pays et coté en bourse).
Quand les Américains critiquent vertement les Européens, dénoncent les aides étatiques illégales dont bénéficierait Airbus, prennent ŕ témoin l’Organisation mondiale du commerce, continuent indűment de qualifier le constructeur de Ťconsortiumť, se moquent de la générosité involontaire de contribuables appelés ŕ financier de nouveaux programmes, les démentis ne suffisent pas. Surtout quand un Premier ministre français est réputé signer une vente d’A330 ŕ l’autre bout du monde. Quel pataqučs !
Dans le męme temps, le gouvernement allemand continue imperturbablement d’exprimer sa vindicte contre EADS. Le seul fait que Berlin ait fait capoter le projet de fusion EADS/BAE Systems témoigne de la dure réalité de l’ingérence politique dans le devenir de l’industrie aéronautique européenne. On ne dira jamais assez que le Ťneinť de la chanceličre Angela Merkel était tout simplement inconvenant, hors propos, injustifiable, inacceptable.
La voici qui se retrouve au męme moment au premier rang d’une négociation qui devrait conduire la banque étatique KfW a ŕ racheter ŕ Daimler 7,5% du capital d’EADS que détient le groupe automobile. Lesquels 7,5% ne correspondent męme pas ŕ un quelconque droit de veto qui permettrait de peser sur la marche des affaires. Ici, il n’est plus question des parts de marché d’Airbus, des succčs ŕ venir de nouveaux affrontements contre Boeing mais d’une assurance contre un hypothétique déséquilibre en matičre d’emploi entre la France et l’Allemagne. Un non-sujet.
Jean-Marc Ayrault, lui, y prend goűt. Ce mardi, il sera ŕ Toulouse pour assister ŕ l’inauguration officielle de la chaîne d’assemblage final de l’A350. Ce qui lui permettra, ŕ bon compte, d’évoquer la France qui gagne, l’Europe qui fonctionne. En profitera-t-il pour adresser quelques mots, en allemand, ŕ la chanceličre ? On peut en douter. Certes, M. Ayrault maîtrise la langue de Goethe mais il n’est pas téméraire pour autant. Et, de toute évidence, ce n’est męme pas la peine de le regretter.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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