Faire preuve de rigueur budgétaire semble être la seule voie de sortie de crise pour la Grèce. Examinons les arguments de nature à contester cette idée.
Par Domi.
Lire les deux premières parties :
Après avoir montré le rôle des déficits et de la dette dans la récession grecque, l’opportunité de baisser les dépenses publiques pour équilibrer le budget semble une évidence.
Je m'attacherai pourtant à utiliser tous les arguments de nature à contester cette idée.
Le coût social
Est-il socialement possible de diminuer les dépenses de manière à équilibrer le budget ? Nous avons montré auparavant que la baisse des dépenses publiques réelles depuis 2009 avaient porté celles-ci approximativement à leur niveau de 2006 ce qui dédramatise en partie l’importance de cette baisse. De la même manière, l’existence de pays ayant un niveau de dépense publique bien plus bas que celui de la Grèce relativise la crainte d’une baisse plus importante. Les dépenses publiques des dragons asiatiques ne dépassent guère 15% du PIB pour certains d’entre eux (contre 40% pour la Grèce) et l’on n'y constate pas une pauvreté radicalement supérieure aux sociales démocraties les plus dépensières.
Pourtant on pourrait avoir recours à une analogie avec un régime alimentaire pour montrer que les choses ne sont peut-être pas si simples. Le danger d’un régime peut provenir non du poids qu’il vous promet d’atteindre mais de la vitesse à laquelle il vous le fait atteindre. Une baisse aussi rapide des dépenses publiques ira-t-elle sans "casse sociale" ?
Les dépenses permettant d’assurer le fonctionnement des services publics sont à distinguer des dépenses consistant à verser une somme d’argent.
La réduction des premières implique une réduction du nombre de fonctionnaires. Cela est d’abord possible sans remettre en cause la qualité des services publics dans la mesure où les administrations sont généralement très mal organisées. À un stade plus avancé de la baisse des effectifs, la perte de qualité devient inéluctable. Il vaut mieux alors avoir recours à la privatisation du service public en question. Le contraire reviendrait à se couper la main pour perdre du poids. Dans les deux cas, la disparition d’emplois de fonctionnaires durant une période de chômage élevé est inéluctable. Les conséquences sociales dépendront alors de la capacité de l’économie à créer de nouveaux emplois.
Certaines dépenses de « reversement » sont dans un premier temps difficilement compressibles telles les pensions de retraite ou, dans une moindre mesure, les allocations chômage (durant la phase la plus aigüe de la crise). Il reste que la perspective en cas de maintien des dépenses étant la faillite, celle-ci imposerait de toute manière un coût social plus lourd que celui que l’on croit éviter en ne faisant rien.
Paradoxalement, des arguments liés à la perspective d’une faillite seraient peut-être les plus efficaces pour contester la nécessité de baisser les dépenses publiques au-delà d’un certain point.
La perspective d'une faillite
Il est utile de faire une précision très importante ici. Lorsqu’il sera question de baisse de dépense dans la suite, il s'agira de baisse de dépenses « gratuites », c'est-à-dire n’ayant pas pour contrepartie une baisse des prélèvements obligatoires. Cela s’explique par la situation particulière de la Grèce qui doit absolument réduire ses déficits.
La première raison pour laquelle la perspective d’une faillite rendrait la baisse des dépenses inutile et donc néfaste est que celle-ci est peut-être inéluctable.
Ici c’est une analogie avec une agonie qui s’impose : dans la mesure où la mort du malade est inéluctable, les traitements utilisés pour la retarder n’aboutissent qu’à en prolonger les souffrances.
L’autre raison est que la Grèce aurait peut-être plutôt intérêt à rechercher cette faillite. En effet, depuis 2009, le solde primaire (avant paiement des intérêts de la dette) du budget grec s'est rapproché de l'équilibre. S'il l'atteignait, une baisse supplémentaire des autres dépenses servirait au paiement des intérêts. Or, cet effort de remboursement deviendrait inutile car ses dépenses autres étant désormais couvertes par ses recettes, la Grèce n’aurait plus besoin de se financer par les marchés.
Un bémol est à mettre sur une telle conclusion : les marchés gardent longtemps le souvenir des États qui ont fait faillite et la Grèce connaîtrait de nombreuses difficultés de financement à l’avenir.
Cela serait-il vraiment pire qu’un effort de remboursement équivalent à une fois et demie le PIB ?
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Lire aussi :
- Crise grecque (1) : la vérité des chiffres
- Crise grecque (2) : les origines