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Lance Armstrong déchu de ses titres: réaction du Comptoir

Publié le 23 octobre 2012 par Pierre

Lance Armstrong déchu de ses titres: réaction du ComptoirAinsi donc, Armstrong se dopait allègrement dans sa période de gloire, allant de 1999 à 2007. Notez bien, pas de contrôles positifs durant toute cette période, si ce n’est deux alertes en 1999 et 2001.
Mais juridiquement parlant, rien, le vide absolu. Pire, le Texan a fait progresser son sport : fréquence de pédalage, poids, reconnaissances extrêmes, ascétisme… Quand bien même il se dopait, il était bien le meilleur de sa génération comme l’a encore dit Laurent Jalabert (qui fait l’objet de ce fait d’un dénigrement médiatique pour avoir osé constater l’évidence sportive plutôt que de hurler avec les loups).

Ce qui accable Armstrong, ce sont les témoignages de ses anciens coéquipiers et de son entourage proche. Que disent-ils en substance ? Que le dopage au sein de l’équipe américaine était très bien organisé et s’appuyait sur des protocoles lourds. Le corps médical avait ici atteint le summum de son art, le monde du sport les en remercie.
D’un point de vue scientifique, il faut remarquer que la triche a très souvent eu (trop ?) un coup d’avance sur la police. Ici avec Armstrong, et avec le cyclisme en général cela a été le cas pendant 15 ans, depuis le début des années 1990 (souvenez-vous du triplé Gewiss à la Flèche Wallonne: Argentin, Furlan, Berzin en 1994). Grâce – désolé d’insister – aux médecins, le peloton entier avait accès à des protocoles « thérapeutiques » dignes d’un hôpital de luxe. Qu’auraient alors fait tous ceux qui, aujourd’hui, disent qu’il fallait faire le ménage et éliminer les tricheurs ? Avec l’affaire Festina, c’était déjà limite : certes la voiture de Willy Voet était pleine d’EPO mais qui prouve que c’était pour les coureurs hein ? Le Tour de France avait, faute de mieux, subtilement utilisé l’argument du préjudice à l’image de l’épreuve pour sortir l’équipe andorrane juste avant le contre-la-montre en Corrèze, chez Jacques Chirac.

Mais après, soyons sérieux un instant ? Sur quels fondements interdire ou exclure des athlètes, salariés qui plus est, d’une course qui est leur travail ? Leur « sale gueule » ? Leurs bons résultats « surprenants » ? Leur nationalité ? (sachez que le khazak est bien moins bien vu que le français). Dans d’autres univers que le cyclisme, de tels comportements auraient immédiatement agité l’intelligentsia parisienne qui aurait rappelé, avec gravité, le « délit de faciès » et autres « heures sombres » de l’histoire française. On ne badine pas avec les principes en France. Eh bien alors, on fait quoi avec ces sportifs qu’on pense dopés mais contre qui nous n’avons aucune preuve tangible, aucun argument légalement valable ? Messieurs les chevaliers blancs du vélo, je vous laisse la plume là, dans la rubrique commentaires !

Oui bien sûr, c’est tellement facile de refaire l’histoire rétrospectivement (Bernard Henri Levy parle fort justement de « lucidité rétrospective »), comme le font de multiples internautes en réaction sur les articles et autres forums. Mais la grande majorité des contributions sur l’internet est malheureusement dénuée de tout recul et de toute mesure… alors que le sujet est complexe. Car il faut savoir que toute exclusion d’une course sans preuves tangibles n’aurait pas tenu une seconde devant un Tribunal et que le coureur visé, contestant la décision d’une fédération, d’un organisateur de course, aurait immédiatement porté devant un Tribunal… et gagné !

Mais le coup d’avance des tricheurs n’explique pas tout dans l’affaire Armstrong. Car dans l’actualité, nous apprenons qu’Armstrong et son entourage semblaient connaître à l’avance l’arrivée des contrôleurs. Je dis « semblaient », car rien n’est totalement clair. Exemple : Pierre Bordry qui dit qu’il avait alerté l’UCI et que « on lui avait dit de se taire ». Surprenant tout de même de ne l’apprendre qu’après coup, aujourd’hui en l’occurrence. Que ne l’a-t-il pas dénoncé plus tôt ! Oui, vous aussi M. Bordry seriez finalement un peu coupable non ? Sachant le caractère impétueux du personnage et les relations plus qu’orageuses entre les deux institutions à l’époque, cette révélation tardive mériterait plus d’explications.

En conclusion, si l’on veut être légaliste, il faut admettre que la gestion du dopage à cette époque était très compliquée, voire impossible. Ce n’est qu’avec l’avènement du « passeport biologique » et du système de contrôle ADAMS qu’aujourd’hui, on peut croire à de jours meilleurs. Pas de franchouillardise mais tout de même, le monde du sport pourra peut-être un jour remercier le cyclisme qui a été à l’initiative de ces deux avancées majeures dans la lutte anti-dopage (avec des hommages posthumes à M. Jacques de Ceaurriz, du laboratoire de Châtenay-Malabrie, un vrai médecin lui, qui aura fait avance la lutte contre le dopage comme personne et sa comparse, la docteur Françoise Lasne).

Mais le rapport de l’USADA pointe aussi un problème, lui plus ennuyeux. Semble-t-il, l’équipe américaine était systématiquement informée des contrôles et avait le temps, par des procédés opportunément mis en place par des médecins (encore merci à eux), de faire disparaître les traces de dopage. Ce point pose véritablement problème en ce qu’il laisse à penser qu’il y aurait des complicités entre les sportifs et les instances dirigeantes. Ceci est, je pèse mes mots, une bombe atomique dans le monde du cyclisme. Il semble exister un faisceau d’indices convergent, ce qui est très ennuyeux pour l’UCI.

Pourtant cette dernière, par l’intermédiaire de son président Pat Mc Quaid, n’a pas du tout abordé ce sujet ou plutôt, l’a balayé d’un revers de main lors de sa conférence de presse de lundi (traitant Floyd Landis et Tyler Hamilton, qui n’ont témoigné qu’après avoir été contrôlés positifs, de « sacs à merde« ). C’est là une faute car tout le monde veut savoir. En d’autres termes, ne pas avoir annoncé le lancement d’une enquête interne (par une structure tierce) au sein de l’UCI est une erreur stratégique fondamentale qui laisse planer un doute intolérable : la fédération internationale, l’instance suprême de ce sport, aurait-elle été complice ? Il y a fort à penser que tant que ce point n’aura pas été éclairci, l’UCI demeurera une institution totalement décrédibilisée aux yeux de tous.

Enfin, il ne faut pas oublier nos amis américains. En effet, mais qu’a donc fait l’USADA pendant toutes ces années ? Elle aussi aurait-elle été trompée par le boss ? Car l’USADA est l’agence antidopage américaine et a été créée en 1999 par le comité olympique américain (USOC), avant d’être opérationnelle en 2000. Lance Armstrong écrasait le Tour de France à cette période, n’y avait-il pas alors sujet à suivre le Texan, notamment lorsqu’il s’entraînait sur le territoire US ? Oui, aujourd’hui, l’USADA pourrait être mise dans le même panier que tout le monde finalement: impuissante car la détection du dopage n’existait pas et que fort de ce constat, les sportifs-tricheurs gagnaient systématiquement devant les tribunaux.

Finalement, on en revient à ce qui a fait tomber Lance Armstrong, c’est à dire pas grand-chose juridiquement parlant. Des témoignages de coéquipiers-dopés, Landis, Hamilton, et d’autres sous la menace de parjure (Hincapie, Vaughters) et consorts , mais on a rien d’autre… On a déjà connu le même genre de choses, des témoignages contre remise de peine, et c’est ce qui laisse mal à l’aide dans cette affaire.

En conclusion, c’est peut-être bateau, mais le cyclisme balaye lui devant sa porte, contrairement à d’autres sports autrement plus rémunérateurs. L’argument que c’est un sport difficile est une idiotie : on se dope pour n’importe quoi : pour courir 100 mètres, pour tirer au pistolet sur une cible, pour courir le plus de kilomètres possibles… La faute, c’est la rupture de l’égalité des concurrents sur la ligne de départ d’une épreuve sportive, et donc le négation des valeurs éducatives et morales que sont censées renvoyer le sport, et auxquelles adhèrent et dans lesquelles se reconnaissent les spectateurs et fans.

Et quoiqu’on en dise ou pense Lance Armstrong aura été l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, coureur de sa génération, dans un environnement peu glorieux certes, empoisonné par le dopage qui résulte de deux choses simples au final : l’appât du gain et l’influence des médecins. Ce sont peut-être les deux leviers à activer dans le futur pour lutter contre le dopage dans tout le sport, pas seulement le vélo.


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