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Le gaspi, c’est fini, car Garot a tout compris !

Publié le 24 octobre 2012 par H16

En France, tous les problèmes ont été résolus, ou à peu près. Le pays, devenu de cocagne à la force du poignet d’une majorité sévèrement membrée et aux muscles encore turgescents de l’effort accompli, est à présent apaisé, serein, heureux. Le calme et la volupté régnant, le gouvernement peut (et doit) donc maintenant s’attaquer à tous les petits détails qui nous tiennent encore à l’écart du paradis complet. En conséquence, il va pour commencer s’occuper de vos poubelles.

Oui. Votre poubelle vient de devenir, pour l’un des ministres de notre formidable régime de bananes, la source primordiale d’intérêt sur laquelle il va asseoir une loi. Et asseoir une loi sur les poubelles des citoyens, c’est donner, enfin, de façon claire, l’exacte valeur de la production législative de nos politiciens (et depuis plusieurs années). Notre grand commis de l’état a donc décidé de mettre en place un plan d’action afin de diviser par deux le volume de déchets alimentaires d’ici à 2025, parce que, voyez-vous, mes petits amis, chaque année, un Français jette entre 20 et 30 kilos de nourriture à la poubelle (une enquête a été lancée pour le retrouver, mais une fois qu’on l’aura chopé, il va prendre cher).

guillaume garot, minustre délégué de classe au gros alimentaire
Bref. Le ministre répond ici, avec cette lubie innovation législative, à plusieurs impératifs citoyens indispensable au vivrensemble français :

  • D’une part, ce ministre était inconnu au bataillon. Personne n’avait entendu parler de Guillaume Garot. Ben voilà, maintenant, c’est fait, on va le connaître. Et puis, avant ça, personne ne savait qu’il était ministre ; il faut dire que son maroquin est celui de, je cite, « ministre délégué chargé de l’agro-alimentaire ». Pas étonnant qu’avec un titre aussi bidon, il ait été obligé de montrer son papier à entête et sa carte de visite à son papa et sa maman pour qu’ils le croient. Ce projet de loi était donc indispensable pour marquer son passage. L’action était décisive, plus qu’attendue : nécessaire !
  • Tout le monde se plaint du volume de déchets alimentaires. Tout le monde. Les petits, les grands, les journalistes, les philosophes, les experts, les politiciens, les charcutiers, les facteurs et les retraités de Palavas-les-Flots. Les sondages, nombreux, réguliers, montrent une grogne croissante chez le Français pour lequel la bouffe est l’alpha et l’oméga de sa relation avec le réel, et l’absolue nécessité de légiférer. Les statistiques sont formelles : plus de 98% de l’électorat de François Hollande est contre le cancer et le gaspillage de nourriture. Il fallait donc agir.
  • La France, comme je l’expliquais en introduction, est apaisée. On peut donc se consacrer aux vraies urgences du moment, celles qui font, justement, grogner les Français. Le temps est donc à l’action !
  • Et puis surtout, tout indique que le secteur de l’agro-alimentaire, au contraire du secteur automobile par exemple, ou du secteur minier, n’avait jusqu’à présent pas trop à se plaindre et n’avait en conséquence subit les assauts débiles d’aucun ministre, fut-il délégué. Tout va bien ? Besoin de rien ? Alors aucun doute, c’est le moment d’agir !

Devant ces quatre raisons impérieuses, l’inéluctable législorrhée se met en place, mue par la puissante impulsion du minustre en pleine métamorphose : la petite chenille d’élu a passé brillamment le stade de chrysalide ministérile pour se transformer en fécond papillon gouvernemental type Chieur-De-Lois. Et pour lutter contre ce qu’il nomme avec une originalité de puceau découvrant Pigalle « les dérives de la société de surconsommation », le gentil Guillaume prévoit cinq actions qui associeront des commerçants, des associations, des industriels, des marchés et des cantines. Il manque un saupoudrage d’experts et de philosophes, avec une ou deux commissions pour ficeler tout ça, mais le petit débute, accordons-lui un peu de latitude.

Bien évidemment, les cinq actions en question sont parfaitement ridicules, mais détaillons-les :

a. Réduire les volumes des produits en proposant, par exemple, la vente de yaourt à l’unité plutôt que par lot de quatre ou six. Car Guillaume ne sait pas qu’on peut acheter les yaourts à l’unité. Comme les piles. Alors il fait une loi. Le touchant benêt.

b. Différer les promotions dans les grandes surfaces afin d’éviter au consommateur, un peu con sur les bords, d’acheter deux produits et de repartir avec un troisième gratuit qui risque de se périmer. Pour le gentil Guillaume, il suffit que le magasin propose au client d’emporter son lot plus tard, et roule ma poule. Bien évidemment, le fait que la promotion s’inscrive sur une durée de temps précise pour une raison essentielle n’effleure pas l’esprit candide du délégué à l’agro-alimentaire : en général, le magasin (capitaliste donc fondamentalement mauvais) effectue ce genre de promotion précisément pour éviter des pertes sur son stock périssable. Imposer aux détaillants de conserver la promotion « pour plus tard », c’est leur demander de fusiller purement et simplement à la fois l’esprit même de la promotion, et l’éventuelle augmentation de marge sur le produit lorsqu’il arrive hors saison. On peut le dire : c’est complètement débile.

c. Améliorer la gestion des stocks en retirant bien plus tôt les produits des rayons, avant leur date limite, pour mieux les redistribuer vers l’aide alimentaire, autrement dit retirer des produits vendables des rayons pour les donner. Allons plus loin : demandons aux supermarchés de ne pas du tout mettre les produits en rayon et de les distribuer directement lorsqu’ils en prennent possession, contre — par exemple — des tickets fournis par le gouvernement aux citoyens qui viendront directement prendre livraison des biens en question, moyennant une petite queue préalable.

Queue en Pologne soviétique

d. Guillaume est bien chaud, il est en confiance, et comme aucun des cabinétards ni des sous-fifres qui s’agitent autour de lui n’a le cran de lui dire qu’il raconte des bêtises, il continue donc sur sa lancée et fourre à présent son nez dans les cantines où il demande que les portions alimentaires soient mieux ajustées. Car bien sûr, actuellement, les cantines n’ont qu’une motivation mineure à fournir des portions adaptées et beaucoup livrent la purée à grands renforts de camions-bennes, déchargent les fruits au transpalette directement dans les assiettes et fournissent les boissons gazeuses sucrées au jet d’eau haute pression. Dans les petites communes notamment, on se demande pourquoi les maires, si près de leurs sous, n’ont pas pensé à ça. Qu’ils sont nigauds !

e. Toutes ces propositions à la fois pragmatiques et compréhensibles d’un coup, cela faisait beaucoup. Guillaume est maintenant dans son élément, et — jeunesse oblige, les hormones pulsent — le voilà qui nous éjacule un petit élargissement des contrats avec les marchés d’intérêt national (MIN), qui sont sept concernés pour le moment, avec généralisation aux 22 existants d’ici 2013. Vous n’avez aucune idée de ce que c’est ? Vous ne comprenez rien à ce sabir gouvergnangnan ? C’est normal, c’est du technoblabla administratif à tubulure citoyenne chromée. C’est destiné à d’autres imbéciles acteurs de la chaîne de production législative.

Bien évidemment, tout ceci serait mineur sans le lancement, en fanfare et avec vos sous, d’un joli site internet acidulé à base de consom’acteurs durables, citoyens, locaux et pourri de petits slogans dégoulinant de naïveté agressive allant des conseils pour bien ranger votre frigo au « Manger c’est bien, jeter ça craint ! » qui ont le don de provoquer l’hystérie du cœur de cible (les enfants hydrocéphales de 3 à 5 ans) ainsi que des massacres de chatons dans des proportions bibliques.

Oui, l’argent de vos impôts part dans les émoluments de ce frétillant adolescent de la politique lâché en roue libre et en descente vers un nouveau champ de bataille débile alors que personne ne le lui a demandé. Oui, on va avoir droit à une loi alors que, pourtant, tout indique que si le gaspillage existe, il est d’abord le résultat direct des normes, réglementations et contraintes directement imposées par le législateur sur les consommateurs et le commerce (interdiction de la vente à perte, obligation de destruction des denrées périssables passées de date même pour une journée, etc…). Du reste, comme l’a si bien résumé George Kaplan dans l’un de ses billets, le capitalisme est, par essence même, le premier moteur de l’optimisation anti-gaspillage (et en plus, c’est Karl Marx qui le dit lui-même dans le livre III du Capital !).

Le fait que le gouvernement veuille absolument réparer des erreurs dont il est en premier chef responsable est parfaitement symptomatique du mode d’action habituel des politiciens : découvrir un non problème, rechercher une solution idiote, l’appliquer de travers et chercher un coupable. Et en matière de gaspillage, il en ira de même. Mais rassurez-vous : ♪ le gaspi, c’est fini, ♫ car Garot a tout compris ! ♪



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