Magazine Société

Burkina Faso et sa nouvelle école

Publié le 24 octobre 2012 par Raymond Viger

Coopération internationale

Un bénévolat passionné

Sonia Roussy, la jeune cinquantaine, dégage une énergie vivifiante qui la fait paraître 15 ans plus jeune. Allumée et engagée, elle est portée par un but qui lui met le sourire aux lèvres: elle aide une communauté du Burkina Faso à se doter de trois classes pour ses jeunes étudiants.

Dominic Desmarais Dossiers Commerce équitable, Bénévolat

burkina faso école éducation afrique bénévolat coopération internationale
Sonia est une voyageuse dans l’âme. Après plusieurs séjours touris-tiques à trimballer son sac à dos pour s’émerveiller devant les beau-tés de la terre, elle ressent une insatisfaction. «Quand je revenais, je me disais que je ne me trouvais pas assez proche du monde. Je voulais comprendre leur quotidien, comment ils vivaient.»

Sonia cherche une façon de voyager qui la rapprocherait des gens. En 2009, elle déniche un stage humanitaire pour le Burkina Faso, pays francophone d’Afrique. Avec un petit groupe d’adultes québécois, elle va à la rencontre de villages, d’institutions, de décideurs, de simples paysans. Sonia tombe sous le charme des Burkinabés.

Visite marquante

Son séjour l’emmène à Gonsin, un petit village d’environ 1000 habitants. Son regard est attiré par des piliers de bois et une bâche en plastique qui fait office de toit. La structure n’a pas de murs, le vent et la pluie sont libres d’y faire un tour. C’est l’école du village. «Là-bas, les conditions climatiques ne sont pas reposantes. Pendant plusieurs mois, le vent est très fort et il ramasse la poussière. C’est difficile de respirer et même de voir devant soi! Quand il pleut, impossible d’aller en classe.»

burkina faso école éducation bénévolat afrique coopération internationale
Sonia s’entretient avec les villageois qui lui font part des problèmes de la communauté. L’éducation est la priorité. «Il y a 6 ans, les enfants n’allaient pas à l’école. Il n’y avait pas d’enseignants pour leur village.» Les adultes ont demandé l’aide du gouvernement. En 2005, deux enseignants étaient dépêchés à Gonsin. Un troisième s’est rajouté l’an passé. Mais les enfants n’ont toujours pas d’école et manquent plusieurs jours de classe suivant les caprices de dame nature.

Les gens parlent à Sonia de leur désir d’avoir une école, souhait maintes fois exprimé au ministère de l’Éducation. La réponse est toujours non. L’État n’a pas les ressources pour exaucer leur vœu. Sonia se sent concernée. «Souvent, en voyage dans les pays sous-développés, si tu es blanc, les gens pensent que tu es riche. Ils ne te disent pas qu’ils ont besoin d’aide pour un projet, ils disent qu’ils ont besoin de ton argent.»

«À Gonsin, il y avait un comité de parents. Ce sont eux qui sont allés chercher des enseignants. Ils veulent à tout prix éduquer leurs enfants. Mais ils n’ont pas les moyens de construire une école. Ils ne vivent que de l’agriculture. Rares sont ceux qui ont un emploi.»

Le coût de l’école, 30 000$, est astronomique pour eux. Pas pour Sonia. «L’objectif, à mes yeux, n’était pas inaccessible. Et je savais qu’en finalisant le projet, il aurait un impact incroyable pour la communauté. Je leur disais: ce ne sera pas juste une école, ce sera un lieu de rencontre pour tous les gens du village. Ils n’ont rien d’autre!»

Deuxième séjour

bukina faso coopération internationale bénévolat afrique
Sonia rentre la tête pleine de questions. À Gonsin, elle n’a pas donné de réponse. Elle a besoin de recul. Un an plus tard, elle y retourne, seule cette fois, pour vérifier si le projet est faisable. «J’avais un contact au Burkina Faso. Il m’a trouvé un maçon et un technicien en architecture. C’était entendu que si je m’embarquais, les villageois donneraient du temps pour la construction. Ils n’ont peut-être pas d’argent ni l’expertise, mais ils ont des bras et de l’énergie. Ce sont eux qui ont creusé la fondation. C’est une grosse job, là-bas. Ça se fait au pic et à la pelle», dit-elle, avouant avoir essayé elle aussi deux petites minutes.

Avant de construire, Sonia prend rendez-vous au ministère de l’Éducation. «On m’a demandé ce que je voulais faire. Ils ne voulaient pas m’empêcher, ils disaient que je venais leur donner un coup de main.»

Sonia y reçoit les plans d’une école typique. Avec le technicien en architecture, qui fera office de contremaître, elle prend connaissance des matériaux qui seront nécessaires pour bâtir les nouvelles classes, des gens qu’il faudra engager et du coût total du projet. La façon burkinabé ne ressemble pas à celle du Québec. «Là-bas, c’est beaucoup plus laborieux. Il n’y a pas de quincaillerie. Tu dois savoir combien de briques tu devras faire fabriquer car il n’y en a pas en stock!»

Levée de fonds

Après 6 semaines à planifier le projet, Sonia rentre au Québec avec la ferme intention de mener à bien la construction. Pour amasser les 30 000$, elle crée l’Association philanthropique pour le Burkina Faso. «Ça donne plus de crédibilité à la campagne de financement. Jusqu’ici, j’ai obtenu 15 000$, surtout d’individus, même si l’association ne peut donner de reçus d’impôt. Je ne connais pas tous les donateurs, ça s’est fait grâce au bouche à oreille à partir de mes connaissances. J’ai été agréablement surprise par cet extraordinaire élan de solidarité.»

L’Association s’est donné comme règle d’utiliser tout l’argent uniquement pour les matériaux, leur transport et les salaires des employés là-bas. «Je prends à ma charge tous les frais d’administration et mes frais de voyage», assure-t-elle.

Début des travaux

Sonia n’attend pas d’avoir 30 000$ pour mettre le projet en branle. Avec la moitié, elle retourne au Burkina Faso. «J’y suis allée au printemps pendant 11 semaines. On a pu construire deux des trois classes prévues. Il n’en reste qu’une, avec le bureau des professeurs, et il y a la finition extérieure à compléter pour éviter que la pluie ne désagrège ce qui a été construit. Pour cette partie, tout dépend de la levée de fonds. J’espère que tout sera terminé en 2012.» Les élèves n’ont pas attendu la fin des travaux pour déménager. Même sans finition, leurs classes sont protégées par des murs et un vrai toit. Ils sont à l’abri des intempéries.

Sur place, Sonia décrit par courriel son périple à tous les donateurs. Une façon de les faire participer. «Ils trouvent ça génial d’avoir des nouvelles en temps réel. Ça leur donne une meilleure idée du projet, de la façon dont leur argent est utilisé. Ils ont fait l’effort de contribuer, c’est juste normal, par respect, de les tenir informés.»

Pour amasser les derniers 15 000$, Sonia songe à une marche commanditée, sans toutefois se fermer à d’autres possibilités. Sonia a une boutique virtuelle pour présenter son projet et des produits de financement tels que t-shirts, cartes de vœux et cotons ouatés à l’effigie du projet Une école, un avenir Idéalement, elle espère y retourner dans un an au plus tard. Et après, Sonia ne sait pas dans quel projet s’impliquer. Mais ce sera encore au Burkina Faso.

«Les Burkinabés, c’est un coup de cœur. Si je fais d’autres projets, se sera là-bas. À 10 kilomètres de Gonsin, il y a une ville de 20 000 habitants dont les trois orphelinats sont pleins à craquer.» Sonia, à deux ans de la retraite, prépare sa deuxième vie, l’humanitaire personnel.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Raymond Viger 488 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte