Le 17 octobre 1961 la manifestation organisée pour l’indépendance de l’Algérie est durement réprimée par la police. La violence prend des allures de massacre. Des manifestants furent précipités dans la Seine. Le préfet parisien de l’époque s’appelle Maurice Papon. Il sera en 1998 condamné pour des actes de complicité de crimes contre l’humanité pour avoir collaboré à la déportation de juifs sous le régime de Vichy.
Par un hommage bref aux victimes, le président de la République a admis la responsabilité de la France dans ces événements. C’est la première fois qu’une voix officielle s’engage sur le chemin d’une bien tardive reconnaissance. « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression », mentionne un communiqué de la présidence de la République. « Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes », ajoute-t-il.
C’était trop pour ceux qui rêvent qu’aucune zone d’ombre n’entre dans la mémoire collective. La colère a emporté le spadassin de l’UMP délégué à la polémique. « S'il n'est pas question de nier les événements du 17 octobre 1961 et d'oublier les victimes, il est intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République toute entière », dit-il dans un communiqué. Que voilà une belle façon de badigeonner des traces vives. Selon l’élu, il y aurait donc un événement qui aurait bien été commis mais dans le même temps qui ne pourrait pas avoir été commis par ceux qui l’ont commis. La méconnaissance des faits est renforcée par l’amnésie des fondamentaux de la grammaire. Dès l’école primaire, l’élève apprend que toute phrase à la voix active peut être tournée à la voie passive. Un événement s’est produit. Il y a des responsables et des acteurs de premiers plans. D’autres déclarations s’accordent avec celle du porte-parole du parti confirmant ainsi le glissement vers la droitisation extrême.
Toutefois, la reconnaissance du chef de l'Etat mérite d’être consolidée et affermie. Aux historiens de travailler à partir des archives toujours tenues au secret. Si la citoyenneté se construit par le juste travail de mémoire, sans concurrence entre faits et périodes, elle s’incarne dans la reconnaissance et la transmission. Comme pour la Rafle du Vel d’Hiv, il importe de porter à la connaissance des jeunes générations les événements et les situations qui ne sont en résonnance avec les temps présents. Le roman de Claire Etcherelli Elise ou la vraie vie, (1967), sans se rapporter aux événements d’octobre 1961, témoigne à la fois de la condition ouvrière pendant les Trente glorieuses et de la représentation de ceux qui furent les victimes de la répression.
L’éducation à la citoyenneté, portée principalement par l’Ecole, a pour mission de transmettre les codes et les valeurs, les règles, les principes et les cadres sociohistoriques du vivre ensemble. La mémoire partagée contribue au projet collectif, qui, dit Dominique Schnapper, sociologue de la citoyenneté, « reste à inventer ».