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Boycott du livre à Paris : l'hébreu et l'arabe, langues officielles

Publié le 30 mars 2008 par Gonzo

Boycott du livre à Paris : l'hébreu et l'arabe, langues officielles
Choisir l’Etat israélien, à l’occasion du soixantième anniversaire de sa création, comme invité d’honneur du Salon du livre de Paris n’était pas, à l’évidence, une idée totalement dénuée d’intentions politiques. Venu officiellement pour l'inauguration, le président Shimon Pérès fut d’ailleurs reçu avec tout le protocole d’un chef d’Etat comme en témoigne cette photo des Champs-Elysées. Dans ce contexte, le boycott arabe et musulman était inévitable.
Boycott qui a suscité des prises de position, tout aussi inévitables, critiquant cette attitude de refus et justifiant la position israélienne, sans craindre d’affirmer, par méconnaissance sans doute… - des contrevérités.
Pierre Assouline par exemple justifie l’invitation des seuls auteurs écrivant en hébreu par le fait qu’il s’agit de la langue nationale en Israël : il oublie, avec beaucoup d'autres il est vrai, que l'Etat israélien a deux langues officielles, l'hébreu et l'arabe.
On a donc choisi, délibérément, de nier l'existence d'une partie de la création littéraire israélienne... Et cela, ce n'est tout de même pas exactement indifférent.
Boycott du livre à Paris : l'hébreu et l'arabe, langues officielles


Drapeau déployé par des militants de "Génération palestine"
à l'occasion de la venue d'Ehud Olmert (octobre 2007).
Source : www.europalestine.com.

La question du boycott est certainement difficile, douloureuse dans bien cas. Pourtant, dans ce cas précis, l’exploitation politique ce cet événement en principe culturel, était assez évidente.
Une fois de plus, à l’exception d’un seul article, assez fade, du Safir libanais traduit dans Courrier international, les voix en provenance du monde arabe n’auront pas été données à lire en français. Voici donc, à la fois résumées et librement traduites, deux opinions publiées le même jour (le 28 mars).
Le salon du livre de Paris et le boycott arabe, par Samir Taher.
(texte publié par Samir Taher, poète irakien, dans la quotidien panarabe et propalestinien Al-quds al-‘arabi du 28 mars 2008)
Des écrivains arabes participant au Salon du livre de Paris nous disent que boycotter cette manifestation c’est boycotter la littérature en hébreu. Ils savent bien que faux ! Il y avait au moins deux bonnes raisons : d’abord parce que le Salon honorait Israël au moment même des massacres de Gaza et des décisions d’étendre ses colonies ; ensuite parce que l’invitation était limitée à la littérature écrite en hébreu. Les adversaires du boycott ne font pas allusion à cela. Tahar Ben Jelloun explique que c’est une faute de boycotter des livres à cause de la politique d’un pays, alors que le boycott ne concerne pas les livres, et que ce ne sont pas eux qui sont honorés ! A l’évidence, cette manifestation est politique : n’a-t-elle pas été inaugurée par Sarkozy et Pérès ? Maïssa Bey aurait été d’accord pour un boycott si tous les auteurs invités avaient soutenu la politique de leur gouvernement : chère Maïssa, justement, ceux qui n’étaient pas d’accord ont boycotté (l’historien Ilan Papé, le poète Aharon Shaptaï). Au moins Maïssa Bey n’est pas aussi arrogante (عجرفة) que Hoda Baraka qui n’aime rien tant que les auteurs israéliens et parle de boycott stupide. […)] De fait, le Salon aurait pu être l’occasion d’un dialogue entre intellectuels arabes et israéliens si le gouvernement français n’avait pas tout gâché en ne laissant aux écrivains arabes d’autre possibilité que de célébrer Israël ou de le boycotter. C’est à se demander si tout cela n’était pas planifié de la sorte par la droite française depuis le début…
Deux salons du livre en l’honneur d’Israel : n’est-il pas plus efficace boycotter ?
(texte publié par Yûsuf Damra, un Palestinien de Cisjordanie installé en Jordanie, auteur de nouvelles dans le quotidien Al-Hayat, qui est tout sauf un brûlot de gauche...)
De nombreuses voix arabes, celles d’intellectuels et d’écrivains, ont appelé à participer aux Salons du livre de Paris et de Turin, bien qu’Israël y soit l’invité d’honneur, à l’occasion du soixantième anniversaire du viol de la Palestine et de la création d’un Etat raciste sur son territoire. Et cela au prétexte que l’expérience montre que laisser le champ libre à l’ennemi permet seulement qu'il se fasse encore plus entendre. Ces voix veulent nous faire croire que le vrai problème, c’est l’absence des Arabes qui, avec la présence sioniste, fait que l’Occident reste captif d’une voix unique.
[…] Certains "nouveaux libéraux arabes" voudraient nous convaincre que participer à ces deux Salons fera contrepoint à la présence de l’ennemi, évitera qu’il fasse seule entendre sa voix aux citoyens occidentaux. Ils voudraient nous convaincre que le boycott est négatif, inefficace parce que la voix arabe restera cantonnée aux médias arabes, que les citoyens occidentaux ne pourront pas entendre le point de vue arabe et qu’ils épouseront donc le point de vue sioniste, non pas par conviction mais par défaut.
On veut bien croire, même si ce n’est pas évident de nos jours, que les nouveaux libéraux arabes, partisans de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, sont animés de bonnes intentions. Pourtant, le boycott est-il vraiment quelque chose de négatif, de stupide ? Plus personne ne peut s’illusionner sur l’ignorance de l’Occident, à commencer par ses élites intellectuelles et politiques vis-à-vis de la question palestinienne, surtout à l’heure de la société de l’information. Ces élites sont parfaitement au courant, depuis le début en fait. Il suffit d’observer le nombre d’organisations, civiles ou gouvernementales, qui essaient de contribuer à trouver une solution au problème : c’est la preuve de leur méconnaissance, ou bien le contraire ?
Boycotter c’est prendre parti, exactement comme participer, c’est prendre position d’une façon particulièrement efficace et susceptible de susciter des interrogations. Boycotter, c’est mieux que de refuser de prendre la parole, c’est une protestation qui touche au cœur de la raison occidentale, qui la touche à l’endroit le plus sensible.
Participer, c’est se soumettre aux faits établis, réduire le conflit à une simple divergence de points de vue. Agir ainsi, c’est faire que l’Occident n’éprouve jamais le moindre remord pour tous ses agissements depuis un siècle, faire que l’Occident se dise que finalement il avait raison puisque les Arabes auront fini par accepter cette entité raciste et hostile. (…) Mieux encore, ce seront les Palestiniens qui auront fini par payer le prix d’une solution sans que l’Occident n’ait à porter la responsabilité morale et légale de ce qu’il a fait. Boycotter c’est donc rappeler à l’Occident son crime, et être présent, c’est pardonner l’impardonnable.[…] Le plus étonnant cependant, c’est de voir que le boycott se trouve décrit par Ben Jelloun comme « un crime contre la culture ». Il nous dit que le boycott est un crime et fait semblant d’oublier les crimes pires encore commis en Palestine ! Il n’y fait même pas allusion de près ou de loin, pas plus qu’au soutien de la France à l’entité sioniste.
Cette manière de caresser dans le sens du poil l’Occident (تزلف) revient, dans le fond, à faire la même chose pour Israël. Apparemment, il y a des écrivains arabes qui ont compris le rôle joué par le sionisme sur le marché mondial du livre et des écrivains, à travers les traductions, les prix… C’est cela qui en fait saliver plus d’un et qui les fait parler de pardon et de tolérance, fut-ce sur le cadavre des bébés de Gaza et les lamentations de leurs mères.
Il n’y a pas de honte à participer à la célébration des soixante ans d’Israël tant qu’on en retire quelques miettes de profit… Tant pis pour les enfants de Gaza, les mères, les vieux, le blocus et la famine imposée à deux millions d’êtres humains. Tant pis pour les obus qui tombent sur les ambulances, c’est secondaire. Ce qui est grave, primordial même, c’est le coup que fait subir le boycott arabe à la culture universelle !!!

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