Magazine Culture

Pourquoi je suis très sensible comme fille ?

Par Jeuneanecdotique

jeune

Quand j'étais encore dans la si sympathique période de l'adolescence (et je n'en suis sortie qu'il n'y a peu de temps, d'ailleurs), ma phrase préférée, celle qui me collait à la peau, celle qui me servait de "bonjour", c'était : "J'aime pas les gens". Je ne sais pas. J'avais vraiment l'impression de ne pas les aimer, de leur vouer une haine meurtrière et d'être incapable de les supporter sans jouer l'hypocrisie. Je ne sais pas, ça devait faire staïle dans mon crâne, de dire ça. Ca donne l'image de la fille à qui on ne la fait pas, ça donne l'image de la fille qu'est loin d'être une cruche qui ricane, ça donne l'image d'une fille que je n'étais pas forcément, en fait. Mais ça faisait staïle.

Mais, il faut bien l'admettre. J'aime les gens. Je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite, et j'ai fini par me rendre à l'évidence. Si, si, je les aime.
Je veux le bien de tout le monde. Alors qu'auparavant je souhaitais le mal des autres, et surtout de ceux qui m'en faisaient, aujourd'hui, j'ai l'impression d'être propre de toute cette haine passée. Je ne suis pas un grand lapin chamallow non plus, j'ai mon caractère, comme tout le monde, mais je suis devenue bien plus douce, bien plus tolérante, bien plus humaine. J'ai grandi.

C'est ce soir que je m'en suis rendue compte, en fait. Lorsque je suis arrivée chez moi, j'ai vu des sortes de lumières bleues clignoter sur les immeubles. Je me suis dit que c'était une voiture de police. Après tout, le commissariat s'est installé sur notre ancien parking (et nous a bouffé toutes nos places, oui...), et il n'est pas rare de voir leurs voitures sortir, les feux clignotants et la sirène qui hurle. Et, finalement, j'ai vu passer une ambulance. Pendant une brève seconde, j'ai eu très envie de pleurer.

Lorsque je vois une ambulance, j'ai toujours cette petite peur que ça soit pour quelqu'un que je connais. Et quand je sais que ce n'est pas pour quelqu'un que je connais, j'ai cette grosse tristesse de me dire que la personne qui est dedans, quelqu'un l'a connaît, quelqu'un l'aime, quelqu'un a peur pour elle. Et ça me fait beaucoup de peine. Pourtant, je ne les connais pas, ces gens. Pourtant, si ça se trouve, ce n'est rien de grave. Si ça se trouve, c'est qu'une bête cheville foulée. Mais si ça se trouve, c'est plus que ça. Et j'en viens à m'inquiéter pour des gens que je ne verrais jamais, dont je ne sais rien, et c'est là, à cet instant précis, que je l'ai su : j'aime les gens.

J'ai essayé, après cette prise de conscience, de me rappeler de tous les gens que j'aimais sans m'en rendre compte.

Cette jeune voisine, enceinte, qui a l'air très heureuse d'attendre un bébé. Je n'ai jamais discuté avec elle, mais je suis contente pour elle et son compagnon.

Ce monsieur en vélo que je croise tous les jours en voiture sur la route en allant bosser, qui grimpe la côte avec acharnement, alors qu'avec une quarantaine d'années de moins que lui, je n'aurais certainement pas la force ni l'envie d'en faire ne serait-ce que la moitié. Sa motivation, son acharnement à le faire tous les jours, à la même heure, ça me touche.

Mon papa, que je critique souvent, dont j'ai la liste des défauts bien en tête, et pour qui j'ai finalement eu extrêmement peur lorsque ma mère m'a dit, la semaine dernière, "Ton père a dû être hospitalisé". J'étais limite plus terrifiée que la mère, les larmes aux yeux, à l'harceler de questions : "c'est grave ?" "il va bien ?" "il revient quand ?" "les médecins s'occupent de lui ?" "Comment ça, ils l'ont laissé dans le couloir sans faire gaffe à lui ?". Je l'aime, mon papa.

Le petit-ami de ma cousine, qui me vanne tout le temps, qui est relou, mais pour qui j'ai été extrêmement triste lorsque j'ai su que ma cousine l'avait quitté après huit ans de vie commune. Je me suis dit que je n'allais jamais le revoir, qu'il devait se sentir seul dans leur appartement, et que peut-être il ne méritait pas tant que ça d'être quitté ; je l'aime bien, finalement, malgré tout ce que j'ai pu dire.

Ce SDF, croisé un soir de déprime, à qui j'ai donné dix euros en échange d'un dessin de lui, et que je n'oublierais certainement jamais. Je l'aimais, aussi. Tellement que je lui ai dis "merci", comme si je le remerciais d'avoir croisé ma route, alors que lui me remerciait de lui avoir permis de dormir au chaud pour la nuit.

Cette femme, à Rennes, qui m'a parlé pendant dix bonnes minutes de sa vie devant les cabines d'essayage H&M, qui m'a dit qu'elle cherchait un haut pour un mariage, que ça lui faisait bizarre d'être dans un magasin avec tant de monde, qu'elle était souvent seule, qu'elle avait besoin de discuter. Sur le coup, elle m'a soulée, et lorsque j'ai vu une cabine libre, je lui ai souri, je lui ai dit au revoir, et j'ai été soulagée de pouvoir m'enfuir. En fait, je l'aimais bien. J'aurais voulu qu'elle soit heureuse, et j'étais contente de lui avoir parlé, si ça a pu l'aider.

Cet homme, qui à la sortie de ma première journée de fac, m'a redonnée le sourire. Il voulait me vendre une carte faite par sa troupe d'acteurs, et il a fini par me demander si j'étudiais à l'université, ce que je faisais. Si j'amais ça. J'ai dit que non, mais que c'était pas grave. Je lui ai dit que je voulais être toiletteuse pour chiens, mais que ma famille trouvait ça complètement débile. Il m'a dit de faire ce que je voulais de ma vie, de ne pas me laisser faire par la volonté des autres, et qu'il était sûr que j'y arriverais. Il a aussi dit qu'avec les chiens,  je ne serais jamais déçue, et toujours aimée. Je l'aimais bien.

Et tant d'autres gens, croisés chaque jour, ou même que je ne croiserais jamais, et que j'aime quand même.



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jeuneanecdotique 340 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte