Les indécisions et les incertitudes qui habitent nos élites et nos médias viennent de l’impossibilité conceptuelle d’imaginer autres choses que l’État-providence.
Par l'auteur du blog "Bobo libéral".
Mais sans surprise ce diagnostic, sans appel, n’est pas partagé par la majorité des gens, et encore moins par nos élites. Au contraire, il est plutôt question de sauver notre État-providence, de le préserver, de le sauvegarder, au mieux de le refonder. À croire que c’est le combat de notre époque, l’enjeu civilisationnel qui déterminera le sort et le salut de notre pays. La seule chose qui vaille la peine que l’on se batte pour.
Et cela coûte que coûte, au prix même d’un déficit abyssal. Car dans l’esprit de beaucoup, sans les services pourvus par cet État-providence, la situation serait pire. La majorité des gens serait privée de retraites, de couvertures santés et d’une éducation gratuite. La cohésion sociale se fissurerait, les démagogismes prospéreraient sur ce terreau de misère et notre démocratie serait en péril.
Il est alors évident, qu’endoctrinées par une telle propagande, les populations de France, mais aussi du reste de l’Europe, ne font pas preuve d’un enthousiasme délirant devant les cures d’austérité. Pourquoi voudraient-elles se priver de services que seul, selon la croyance populaire de notre époque, l’État-providence serait en mesure de fournir ? Pourquoi voudraient-elles se séparer de ce qui les enrichissaient quotidiennement ? À quoi bon faire tous ces efforts, si ce n’est que pour devenir plus pauvre ?
Tant que ce mythe de l’État-providence pourvoyeur de richesse durera, jamais les gens ne voudront y renoncer. À contre-cœur ils accepteront les mesures d’austérité, qui d’ailleurs ne solutionnent en rien le problème, puisqu’elles ne remettent pas en cause la nature même de ces États-providences.
Il est nécessaire que les libéraux fassent acte de pédagogie et expliquent en quoi l’État-providence détruit plus qu’il ne crée de richesses. Le fait même qu’il soit déficitaire dans toutes ses branches devrait démontrer à lui tout seul son caractère nocif pour la collectivité.
En effet, en prenant un exemple caricatural, mais qui peut marquer les esprits, si avec de quoi produire dix tomates, on ne produit que huit tomates, on n’a rien produit. En réalité on a détruit du capital, et on se retrouve appauvri. À ce rythme on finira par mourir de faim. Et cette règle s’applique à tous les processus de production, sans distinction. C’est irréfutable et inéluctable.
Alors par quel mystique l’État-providence devrait-il échapper à cette règle ? Pourquoi les services qu’il produit s’affranchiraient-ils des lois économiques ? Certains économistes poussent le vice jusqu’à prétendre que son déficit est un investissement à long terme dont le coût ne peut se comparer à celui des entreprises privées. La rationalisation dans ce domaine ne semble pas connaître de limites.
Mais il faut être clair sur l’ennemi. L’État-providence, et cela en dépit de ses bienfaits apparents et de ses prétendus objectifs de lutte contre la pauvreté et la précarité, provoque encore plus de pauvreté et de précarité. Se battre pour l’État-providence, c’est en fait se battre pour plus de misères. Réformer l'économie de notre pays pour le sauver, c’est nourrir le cancer qui le tue à petit feu.
En reprenant mon exemple précédent, ce serait comme encourager les gens à produire huit tomates avec de quoi en produire dix. Un acte suicidaire. Une mort lente programmée.
Le problème est que les effets nocifs de l’État-providence ne se font pas sentir immédiatement, mais à plus longue échéance, étalés dans le temps, diffusés dans l’espace, sans que l’on puisse identifier clairement le coupable. Au contraire ces effets "bénéfiques" se font ressentir immédiatement. C’est un peu comme l’aphorisme de Bastiat sur ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. On voit les services rendus par l’État-providence, ils sont même glorifiés par tous les médias, mais on ne voit pas (immédiatement) ses dégâts sur l’ensemble de la société, mis souvent sur le compte d’autres personnes.
Le propos peut paraître radical, sans concession, mais nécessaire pour proposer une alternative. Sans quoi on se retrouve comme un Romney, bien incapable de proposer une solution alternative à Obamacare.
Avec ce constat on comprend mieux les ressorts de notre crise, qui ne sont pas qu’économiques. Il n’est pas uniquement question de PIB, de taux directeurs, de taux d'investissements et de profits, de balances commerciales et d’indices manufacturiers. Les indécisions et les incertitudes qui habitent nos élites et nos médias viennent de l’impossibilité conceptuelle d’imaginer autres choses que l’État-providence. Nous vivons ainsi une crise idéologique majeure.
Mais dans toute crise se trouve l'occasion inespérée de se remettre en cause et de pouvoir aller de nouveau vers l'avant. J’espère que celle-ci sera l'occasion d'une révolution intellectuelle qui sauvera notre pays.
En ces temps difficiles, je me permets une petite note d'optimisme.
----
Sur le web.