De nature encore méconnue et pratiquement invisible, la matière noire qui représenterait environ 25 % du contenu de l’Univers, échappe à l’observation directe par nos moyens modernes, au contraire de la matière dite ordinaire (matière baryonique, celle que l’on “voit” et qui compose les étoiles, les planètes, les nébuleuses, etc.). L’influence gravitationnelle qu’elle exerce sur son environnement est une des rares possibilités, pour les astronomes, de l’appréhender. Aussi, se sont-ils intéressés ces derniers temps à l’objet MACS J0717.5 3745 (MACS J0717 pour faire court), l’un des amas de galaxies les plus massifs connu, supposé relié à un filament de matière noire, étudié jusqu’ici, en deux dimensions.
Image composite de l’amas de galaxies
Rappelons qu’en vertu de la théorie du “Big Bang” et des simulations informatiques imaginées pour recréer l’évolution de l’Univers, les variations de densité (graines de densité) apparues très tôt, ont vraisemblablement tissé un immense réseau de matière noire. Des filaments entremêlés aux noeuds desquels, de nombreuses galaxies se donnent rendez-vous, composant ainsi d’impressionnantes collections ou amas tel MACS J0717, en plein croissance.
Les observations combinées de plusieurs grands télescopes comme Hubble, Subaru, CFHT (télescope Canada-France-Hawaï) et aussi Keck et Gemini pour la spectroscopie, ont offert aux astronomes la première carte en trois dimensions de l’un des filaments de matière noire qui structure l’Univers. Cachée, sa présence peut être toutefois trahie par sa masse qui déforme l’espace-temps. L’effet nommé lentille gravitationnelle courbe l’espace et dévie la lumière des galaxies à l’arrière-plan. Conjugué à l’étude précise de la dynamique (positions, vélocité) des milliers de galaxies au sein de l’amas, les chercheurs ont pu mettre en évidence l’orientation et la forme approximative du filament.
D’une longueur supposée de 60 millions d’années-lumière, son anatomie est supérieure aux prédictions des modèles numériques. S’il s’avère qu’il est représentatif des filaments de gigantesques amas de galaxies, il se pourrait bien que cette toile invisible cache plus de la moitié de la masse de l’Univers !
Grâce au futur télescope spatial James Webb (JWST), dont le lancement est prévu en 2018, les cosmologistes pourront détecter et étudier ces filaments qui structurent l’Univers avec une plus grande précision.
« Les côtés obscurs de l’univers » (CERN).
Lecture : « Matière sombre et énergie noire : Mystères de l’univers » de Alain Bouquet, Emmanuel Monnier. Préface de Trinh Xuan thuan.
Crédit photo : NASA/ESA/Harald Ebeling (University of Hawaï) et Jean-Paul Kneib (LAM)/L. Calçada.