Magazine Humeur

« Les voies du Seigneur sont impénétrables »

Publié le 01 novembre 2012 par Kamizole

Saurons-nous quelque jour qui a piraté le site d’Euromillions avec un message religieux anti-jeux (Le Monde 28 oct. 2012) ? En effet, le texte était rédigé en arabe et en Français. Subodorant que les fondamentalistes musulmans et catholiques n’auront pas fait cause commune en la circonstance et à moins que les culs bénis n’aient voulu leur faire porter chapeau, cela laisserait plutôt supposer une action des islamistes.

De quoi se mêlent-ils ? Nous n’avons rien à cirer de leurs injonctions. Qu’ils se carrent leur Charia où je pense : l’allusion au vin et à d’autres pratiques ne peut venir que de la poignée d’excités - environ 1.500 sur 5 millions de musulmans vivant en France, lesquels ne demandent qu’à vivre en paix. Qu’ils boivent de l’eau claire ou tout ce qu’ils voudront. Ils se fichent digito in oculo jusqu’à l’épaule s’ils pensent ainsi nous attirer dans les rets de leur religion. Ils sont même drôlement culottés dans la mesure où ils considèrent les musulmans convertis à une autre religion comme des renégats - des apostats qu’ils n’hésitent pas à tuer - alors que leur propension au prosélytisme est carrément stupéfiante.

Que l’on ne se méprit pas : je respecte toutes les religions, à condition qu’elles fussent respectables. Elles peuvent donner aussi bien le meilleur - élever l’âme ou l’esprit - que le pire quand elles considèrent que ceux qui ne pensent pas comme eux (fidèles d’autres religions ou non croyants) sont par essence de ennemis. Cette vision étant celle d’une poignée d’extrémistes de toute obédience. Enfin, du point de vue de la logique philosophique, il est bien évident que si l’on considère, s’agissant des religions monothéistes - dont celles qui se réclament de la Bible (juifs, chrétiens, musulmans selon l’ordre chronologique) que Dieu est « Un », ce ne peut être que le même dieu qu’elles honorent quelque fût le nom qu’elles lui donnent. CQFD.

Je m’intéresse depuis suffisamment longtemps à ces questions d’intolérance religieuse ou philosophique pour ne pas savoir que l’extrémisme n’est pas le seul fait des musulmans intégristes. L’on ne compte pas le nombre d’actes odieux commis par des fondamentalistes chrétiens à l’occasion de films qu’ils considèrent comme impies, de destruction d’œuvres artistiques qui les choqueraient, d’attaques de centres d’IVG (ils sont allés jusqu’au meurtre aux Etats-Unis) et tout dernièrement l’occupation d’une mosquée (quand ils ne les souillent pas avec des excréments ou ne déposent pas une tête de cochon devant). La profanation de tombes - musulmanes, juives ou chrétiennes ou autres - est un acte criminel dans la mesure où il enfreint la croyance multiséculaire (remontant bien avant l’Antiquité) du respect dû aux sépultures. Je fus également outrée en voyant il y a quelque temps un reportage tourné en Israël montrant des juifs orthodoxes ultra-conservateurs tentant d’interdire l’accès d’une école à des filles. Ils ne valent guère mieux que les talibans !

Ceux qui ont piraté le site d’Euromillions condamnent donc les jeux de hasard qu’ils considèrent comme une « impureté ».

Mais quand ces islamistes radicaux lancent une grenade dans un supermarché kasher de Sarcelles, c’est de la « pureté », hein ? De même lorsqu’ils prévoient d’autres attaques contre des juifs, qu’ils assassinent des militaires et des enfants et enseignants juifs à Toulouse, c’est sans doute une œuvre pie. Vos gueules !

Leur texte vaut son pesant de cacahuètes et mériterait de figurer dans quelque bêtisier - je reste drôlement polie, hein ? - de fin d’année : « O, vous les croyants ! Le vin, les jeux de hasard, les statues, les augures ne sont qu'une impureté parmi les oeuvres du diable. Ecartez-vous en afin que vous réussissiez, Le Diable, ne veut que jeter l'hostilité et la haine entre vous par le vin et les jeux de hasard et vous détourner de l'évocation de Dieu et de la prière. Allez-vous donc y mettre fin ? ».

J’ai beau savoir que la Bible interdit « les images taillées » et leur culte (Exode 20- 4-6), ce qui concerne dont aussi bien les juifs que les chrétiens, il n’en reste pas moins que, nonobstant les diverses « querelles des images » - iconoclasme - qui émaillèrent l’histoire de l’Empire romain d’Orient, les icônes sont loin d’avoir disparu des lieux de culte orthodoxes (sauf peut-être quelques obédiences respectant cet interdit ?) et sans qu’elles soient pour autant objets de culte, sur le plan purement artistique nous serions privés de grand nombre de chefs-d’œuvre si la chrétienté avait interdit les statues et tableaux représentant le Christ, la Vierge (et l’enfant) ou d’autres saints.

A la suite de Mahomet, les musulmans ont maintenu cet interdit dans toute sa rigueur, ce qui ne les empêcha pas de produire des chefs d’œuvre picturaux. Mais qu’ils nous laissent libres de nos choix.

Merci de me faire penser également que je devrais jeter l’anathème sur tous les nombreux « calvaires » - ils sont foison notamment en Bretagne - et toutes les processions où l’on promène une statue de la Vierge ou d’un saint, sévèrement condamner les « pardons » (pauvres marins bretons ! Et leurs ex-voto quand ils furent rescapés d’un naufrage) et toutes les reliques pieusement conservées dans nombre d’églises.

Me moquerais-je des musulmans qui font le pèlerinage à la Mecque ? Bien évidemment, non. Pas plus que des chrétiens qui vont à Rome, à Saint-Jacques de Compostelle, et les malades qui espèrent une guérison à Lourdes. Comme le dit la sagesse populaire : « il n’y a que la foi qui sauve ».

Certes, la Bible condamne les augures, devins et astrologues et tous ceux - sorciers, magiciens, spirites, prophètes compris - qui prétendent parvenir à quelque connaissance de l’avenir (Deutéronome 18 - 10-12)… Tant pis pour les « rois mages » du Nouveau Testament ! Nous n’irons plus à Delphes avec le Béotien Plutarque (auteur entre autres, des « Vies parallèles ») qui en fut un des prêtres… La Pythie est persona non grata.

Quant au vin, si dans la Bible (Lévitique 10 - 8-11) le Seigneur interdit de boire du vin et des boissons fermentées, cette prescription est fort loin d’être aussi générale et absolue que certains le prétendent : le Seigneur ne s’adressant qu’à Aaron et ses fils, lorsqu’ils entrent dans la tente de réunion « afin qu’ils soient toujours en état de discerner ce qui est saint de ce qui est profane, le pur de l’impur, et d’enseigner aux Israélites toutes les lois que le Seigneur leur a données par Moïse ». Il n’est écrit nulle part que le sacrificateur dût s’en abstenir à d’autres moments.

Il en est tout à fait de même s’agissant des hommes et des femmes consacrés aux œuvres divines sous le nom de « nazaréat » (Nombres 6 - 3-4) qui devaient s’abstenir de boire du vin (et même consommer du raisin sous toutes ses formes) et des boissons fermentées pendant toute la durée de leur fonction et même à vie s’ils étaient consacrés pour toute la durée de celle-ci.

Idem la prohibition des Juges (13 - 2-4) qui ne concerne que la femme de Danoé qui était stérile mais enfanta Samson : « L’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : Tu es stérile et tu n’a jamais eu d’enfant. Mais tu vas concevoir et tu auras un fils. Garde-toi bien désormais de boire du vin et de la liqueur »… Simple prescription de bon sens : n’est-ce pas celle que donne encore de nos jours la Faculté aux femmes enceintes ?

Nous remarquerons ensuite que les textes bibliques - notamment les Livres dits « sapientaux » (sagesse) - Proverbes, Ecclésiate, Ecclésiastique, Sagesse - ne prônent pas en règle générale l’abstinence mais la modération dans l’usage des boissons alcoolisées. Rabelais qui pourtant chanta la « dive bouteille » n’en prôna pas moins d’éviter les abus. Ce qui tombe sous le sens.

Ainsi, les Proverbes - attribués par l’Ancien testament à Salomon - censés nous conduire sur le chemin de la « sagesse et de la discipline, nous faire comprendre les discours sensés, pour recevoir les leçons du bon sens, de la justice, de l’équité et de la droiture ».

Prov. 23 -19-21 « Ecoute mon fils ; deviens sage, dirige ton cœur dans le droit chemin ; ne va pas avec les buveurs de vin, avec ceux qui aiment la bonne chère ; car ivrognes et gloutons s’appauvrissent et le sommeil fait porter des haillons ». Il semble évident, sans forcer le texte, que Salomon ne visait nullement les personnes faisant un usage modéré du vin : le sommeil dont il parle étant celui de l’ivrogne à la suite de libations excessives. Ce que confirme bien un autre verset Prov. 20-1 « Moqueur est le vin, et tapageuse la bière, qui s’y égare manque de sagesse ».

De même que les Proverbes rapportent les paroles de Lamuel, roi de Massa, telles que lui enseigna sa mère : « Il ne sied point aux rois, Lamuel, de boire du vin, ni aux princes de s’adonner aux boissons fortes ; de peur qu’en buvant ils n’oublient leurs propres décrets, et ne méconnaissent le droit de tous les malheureux » (Prov. 31 - 4-5). Cet interdit - intuitu personae - ne frappant nullement leurs sujets.

Dans un autre contexte - l’exil des juifs à la cour de Nabuchodonosor - Daniel et ses trois compagnons firent abstinence de vin et des mets de la table du roi (Dan. 1 - 8 - 16) « il prirent la résolution de ne pas se souiller » n’acceptant que des légumes… Il ne s’agissait là encore que d’un vœu temporaire et l’on en subodore aisément la raison : le vin et les viandes offertes à la table du roi ayant été consacrés à divers dieux païens.

S’agissant de l’usage immodéré du vin, Saint-Paul ne dira rien de différent que les leçons de sagesse des Proverbes. Ainsi, dans son épître aux Galates, rappelant que si la liberté leur était donnée il en devaient faire bon usage, ne pas en tirer prétexte pour assouvir la chair et devaient pratiquer entre eux la charité réciproque : « Si vous vous mordez et vous entre-dévorez, prenez garde à la destruction réciproque ! » (Gal. 5 - 13-15).

Il condamne de la même manière tout ce que produit la soumission aux désirs de la chair (contraires à ceux de l’Esprit) : « débauche, impureté, libertinage, idolâtrie, magie, inimitiés, discordes, jalousies, emportements, cabales, dissensions, factions, envies, ivrogneries, orgies et autres excès de ce genre ». L’on retrouve les mêmes injonctions - s’agissant des conseils et principes moraux - dans son épître aux Romains : « point d’orgies, point d’ivrognerie, point de luxure ni de débauches, point de querelles ni de jalousies » (Rom. 13-13).

Ou encore dans sa première épître aux Corinthiens : « ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les gens aux mœurs dépravées, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les diffamateurs, ni les rapaces n’hériteront du royaume de Dieu (…) non plus que ceux qui commettent l’injustice » (Cor. 6 - 9-10).

Paul de Tarse - qui ne l’a pas connu - ne fait que reprendre et expliciter l’enseignement du Christ. S’agissant du vin, il s’en faudrait de beaucoup que celui-ci l’ait condamné et de quelques épisodes, dont les Noces de Cana - où il transforma le vin en eau parce qu’il n’y en eut pas suffisamment pour désaltérer tous les convives - jusqu’à la Cène (le dernier repas avec les apôtres) avant sa mise à mort, il faut nécessairement conclure que les juifs n’interdisaient nullement de boire du vin sinon ses adversaires du Temple n’eussent pas manqué de lui imputer un manquement supplémentaire à la loi mosaïque !

C’est dans cette mesure que la messe chrétienne, au moment de l’eucharistie, perpétue le souvenir du Christ et du sacrifice de sa vie : « prenez et mangez, ceci est mon corps » (l’hostie) « prenez et buvez, ceci est mon sang » (le vin). Il semble me souvenir que l’on parle de « transmutation ». Il aura fallu attendre le concile de Vatican II - 1963 - pour que les catholiques communient « sous les deux espèces » de même manière que les protestants.

Ce sacrifice - symbolique - vise à mettre un terme aux sacrifices réels - la victime pouvant être aussi bien humaine qu’animale. Pratique que l’on retrouve non seulement dans la plus haute Antiquité mais dès l’origine de l’humanité comme nous l’enseigne par ex. Mircea Eliade dans le « Mythe de l’éternel retour » et autres ouvrages : destinés à s’attirer la faveur des dieux.

S’agissant des jeux de hasard puisque c’est la cible privilégiée aujourd’hui de nos intégristes islamistes, a priori selon mes recherches, rien dans les Ecritures - Ancien et Nouveau Testament - ne semble les interdire. Néanmoins, le simple bon sens suffit à en condamner les excès. Nous savons qu’aujourd’hui l’on considère les joueurs dit « compulsifs » - qui ne peuvent s’empêcher de jouer en y consacrant des sommes parfois exorbitantes comme en proie à une addiction.

Laquelle peut les conduire non seulement à la ruine (et celle de leur famille) mais également à des comportements socialement - et parfois pénalement - répréhensibles : vols et malversations, disputes plus ou moins violentes avec des partenaires (l’on pense à des parties de poker ou autres jeux semblables) pouvant aller dans les cas extrêmes jusqu’au meurtre. Encore une fois ce sont les excès et abus qui sont condamnables.

De même, l’actualité plus ou moins récente nous apprend que les paris sur les épreuves sportives peuvent conduire des individus peu scrupuleux à truquer des matches. Le cas s’est produit en Italie et tout dernièrement dans le championnat français de handball. Tout cela étant bien entendu parfaitement contraire à l’éthique en général et celle du sport en particulier.

C’est manifestement le reflet d’une société où l’argent a pris le pas sur toute autre considération humaine. Certains théologiens chrétiens n’hésitant d’ailleurs pas à condamner tout autant la spéculation, financière ou autre, pour les mêmes raisons de morale.

Du point de vue de l’Histoire, nous n’aurons garde d’oublier que jamais l’on ne joua autant aux jeux de hasard qu’à l’époque de Louis XIV et à sa Cour, le monarque n’étant pas le dernier à jouer. Les grandes dames - duchesses et marquises - s’y ruinaient volontiers de même que les nobles de la meilleure extraction. Leurs valets, itou.

En France, les jeux de hasard furent très tôt réglementés. Casinos, champs de course et loterie nationale (l’ancêtre de la Française des jeux). L’on pensera bien évidemment que l’Etat y trouve plus que largement son compte en prélevant sa dîme sur les mises et plus encore sur les gains. Ceci dit, personne n’est jamais obligé d’y jouer.

Pour ma part, je joue très modestement au Millionnaire et au loto. Rien qui pourrait me faire sombrer dans ce que ces enfoirés osent appeler l’œuvre du Diable, en entravant mon libre arbitre, me détourner de ma foi et commettre quelque acte de violence ou autre délit. Savoir raison garder.

Qu’ils nous fichent la paix ! Et cessent de « prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages ».


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kamizole 786 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte