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L'oubli est la ruse du diable, mémoires de Max Gallo

Publié le 01 novembre 2012 par Mpbernet

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« On demandera beaucoup à celui à qui on aura beaucoup donné, et on fera rendre un plus grand compte à celui à qui on aura confié plus de choses. » (Saint Luc, ch. XII, v.47, 48.) Ainsi pourrait-on qualifier cette autobiographie crucifiante …

Bien des choses me relient à Max Gallo, historien, écrivain prolifique (sa bibliographie donne le vertige : il doit entretenir un armée de jeunes collaborateurs) au style efficace et élégant. Il est né le 7 janvier 1932, deux jours après le mariage de mes parents … son origine italienne comme la mienne, son attachement au général De Gaulle … Mais à la lecture de son dernier ouvrage, sans doute le plus personnel puisqu’il s’agit de mémoires, je comprends mieux son parcours – chaotique - familial, idéologique, littéraire et politique.

« Ne meurent et ne vont en enfer que ceux dont on en se souvient plus. L’oubli est la ruse du diable. » C’est cette citation de Rigord, moine de l’abbaye de Saint-Denis, 1207) qui donne le titre au livre. Alors, là, je vais dire tout de suite la seule chose qui m’ait agacée : la surabondance des citations. Sinon, je l’ai parcouru d’un bout à l’autre plus avidement qu’un roman. Car Max Gallo est un vieil homme aujourd’hui et n’a plus rien à perdre ni à prouver … sinon qu’il vit encore et continue à se confronter à ses erreurs. Son avidité à se sortir de sa condition sociale, à contester les idées simpliste de son père, à comprendre la déception de sa mère, accepter son premier mariage qui fut dès le départ marqué par l’échec, l’erreur, l’indifférence… sa « résurrection »  après la naissance de son fils David, historien comme lui.

Max Gallo trimballe un énorme rocher, tel Sisyphe. Et, tel Prométhée, il se fait dévorer sans fin le foie, avec ses propres griffes, avec son propre bec : son enfant chérie, Mathilde, s’est donné la mort alors qu’elle n’avait que dix-sept ans, et il s’en sent responsable. Il était alors au faîte de la gloire et venait d’enregistrer un succès mondial en collaborant avec Martin Gray pour son ouvrage « Au nom de tous les miens », un livre qui m’avait bouleversée lors de sa parution. Il vivait alors plusieurs vies simultanément.

Quel homme survivrait à un tel drame ? Mais Max Gallo est un bourreau : de travail, il écrit plus vite qu’il ne respire, il détruit ceux qu’il a aimés, ce en qui et en quoi  il a cru. Pour finalement en revenir à ses fondamentaux personnels : la réalité historique – celle de la guerre, du Parti Communiste – les grandes figures de l’Histoire – Clémenceau, Jaurès, De Gaulle, - ou de la littérature – Dante, Jules Vallès, Victor Hugo – la foi. Et puis, l’amour d’une femme, rencontrée au mi-temps de sa vie, et enfin la plénitude de la paternité tardive.

Des mémoires constituent toujours  un plaidoyer pro-domo. Mais après tout, ce stakhanoviste de l’écriture et de la politique a bien le droit de fournir à ses lecteurs fidèles – fort nombreux – et à ses électeurs – sans doute un peu perdus par ses revirements à l’emporte-pièce – certaines clés. L’exercice est aussi une catharsis. L’auteur, véritable héros du roman qu’est sa propre vie, ne s’épargne pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Il s’accuse d’avoir surtout péché par orgueil : celui du fils de l’immigré italien méprisé et soumis devenu, nanti d’un CAP de mécanicien-ajusteur, agrégé d’histoire, député puis ministre, membre de l’Académie française et Commandeur de la Légion d’honneur. Un beau parcours, tout de même, qui mérite respect. En tous cas, à 80 ans passés, sa verve et son style m’ont enchantée une fois de plus.

L’oubli est la ruse du diable, Mémoires de Max Gallo, de l’Académie française, éditions XO, 398 p. 21,90€


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