Que l’on s’entende bien, la Révolution tunisienne n’a pas besoin d’être validée à travers sa conformité aux différentes définitions du mot révolution, toutes aussi, anhistoriques et métaphysiques, les unes que les autres . Elle est tout simplement inédite, comme toutes les révolutions authentiques que l’on ne peut facilement réduire à des « effets » de « causes » qui seraient à l’origine de leur avènement.
En grand poète, Abou El Kacem Echabbi n’a pas dit que le peuple doit « faire plier le » destin ou bien le « soumettre » mais de le faire répondre à la prière qui lui est adressé, par des hommes portés par la volonté de vivre, laquelle participe du sacré. Entre la « croyance » au »libre arbitre »de l’être humain de l’humanisme positiviste et le fatalisme des déterministes économistes, béhavioristes, ou tout simplement « salafistes » il y a lieu de rappeler la position d’Ibn Arabi qui affirme que l’être humain est libre et prédéterminé à la fois (مُسَيَر مُخَيَر). Pour l’homme conscient de ses limites, doué de Raison raisonnante, sa volonté s’inscrit comme prolongement « spécifique » de la Volonté divine et donc du Destin. Faire répondre (يستجيب) le destin pourrait être interprété comme une prière émanant du fond de l’Être et donc soutenue par l’acte de عقد النية l’in-tentinalité qui caractérise la Volonté, la bonne, à laquelle le Destin ne peut que consentir.
Dès les premières semaines de la Révolution Tunisienne, j’avais écrit que celle-ci avait son dieu protecteur et que les seuls coups qui lui seraient portés viendront de ceux qui prétendront qu’ils en sont les protecteurs. C’est à dire, par les sans foi ni loi qui se prennent pour les représentants de Dieu sur terre ou qui croient s’en être débarrassés, en le plaçant Très haut et par conséquent Très Loin et s’intronisent Sujets de l’Histoire.
A ceux qui serait tentés de croire que je suis entrain décoller du réel et d’oublier les fonctions que je prétends miennes, je précise que je suis entrain de répondre à ceux, parmi nos élus de la Constituante qui peinent à croire à la dimension fondamentalement musulmane du contenu du chant de la Révolution (aujourd’hui notre hymne national) par la présence de cet hymne à la vie que constituent les deux vers de Chabbi et que ne peuvent ne pas entendre que ceux qui n’ont jamais véritablement lu le Coran, en se laissant enchanter par Sa Parole comme s’ils la recevaient pour la première fois.
Mais cette réflexion s’adresse également à ceux qui, à force de vouloir s’expliquer les causes de notre révolution, finissent par la réduire à une sorte de « révolte » suivie de deux coups d’Etat manqués et de récupération téléguidée par le biais de cyber-activistes à la solde des Américains. Ces adeptes de la »Cause » et de l’ »effet » sont aussi naïfs que ceux parmi nos jeunes qui pensent que c’est le « Dégage » des manifestants de l’Avenue Bourguiba du 14 Janvier 2011 qui a provoqué la chute de Ben Ali. Ceux qui continuent à croire à sa réédition comme un cérémonial magique dans lequel l’injonction « Dégage ! » devient un véritable « Sésame ouvre-toi ! ». Ils ne se rendent pas compte que c’est la liberté d’expression qui est le support de la révolution en marche. Une liberté que nous devons inscrire, en lettre d’or, dans le préambule de notre constitution en criminalisant toute atteinte à sa dimension sacrée.
Une révolution est souvent un don du Destin, dont la gestion relève de l’Art de la politique, qui une fois livrée au cours de l’histoire, va dépendre, pour son aboutissement, de la capacité des hommes qui y participent à la faire parvenir à sa destinée propre, à nulle autre pareille.
C’est à quoi s’essayent Béji Caïd Essebsi et toutes les compétences rassemblées, au sein de Nidaa Tounes et des partis politiques qui lui sont associés.
Naceur Ben Cheikh Akouda le 1er Novembre 2012