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Vous avez dit égalité ? (2) De la beauté des slogans

Publié le 02 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

'Égalité des chances", "égalité en droit", "égalité devant Dieu", "égalité réelle", "égalitarisme"... L'introuvable signification de l'égalité dans les affaires humaines.

Par Stanislas Kowalski.

Vous avez dit égalité ? (2) De la beauté des slogans
Dans un premier article, nous avons vu la signification du concept d’égalité en mathématiques. Nous nous proposons de discerner la signification du concept dans les affaires humaines.

Les formules qu’on emploie habituellement pour se sortir d’affaire sont désolantes de vacuité. A ce stade de la réflexion, vous avez déjà compris qu’elles ne nous seront pas d’une grande utilité. Je passerai très vite sur l’immarcescible “ne pas confondre égalité et égalitarisme”. On est bien avancé avec ça ! Le suffixe -isme pour donner un côté péjoratif à tout ce qu’on voudra bien mettre dans ce sac, et nous voilà dispensés de donner une véritable explication !

L’égalité des chances ne nous mènera pas beaucoup plus loin, parce que les compétiteurs arrivent avec des qualités différentes. L’égalité des chances consiste-t-elle à avoir les mêmes règles pour tout le monde au risque que ces règles favorisent certaines catégories de population par rapport à d’autres ? Il est certain par exemple, qu’un Éthiopien élancé a plus de chances de gagner le 100m qu’un pygmée trapu. Préfèrera-t-on à l’inverse des règles introduisant un handicap pour le tenant du titre comme c’est le cas au golf ? Un pédagogue de gauche, comme Meirieu, a beau jeu d’ironiser en disant que pour l’égalité des chances, il y a la Française des Jeux.

L’égalité en droit est tout aussi ambiguë parce que fondamentalement, lorsqu’un jugement est prononcé, on distingue des droits. Dans un conflit de voisinage, le rôle du juge est de dire que la clôture appartient à l’une des parties et pas à l’autre. Dans un héritage, il doit dire qui est héritier et à quelle hauteur, et qui ne l’est pas. On pourrait multiplier les exemples. La loi ne cesse de faire des distinctions toujours plus subtiles, car ces distinctions sont nécessaires pour décider. Dans l’allégorie, la justice est armée d’un glaive, parce que fondamentalement son rôle est de trancher les litiges.

Quant à l’égalité réelle, on va voir qu’il s’agit d’une pure chimère, c’est-à-dire d’un artefact tentant de mettre ensemble des choses foncièrement dissemblables. Un rien peut créer une différence significative entre deux hommes. Un sourire, un regard, deux minutes d’avance ou de retard. Il suffit qu’une femme soit amoureuse d’un homme et pas de son ami, pour que le bonheur soit ou ne soit pas au rendez-vous. Que peut-on y faire ? Plus on voudra intervenir pour calmer les jaloux, plus leur jalousie se focalisera sur des détails futiles. On n’aura pas l’égalité, on n’aura pas la paix non plus. On aura augmenté la contrainte et la souffrance. Même si on forçait Carla Bruni à coucher avec tous les hommes de sa génération, ces derniers ne seraient pas satisfaits. Et ce serait probablement horrible pour l’intéressée. Vous pouvez remplacer le nom de Carla Bruni par celui qui vous plaira, ou si mon exemple vous paraît teinté de machisme, choisissez Brad Pitt ou Justin Bieber. Le résultat est le même.

Je peux à la rigueur dire que tous les hommes sont égaux. Mais en quoi ? Les déclarations disent en droits. Mais j’ai déjà signalé l’ambiguïté de cette affirmation, sortie de tout contexte. À vrai dire, elle n’est pas totalement absurde, si je considère qu’elle se situe généralement dans le premier article d’une longue déclaration. Les droits auxquels se réfère cet article sont en fait ceux contenus dans ladite déclaration. Mais cela ne dit rien des dispositions des autres lois. Peu de droits, au fond, sont attribués à tout le monde, même dans un pays comme le nôtre, qui se targue d’être démocratique. Ce sont essentiellement des droits juridiques de base, tels que le droit d’avoir un avocat dans un procès, la présomption d’innocence et quelques autres du même genre. Mais au-delà, aucun droit n’est accordé indistinctement à tous les hommes, pas même les libertés les plus simples, comme celle de choisir son logement. Un fou est enfermé à cause de son état, indépendamment de sa responsabilité pénale. En fait, il y a très peu de domaines où les caractères propres d’un individu sont sans conséquences.

Lorsque j’affirme l’égalité fondamentale de tous les hommes, je le fais en vertu d’une essence transcendante de l’être humain, de quelque chose qu’on va appeler la dignité humaine. Cette dignité définit l’interdiction du meurtre. Elle relève du sacré, quelles que soient les conceptions métaphysiques que l’on met derrière ce mot. Devant Dieu, tous les hommes sont égaux, car ils sont tous des créatures imparfaites. Tous ont besoin d’être sauvés et aucun ne peut prétendre être en règle au regard de la loi divine. Si je me place par rapport à l’éternité, toutes les vies, quelles que soient leurs durées respectives ne sont que des instants sans consistances (∞+15 = ∞).

Si j’enlève cette dimension sacrée, alors je ne vois pas pourquoi je devrais considérer un déficient mental ou un vieillard grabataire comme mon égal. Quoi qu’il en soit, cette égale dignité ne peut qu’être admise et non prouvée.

À suivre…

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