Air France alimente son Ť mur ť avec des Ť posts ť.
Le transport aérien mčne ŕ tout, y compris aux pires dérives linguistiques. Ce que nous rappelle, involontairement bien sűr, un communiqué de presse d’Air France relatif ŕ sa page Facebook. Droite dans ses bottes, et visiblement fičre de son audience au cœur du plus grand réseau social du monde, la compagnie nous révčle qu’elle compte désormais plus d’un million de Ťfansť sur sa page. Lesquels, écoutez bien, Ťlikentť (sic) les offres promotionnelles ainsi accessibles. Ainsi, ils ont pu Ťlikerť (re-sic) et départager la premičre destination Ťpromo-Facebookť, Venise, promue au rang de ville la plus Ťlikéeť (re-re-sic).
Commentaire on ne peut plus sérieux de Jean-Michel Mathieu, Ťdirecteur du Digitalť d’Air France : Ťnous dialoguons quotidiennement avec nos fans et followers, etc., etc. ť Directeur du Digital ? Męme notre dictionnaire volapük-français ne nous en dit rien mais, fort heureusement, nous comprenons que le franglais omniprésent au sein de la compagnie utilise digital pour numérique. Que faire ? Eclater de rire ou fondre en larmes ?
Du coup, on se demande si Air France sera dignement représentée au Festival du mot et du son nouveau qui ouvre ses portes ŕ Paris le 16 novembre. Et si Jean-Michel Mathieu sera au Havre, le 23 novembre, pour assister ŕ la cérémonie de proclamation du Mot Nouveau 2012. Mais peut-on liker une ville que ne dessert pas la compagnie ? Ou reporter la responsabilité de cet invraisemblable gâchis sur Facebook ? Ou, plus simplement, noter que le réseau social parle aussi français, Ťaimeť autant qu’il Ťlikeť, qu’il compte des Ťamisť. Cela ŕ condition de cliquer oů il convient.
De toute maničre, force est de constater qu’Air France souffre actuellement d’autres soucis, ŕ commencer sa volonté de mener ŕ bien ŤTransform 2015ť, plan de redressement ainsi appelé en volapük aérien.
Ici, il n’est pas question de s’appesantir sur les mérites d’une langue qui ne peut en aucun cas ętre sclérosée, figée. Le français évolue, s’enrichit en męme temps qu’il lui arrive d’oublier de se défendre, ses faiblesses le conduisant ŕ risquer le pire. Il suffit, pour s’en rendre compte, de constater les innombrables dérives qui affaiblissent le français de Belgique, étouffé par d’injustifiables anglicismes. Heureusement, il nous reste le Québec pour nous consoler.
La conception d’Air France de sa présence sur Facebook n’est pas anecdotique et, tout au contraire, mérite d’ętre prise au sérieux. En effet, depuis peu, les réseaux sociaux sont omniprésents dans la stratégie commerciale de la plupart des compagnies aériennes. Ces derničres y trouvent l’occasion de tisser des liens novateurs avec une partie de leur clientčle et espčrent améliorer ainsi leur image en agissant comme si elles étaient les seules ŕ y avoir pensé. Ce faisant, lesdites compagnies témoignent d’une abracadabrantesque bravitude. Mais elles tentent de le faire dans la dignitude.
Le linguiste Médéric Gasquet-Cyrus, interrogé hier par le quotidien La Provence, note que l’on parle d’hapax quand un mot nouveau apparaît une seule fois. Mais, au-delŕ d’une telle apparition fugitive, c’est bien de néologisme qu’il convient de parler. Sur ce sujet, hélas !, Transform 2015 est désespérément muet. On like ou on ne like pas.
Pierre Sparaco - AeroMorning