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Le Franc et le choc de compétitivité

Publié le 05 novembre 2012 par Edgar @edgarpoe

Le premier problème de l'euro c'est que, année après année, les pays qui ont une inflation supérieure à l'Allemagne perdent en compétitivité par rapport à ce pays.

Par ailleurs, l'euro est surévalué par rapport aux devises extérieures (dollar et yuan - on note avec intérêt que le président de la République a dénoncé la concurrence déloyale du yuan, mais pas celle du dollar).

Notre pays reste, selon certains indicateurs (par exemple la productivité par heure travaillée), assez performant. Ce qui explique qu'il ne se soit pas effondré. Il est quand même sur une pente descendante dont on ne verrait pas la fin. Difficile pour les entreprises d'investir en pariant sur la croissance dans ce contexte.

La perte de compétitivité française, même si elle est lente, est donc réelle. Le rapport Gallois traite donc d'un vrai problème.

Face à ce constat, si nous disposions de notre propre monnaie, nous pourrions décider de dévaluer. On ne fixe pas un taux de change aussi facilement qu'un taux d'intérêt mais disons qu'une dévaluation de 10% du franc ne serait pas insupportable.

Nois exportations étant de 430 milliards d'euros en 2011, une dévaluation de 10% représenterait un choc de compétitivité de 43 milliards d'euros - et c'est une dévaluation faible. Certains ont évoqué le spectre de 30% de dévaluation : un choc de compétitivité de près de 130 milliards d'euros !

Qui paye ou subit le coup d'une dévaluation ?

Ceux qui consomment des produits importés.

Tous les utilisateurs de matières premières énergétiques (pétrole et gaz). On peut jouer sur la TIPP mais c'est aussi une incitation à relancer l'action publique dans le domaine des renouvelables (ce que bruxelles interdit de faire de façon directe dans le cadre de la politique de la concurrence).

Tous les consommateurs de produits finis importés : l'Ipad et la Volkswagen seraient renchéris. C'est tout bon pour les ventes d'Archos, de Renault ou de Toyota made in Valenciennes (ceux qui ne veulent pas d'Archos achèteront un modèle Ipad sur deux au lieu d'acheter chaque modèle).

Une dévaluation a un puissant effet incitatif pour les producteurs locaux, même si effectivement elle réduit en partie le pouvoir d'achat à court terme (à moyen terme, elle permet aussi de transformer des chômeurs en salariés, généralement mieux payés).

Mais les mesures prônées par les partisans d'un choc de compétitivité non monétaire, dont Gallois, ne sont pas sans inconvénients - supérieurs à mon avis.

Les baisses de charges compensées par des hausses de la TVA ou d'autres taxes ont un effet un peu similaire à une dévaluation, en permettant une baisse des fabrications locales. Sauf que, contrairement à une dévaluation, les baisses de charges peuvent être utilisées pour augmenter les bénéfices sans baisse des prix. On pourrait très bien imaginer que les baisses de charge en France servent à Renault à investir à l'étranger !

Les taxes n'avantagent pas non plus aussi nettement les productions locales puisque toute la consommation serait taxée, qu'elle se porte ou non sur des produits importés (le cas est différent pour la TVA, plus vertueuse de ce point de vue, mais qui n'empêche pas les comportements de hausses des marges).

De fait, on l'a pas mal oublié, et les tenants du protectionnisme aussi, avoir sa propre monnaie est un instrument protectionniste extrêmement puissant. J'ai même tendance à penser que c'est le plus puissant de tous, et le plus efficace. 

Quelle qu'en soit la cause, les dérapages de compétitivité peuvent être absorbés par une dévaluation. Il est évident que cette dévaluation ne constitue pas la panacée, peut mener à une inflation incontrôlée, mais c'est un outil extrêmement puissant, et précieux, pour conserver une économie sur un sentier de croissance.

Je n'ai même pas ajouté que l'un des moyens d'obtenir une dévaluation est de réduire ses taux d'intérêt, ce qui permet d'accompagner la reprise. Inutile de dire que, quand bien même nous adopterions le choc Gallois ou l'une de ses variantes, on voit mal la BCE baisser ses taux pour nous faire plaisir.

Pendant donc que l'on s'empaille sur le rapport Gallois en glosant sur des modalités techniques mineures, il serait bon de rappeler que le rapport Gallois est à la dévaluation ce que le Canada dry est à l'alcool : ça vise à obtenir un effet similaire sans jamais approcher la réalité du produit. 


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