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Arnaud Montebourg et la danse de la pluie

Publié le 06 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Dans les temps ancestraux, les danses de la pluie étaient légions. C’est exactement le mécanisme employé par notre cher Ministre du redressement productif.

Par Emmanuelle Gave. Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.

Arnaud Montebourg et la danse de la pluie

Quand Nicolas Sarkozy fut battu, je me suis sentie pendant un temps, orpheline d’informations Voici. Femme de peu de foi que j’étais car la Gauche a relevé le gant avec plus de brio, plus d’allant, plus d’ingéniosité que personne avant elle n’avait osé.

Prenons Arnaud Montebourg.

Arnaud Montebourg est très amusant. Je ne m’arrêterai pas ici à simplement ricaner à bon compte sur lui, sur son accent de rentier versaillais, sur son culte de lui-même, sur l’intitulé de son ministère (redressement de quoi déjà ?), sur les montures de lunettes de sa compagne. Non, je ne ferai pas cela, ce serait indignement trop évident. Et surtout il y a plus grave.

Je pense en particulier au travail de réhabilitation mené par Jean-Paul Gaultier et Coco Chanel avant lui pour faire de la marinière un vêtement « couture ». Le travail d’une vie, de plusieurs vies ruinées à grands coups de mixeur. Un assassinat au hachoir grille fine. Pour ceux à qui cela aurait échappé, il y a quelques jours, Arnaud Montebourg  posait, en marinière, à la une du Parisien.

Arnaud Montebourg et la danse de la pluie

La une du Parisien du 19 octobre dernier.

On y voit un mixeur, un drapeau français, une montre et Arnaud Montebourg déguisé en marinière. Outre l’aspect Pétainiste du « consommons français » qui me rappelle la grande époque Mauroy du contrôle des changes et son immense succès, je ne sais pas vous, mais je ne suis pas très sûre que l’avenir industriel de la France soit le mixeur ?

Donc de deux choses l’une : ou bien Arnaud Montebourg a compris quelque chose aux grands principes qui régissent le commerce international, ou bien il ne s’est jamais posé la question et n’a rien à faire dans un ministère ayant une quelconque relation avec le monde économique. Et là, je me prends à rêver sur la rationalité des croyances magiques exprimées par Monsieur Montebourg dans cette une. Je m’explique.

Dans les temps ancestraux, les danses de la pluie étaient légions et c’est exactement le mécanisme employé par notre cher Ministre du redressement productif (je ne m’en lasse pas). La pensée magique : « Consommez français » ne peut être entendue que comme un rituel magique, une sorte de danse de la pluie des temps moderne. Le philosophe L. Wittgenstein avait très bien exprimé qu’ainsi les sujets ne croient pas véritablement que les rituels magiques puissent effectivement produire les résultats pour lesquels ils sont effectivement conçus. En pratiquant ce rituel, nous devons ainsi comprendre qu’Arnaud Montebourg exprime son objectif, son désir que la consommation en France se fasse sur des produits Français.

C’est ce que la sociologie a coutume d’appeler une rationalité de « caractère expressif ». Il sait parfaitement que son action ne saurait avoir aucune incidence sur la consommation mais il en invoque les Dieux. Il respecte le protocole de danse de la pluie imaginé par nos ancêtres avec les succès rationnels que l’on connaît mais là n’est VRAIMENT pas le problème. Qui a dit qu’un ministre devait être rationnel ou même cultivé (Monsieur Malraux, je pense à vous).

Quant aux résultats potentiels, c’est également presque extérieur à la question. À l’instar des hommes de sciences, explique par ailleurs Durkheim, les magiciens imaginent alors des hypothèses auxiliaires pour expliquer que leur théorie a échoué : les rituels n’ont pas été accomplis comme il le fallait, les dieux étaient de mauvaise humeur ce jour-là, des facteurs non identifiés ont perturbé l’expérience ou encore j’imagine les très médiatiquement présents « c’est la faute à la mondialisation » et « c’est la crise qui vient de Lehman Brothers ».

Le Parisien s’est ainsi révélé un véritable témoignage sociologique in situ.

En effet, dans sa  théorie, Durkheim explique par ailleurs que les variations de l’importance des croyances magiques évoluent selon les époques et les types de société avec des épisodes contre-intuitifs par exemple de regain de faveur dans les parties les plus modernes de l’Europe du XVI et XVIIe siècles. Tant que la philosophie Aristotélicienne qui voit le cosmos comme régi par des lois immuables domine, la magie recule et inversement.

Et la lumière fut. C’est ainsi que j’ai enfin compris que nous ne sommes pas gouvernés par des grandes personnes dans un monde rationnel. Alors, à tout prendre, oui Monsieur Montebourg est un magicien amusant. Et puisque son ramage s’y prête, rappelons Aristote, philosophe des grandes personnes, à notre magicien du mois :

Il y a trois sortes d’hommes : les Vivants, les Morts, et ceux qui vont sur la Mer.

Petit moussaillon va !

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