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1erre partie du compte rendu de la conference sur le gaz du schiste

Publié le 06 novembre 2012 par Kabyle @Madjid_SERRAH

GAZ DU SCHISTE/Enjeux géostratégique

La question de l’exploitation du gaz de schiste est un révélateur des contradictions et des mensonges du pouvoir. La précipitation et l’opacité qui ont prévalu dans la prise de décision sont en rapport avec le caractère despotique du pouvoir. C’est donc autant au plan politique qu’au plan économique et écologique que cette décision doit être critiquée. Et, aborder la question de l’exploitation du gaz de schiste d’un point de vue politique c’est s’interroger sur l’évolution de la stratégie de Sonatrach, sur la politique énergétique du pays et son rapport au développement et enfin aborder l’évolution de l’Algérie au plan géostratégique.

Sous Chakib Khelil,  la stratégie de Sonatrach était basée sur deux concepts : internationalisation et modernisation, en particulier du management. L’internationalisation a permis aux tenants d’une conception néolibérale de l’action de Sonatrach de découpler l’entreprise du développement du pays. En effet Sonatrach n’est  plus conçue comme un levier du développement, « semer du pétrole pour récolter du développement » disait Boumédiène, mais comme une entreprise qui peut envisager sa croissance par l’exploration dans d’autres pays que l’Algérie (Pérou…) et par des prises de participation dans les réseaux de distribution en Europe (Espagne…). C’est cette stratégie qui est remise en cause par le choix de développer l’exploration et  l’exploitation des ressources présentes en Algérie et en abandonnant une part des participations dans le gazoduc Medgaz. Il n’est pas sûr, pour autant, que l’on ait enfin compris que l’idée d’atteindre 30% du chiffre d’affaire de Sonatrach à l’international en 2015 était totalement irréaliste et sans rapport avec les besoins du pays.

Aujourd’hui, pour les dirigeants de Sonatrach, les deux notions principales sont : diversification et attractivité. C’est dans cette nouvelle conception que s’inscrit l’exploitation du gaz de schiste. En effet la diversification est un concept clef de la nouvelle stratégie énergétique du pays. En plus des hydrocarbures, on envisage l’exploitation de ressources renouvelables comme l’éolien (la première ferme éolienne vient d’être inaugurée), le solaire (malgré les hésitations sur le projet Désertec en faisant prévaloir qu’il n’y a pas de transfert de technologies, alors que concernant l’exploitation du gaz de schiste il existe un monopole anglo-saxon en matière de savoir-faire). D’ici à quelques années les énergies renouvelables doivent permettre de fournir 30% de notre électricité. En matière d’hydrocarbures l’exploitation du gaz de schiste représenterait donc une forme de diversification malgré les risques écologiques. Cela pourrait être un objectif légitime mais il reste contestable.

La diversification doit permettre de faire face à la demande croissante, aux fluctuations des cours et d’éviter la surexploitation. En effet l’Algérie risque de devenir importatrice de pétrole d’ici 15 ans. Mais, alors que l’exploitation du gaz de schiste nécessite 60 milliards de dollars d’investissements pour rapporter 80 milliards on peut se demander quel est l’intérêt de cette solution. On pourrait peut être optimiser l’usage de nos dollars et de notre eau (il faut un million de mètres cube d’eau pour extraire un milliard de mètres cube de gaz de schiste !) en réfléchissant à deux autres pistes. La première est l’augmentation des rendements des gisements en diminuant les pertes au niveau des puits. La deuxième est l’amélioration de la consommation qui est une source d’économie de nos ressources énergétiques. Par exemple il est dommage, quand on lance un plan de construction de 2 millions de logements, qu’aucune mesure d’efficacité énergétique ne soit prise. Le choix du pouvoir n’est pas vraiment celui du développement durable.

Afin d’attirer les compagnies étrangères qui n’ont pas répondu aux derniers appels d’offre,  la fiscalité vient d’être revue. Il faut rendre le pays attractif pour développer l’exploration (y compris dans le off shore) ainsi que l’exploitation et acquérir de nouvelles technologies. Il s’agit aussi de développer l’aval pétrolier pour valoriser les ressources (entre autre par le raffinage). Pourtant le partage  49/ 51% a été maintenu et on propose d’exploiter une ressource en plein milieu du désert au moment où Sonatrach se voit accorder le monopole pour le transport par canalisation. Ce qui n’est pas forcément fait pour rassurer les investisseurs étrangers. D’une certaine manière ces dernières décisions peuvent s’inscrire dans la politique de patriotisme économique prôné par le pouvoir. En effet le patriotisme économique c’est contrôler le marché et algérianiser le marché.  On pourrait s’en féliciter. Mais le patriotisme économique c’est aussi protéger le marché. En effet derrière les accents patriotiques de certaines décisions le choix de l’exploitation du gaz de schiste c’est le choix du marché. C’est la logique marchande qui prévaut puisqu’on préfère prendre des risques avec l’environnement plutôt que de développer des énergies renouvelables moins rentables.

Ce choix s’inscrit par ailleurs dans le processus de financiarisation de l’économie nationale (même Sonatrach a été autorisée à faire des placements financiers à l’étranger plutôt que d’investir en Algérie !). En exploitant le gaz de schiste le pouvoir fait le choix de développer les gisements d’hydrocarbures pour maximaliser la rente. Cette rente est transformée en capital placé sur les marchés financiers internationaux (en bons du Trésor américain, entre autre). Il ne s’agit plus de développer une industrie industrialisante et de bouleverser les rapports qui prévalent à la campagne par une révolution agraire mais de faire grossir les revenus financiers de l’Algérie. Cette année les placements à l’étranger ont déjà rapporté 4,7 milliards de dollars. Pour les générations futures, le choix n’est ni de laisser une ressource, ni un pays capable de produire ce qu’il consomme, mais de leur assurer un matelas financier. C’est un curieux choix de société !

Enfin, au plan géostratégique l’exploitation du gaz de schiste peut s’inscrire dans la lutte âpre pour l’accès au marché européen que disputent le russe Gazprom et le Qatar. Il s’agit de présenter une capacité à assurer les approvisionnements sur le long terme dans un contexte d’instabilité des pays producteurs et d’épuisement des réserves. C’est aussi le choix d’entrer dans la concurrence internationale au lieu de développer le marché intérieur. D’un autre côté cette précipitation à exploiter le gaz de schiste est peut être le contrecoup du retard prix dans l’exploitation du gaz conventionnel. Le pouvoir paraît craindre de voir, une nouvelle fois, le gaz algérien captif des intérêts de la France qui décide, peut être, un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste afin de décourager notre pays d’emprunter cette voie et conserver ainsi une sorte de réserve stratégique. Et, une nouvelle fois, comme à l’époque du plan Valhyd, les américains sont les principaux bénéficiaires de la décision d’exploiter le gaz, non conventionnel cette fois. Peut être pour acheter auprès de Washington une relative bienveillance au plan politique. Cela signifierait qu’au final la décision d’exploiter le gaz de schiste repose essentiellement sur des considérations politiques et parfois même idéologiques plutôt que sur des arguments économiques et environnementaux.

Conférence animé par :

Kacem moussa

Yacine teguia

Kader fares affak


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