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Voir de ses yeux

Publié le 01 avril 2008 par Samuel Bouchard

premier regard

Ma blonde a accouché la semaine dernière de notre premier fils. Expérience intense s’il en est une, c’est une source incroyable d’énergie et de bonheur. Il s’agit de ce genre d’événement où on entre dans un autre mode, où tout nous semble irréel. Pourtant, il n’y a rien de plus vrai. Tellement que pour moi, ce passage représente une occasion de me poser des questions sur la nature même de la réalité.

La réalité, on la perçoit à travers nos sens. Et il n’y a rien comme vivre quelque chose pour vrai: de voir avec nos yeux et de percevoir avec tous nos autres sens. Avez-vous déjà observé la lune dans un télescope? Ce n’est pas nécessaire d’en avoir un très puissant. Aucune photo de la NASA haute résolution ne peut vous préparer à ça. Quand on l’observe directement, on a vraiment cette perception d’une boule dans le vide qui se déplace à grande vitesse. De la même manière, il n’y a aucun papier glacé qui peut vous préparer à ressentir une vraie beauté féminine à vos côtés en chaire et en os. Pour la naissance d’un enfant, c’est la même chose. Aucun vidéo ou récit d’un proche ne peut équivaloir l’expérience, qui est à des miles de ce qu’on peut imaginer.

À mesure qu’on quitte la jeunesse, on devient moins sensible à la réalité. En vieillissant, je me demande si c’est moi qui est plus usé en ayant plus vécu, où si ce sont mes capteurs qui perdent en sensibilité. La réponse est probablement les deux. Le monde dans lequel on vit est fondamentalement spectaculaire. De pouvoir faire cette constatation est ma plus belle récompense d’avoir étudié la physique. Comment ce fait-il que les lois de la nature existe? Pourquoi peuvent-elles être décrites par des expressions mathématiques? Pourquoi l’évolution donne des systèmes de plus en plus complexes dont l’humain est le summum connu alors que la nature tend naturellement vers le désordre? Ce sont tant de questions qui éveillent ma spiritualité.

Malheureusement, on finit par s’habituer à tout, même ce qu’on trouvait de plus beau. Il faut refaire une prise de conscience périodiquement pour se rappeler de s’émerveiller. Idéalement, on devrait être assez sensible à notre routine pour en sortir volontairement avant que des événements tragiques ne le fassent à notre place des années trop tard. Combien de gens subissent des accidents à un certain moment de leur vie qui leur font réaliser qu’ils ne sont pas éternels et que précieuses années viennent de s’écouler sans même qu’ils ne s’en rendent compte.

En bon technologue, ça m’amène aussi à me questionner sur les limites de la réalité virtuelle. Est-ce possible de modéliser un monde qui nous semble parfaitement réel? Il s’agit d’un Saint Graal qu’on poursuivra sans probablement jamais l’atteindre. C’est comme dans tout, plus on s’approche de la perfection, plus les derniers détails sont difficiles à obtenir. Parlez-en aux sprinters qui veulent aller chercher le centième de seconde, ou aux roboticiens qui veulent traverser la vallée de l’étrange pour faire des robots qui ont vraiment l’air humain. Et ce n’est pas tout de modéliser, il faut ensuite le rendre par différents médias qui stimulent nos sens. Pour la vision et l’ouïe, c’est encore envisageable. Pour le toucher, le goût et l’odorat, c’est une autre histoire. Cette limitation sera éliminée le jour où on court-circuitera les sens à-la-Matrice pour envoyer l’information directement au cerveau. Mais pour l’instant, vive la réalité, dans tout son éclat.


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