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Vers une nouvelle définition du droit d’auteur…

Publié le 12 novembre 2012 par Chezmat @chezmat

une DroitsAuteurs Vers une nouvelle définition du droit dauteur...

Alors que la Hadopi peine à justifier sa légitimité, les partisans d’alternatives à ce système répressif sont nombreux. Avec l’essor d’Internet, c’est la question de la liberté d’accès à la culture et le principe même de droit d’auteur qui se trouvent remis en question. Aujourd’hui, Internet permet la libre circulation des œuvres fixées sur support numérique (c’est-à-dire dématérialisé), que ce soient des films, des épisodes de séries TV, des logiciels, des jeux vidéos et même des livres. Les logiciels de peer-to-peer (pair-à-pair) fonctionnent sur ce principe d’échange mutuel de fichiers: à partir du moment où un internaute commence le téléchargement d’un fichier, les parties de ce fichier déjà téléchargées seront à leur tour mises à disposition des autres internautes. Avec la loi DADVSI, les logiciels de peer-to-peer, pourtant tout à fait légaux en soi, deviennent interdits (les internautes ne doivent pas avoir ce type de programmes « destinés à l’échange et au téléchargement illégal d’œuvres protégées » installés sur son ordinateur), en même temps que les logiciels de contournement de sécurité des disques (CD, DVD). Pourtant, là encore, ce type de logiciel était tout à fait légal dans la mesure où il servait au droit à la copie privée.

L’offre légale disponible sur Internet: du payant et du gratuit

Internet a vu fleurir les offres légales adaptées au nouveau contexte numérique: l’absence de support matériel pour les œuvres. Apparaissent alors les liseuses électroniques (les tablettes remplissent aussi cette fonction), les passerelles multimédia et disques durs multimédias, les TV connectées, et bien avant cela les lecteurs MP3. Les distributeurs se mettent à vendre les œuvres habituelles, mais dématérialisées, proposées au téléchargement, pour une lecture sur les appareils cités ci-dessus. D’autres ont compris que l’internaute habitué à obtenir gratuitement les fichiers qu’il désirait refusera d’entrer dans la démarche – payante – proposée par les majors. (Pourquoi payer quand on peut avoir la même chose gratuitement ?)

Beezik est alors créé. C’est un site qui permet de télécharger des musiques gratuitement et légalement en échange du visionnage d’une publicité pour chaque titre. Malheureusement, Beezik n’a pas su s’adapter, contrairement à ce qu’il promettait: l’immense majorité des titres disponibles sont protégés par des DRM, qui ne rendent leur lecture possible que sur l’ordinateur, limitent la synchronisation sur lecteur MP3, empêche la gravure sur CD et oblige l’internaute à renouveler sa licence (gratuitement) tous les mois, en se connectant au site. Si ce n’est que pour écouter de la musique sur son ordinateur, à quoi bon télécharger ? Deezer propose 5h d’écoute gratuite par mois et Youtube ne limite pas le visionnage de ses vidéos et de ses clips.

Beezik n’est pas le seul site à proposer de la musique gratuitement et légalement. Depuis bien plus longtemps que Beezik, Jamendo propose des milliers de titres à télécharger gratuitement, légalement, et sans aucune restriction ni contrepartie. On peut ainsi télécharger un album entier sans être obligé de télécharger titre par titre ni regarder aucune publicité. Comment cela fonctionne-t-il ? La musique disponible sur Jamendo est de la musique dite « libre ». Leurs auteurs souhaitent la rendre disponible gratuitement pour le public. Cette gratuité est souvent accompagnée d’autres droits, plus ou moins limités: les fichiers mis en ligne sur Jamendo ne sont pas protégés par un copyright, mais sont distribués sous une licence « Creative Commons » qui accorde plus ou moins de droits à l’internaute dans le cas de la réutilisation du fichier.

copyright vs. copyleft
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Techniquement en France, un auteur (de n’importe quel type d’œuvre) ne peut placer son œuvre dans le domaine public, par sa simple volonté. Il faudra attendre 70 ans après sa mort pour que la loi française reconnaisse le droit de tout individu à réutiliser comme il l’entend et sans restriction l’œuvre de cet auteur. Il peut abandonner tous ses droits, mais pas sa paternité: le nom de l’auteur doit rester associé à l’œuvre, tant que l’œuvre n’est pas tombée dans le domaine public.

Face au copyright et à ses « droits réservés », le copyleft et les licences libres furent créés. Ces licences combinent différents items, que voici:

  • Paternité [BY] (Attribution) : l’œuvre peut être librement utilisée, à la condition de l’attribuer à l’auteur en citant son nom.
  • Pas d’utilisation commerciale [NC] (Noncommercial) : l’œuvre ne doit pas être utilisée dans un but commercial (sauf autorisation individuelle de l’auteur).
  • Pas de modification [ND] (NoDerivs) : l’œuvre ne doit pas être modifiée (traduction, adaptation…).
  • Partage des conditions initiales à l’identique [SA] (ShareAlike) : les œuvres modifiées doivent être proposées sous les mêmes conditions que l’œuvre originale.

Aujourd’hui, la recherche scientifique doit privilégier le copyleft, dans la mesure où son but est la propagation des idées et non la protection du support ou de la forme. La garantie de la paternité de l’œuvre ainsi que de son intégrité suffisent au chercheur et facilite la diffusion de ses travaux.

Quid de la rémunération des artistes ?

C’est la grande question qui se pose. Si le droit d’auteur évolue et les nouvelles licences ne prévoient plus une rémunération de l’artiste, comment garantir que la culture ne mourra pas ?

La culture ne peut pas mourir. Même si le système du copyright tombait, la culture serait toujours maintenue. Il suffit de regarder en arrière. Les artistes du Moyen-Âge ne vendaient pas de CD. Certes les trouvères et troubadours étaient rémunérés pour leurs prestations. Aujourd’hui, les chanteurs et musiciens tirent aussi d’importants revenus de leurs concerts, idem pour les acteurs au théâtre. De plus, les mécènes ont toujours existé. Aujourd’hui encore, des films indépendants comme ceux basés sur les écrits de Tolkien furent financés uniquement grâce aux dons du public. Et puis si l’homme ne peut plus profiter de la culture, alors il créera lui-même cette culture. Henry VIII n’a pas composé « Greensleeves » pour en retirer un avantage pécuniaire.

La rémunération des artistes reste un problème majeur. La fin de la rémunération des artistes reviendrait signer la mort de la culture telle qu’on la connaît aujourd’hui. Bien sûr, cela épargnerait nos yeux et nos oreilles des œuvres insipides qui n’ont d’œuvres que le nom. Mais cela nous privera de grosses productions qui auraient mérité d’exister. La publicité peut apporter une certaine quantité d’argent, mais pas assez: il suffit de voir le nombre de publicités à visionner pour que Beezik accepte de vous céder un album musical. La quasi-totalité des candidats à la présidentielle 2012 prévoyait de faire payer une contribution par les FAI et/ou les internautes, qui donnerait alors droit à une licence globale: un accès illimité à toute la culture existante. Le problème est la difficulté à mettre en place cette licence globale: comment savoir ce qui a été téléchargé et donc comment rémunérer les artistes le plus justement possible ?

Hadopi, instance obsolète avant même sa création, vit ses derniers jours. Sa suppression faisait partie du programme de l’actuel président de la République. La question est maintenant de savoir par quoi elle sera remplacée et surtout comment.


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