« C'est la survie du pacte républicain qui est en jeu. »
François Fillon, profession de foi
Comment l'UMP se remettra-t-elle de sa campagne interne ? A force de droitisation du discours et de clivage permanent et tous azimuts, on peut en douter. La séquence qui s'achève dans quelques jours est à proprement parler terrifiante.
A l'instar d'un Mitt Romney contraint de droitiser un discours déjà très conservateur pour satisfaire sa base, François Fillon a dû s'aventurer dans des contrées douteuses à la remorque d'un Jean-François Copé plus à l'aise.
De temps à autre, on entendait encore ces cris du coeur de certains députés UMP. Les débats à l'Assemblée, quand il ne s'agit pas de la séance des questions au gouvernement, plus largement filmée et commentée, sont parfois instructifs des présupposés politiques. Prenez par exemple Eric Woerth (UMP), l'ancien trésorier de l'UMP, ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, qui justifiait de son opposition à la création d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu (45% au-delà de 150.000 de revenus): « je ne crois pas non plus que l’on soit « riche » lorsqu’on touche cinq ou six fois le SMIC ». Il y eut aussi Hervé Mariton (UMP): « Les niches fiscales existent – entre autres raisons – afin d’éviter l’excessive concentration actuelle de l’impôt sur le revenu. »
Tout était dit, mais ce n'était pas le pire.
La campagne interne pour la présidence de l'UMP vire au cauchemar pour celles et ceux qui espéraient que l'ancien parti sarkozyste sortirait enfin du clivage permanent et de la course à l'extrême droite.
Il n'en fut rien.
1. Jean-François Copé a fait l'une des campagnes les plus à droite que l'UMP ait connue. Certes, s'agissant d'un scrutin interne, il faut convaincre les militants. Le discours se durcit naturellement. Mais tout de même, l'évolution fut évidente et notable: du racisme anti-blanc (emprunté au Front National) à l'anecdote des pains au chocolat prétendument arrachés par des méchant Musulman des mains de nos chères têtes blondes pour cause de Ramadan; de l'appel aux manifestations dans la rue contre l'anti-France Hollandaise au refus de célébrer des mariages entre homosexuels si la loi passait... l'ancien avocat d'affaire Copé ne s'est pas économisé en outrances crypto-droitistes. Nul rassemblement à l'oeuvre, bien au contraire.
2. Le plus surprenant fut l'évidente porosité de François Fillon à cette surenchère à droite. Si Copé incarnait le Tea Party et ses élucubrations, Fillon s'est sacrément Romney-isé en quelques mois. Aux Etats-Unis, Mit Romney n'était pas le plus à droite de son Parti Républicain, loin s'en faut. Il s'est même recentré, mais trop tard, dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle contre Barack Obama. En France, François Fillon s'est senti finalement contraint de suivre Copé à la droite du parti. Cet été, il a eu peur de se faire distancer. Copé sillonnait la France des militants avec efficacité. Etiqueté Gaulliste social, il avait rapidement embauché Eric Ciotti comme directeur de campagne.
Dimanche en Corse, le voici qui attaque le mariage gay en des termes à peine plus nuancé et peu républicain que son rival: « Je m’opposerai de toutes mes forces au mariage homosexuel parce que je refuse un bouleversement profond de la société française et le changement des règles de la filiation. » Ou encore: «Mariage homosexuel : Je vous invite à refuser l’appellation de « mariage pour tous », car c’est le mariage de quelques uns contre l’intérêt des enfants ». Comme son collègue pourtant plus libéral, il s'est déclaré favorable à la suppression de toute durée légale du travail. Au-revoir les heures supplémentaires ! Et il réclame des uniformes à l'école et maintient la suspension des allocations aux parents d'élèves absentéistes.
Cette campagne interne s'achève bientôt. Elle était peut-être le prélude à d'autres primaires, locales pour les élections municipales de 2014, ou nationales, dans 3 ans, pour le scrutin présidentiel. On a compris que les dirigeants de l'UMP s'étaient engagés dans une droitisation dont ils auront du mal à sortir.
On a compris que l'UMP était en phase de Romney-isation accélérée.
Quatre des 7 différents mouvements pour lesquels les militants sont également appelés à voter le 18 novembre prochain, sont aussi emblématiques de ce glissement. A côté du Gaullisme, emmené par Roger Karoutchi, est ce qu'il reste de feu-le RPR, de la Boîte à Idées, un groupe obscur animé par quatre anonymes et trentenaires, et de la Droite humaniste qui tente d'incarner le centre-libéral, on trouve :
- La Droite Sociale de Laurent Wauquiez est celle qui part au combat contre l'assurance sociale rebaptisée Assistanat;
- La France Droite est animée par Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne porte-parole de la campagne de Sarkozy;
- On ne présente plus la Droite Populaire des Lionnel Luca et autres Thierry Mariani, un pont affiché vers le Rassemblement Bleu Marine;
- La Droite Forte des Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, se veut l'incarnation de la génération Sarkozy, avec Brice Hortefeux en soutien officieux.
Lundi soir, François Fillon voulait jouer au rassembleur, celui qui pourrait s'adresser ailleurs et au-delà de l'UMP.
Mais avec quelle crédibilité ?