Qu'on le veuille ou non, la dure réalité rendra infinançable la sécurité sociale ("Sécu") telle que nous la connaissons.
Par Acrithène.
Peu avant les élections américaines, je discutais avec des amis de ce héros cool qui avait importé la sécurité sociale à la française – ce qui n’est pas le cas – dans cette jungle d’égoïsme barbare que sont les Etats-Unis. Je n’ai pas trop d’avis sur cette réforme, mais je ne suis certainement pas aussi enthousiaste que la plupart de mes compatriotes. Mais ce qui m’a frappé dans cette discussion, avec des gens sortis d’HEC, c’est à quel point ils sont ignorants des dures réalités comptables.
J’ai manqué l’opportunité de leur faire remarquer que le système de générosité qu’ils chérissaient tant, en France, était mourant, ce que personne n’ose admettre ou que tout le monde ignore, malgré la fameuse rumeur sur le « trou de la sécu ». Evidemment, la sécurité sociale ne va pas mourir sous la présidence Hollande, mais il suffit à mon avis de deux paires de mains pour compter le nombre d’années à vivre de notre gentil système s’il n’est pas remis à plat. Et comme toujours, les jeunes auront financé un système dont ils ne profiteront jamais.
Je vous propose donc quelques images dures à admettre sur l’avenir de la branche maladie de notre sécurité sociale. Les sources sont le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) et l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED).
Le premier graphique résume les dépenses remboursées par l’assurance maladie par tranche d’âge et par individu en 2008. On n’y voit que les personnes âgées « coûtent » énormément plus que le reste de la population. Evidemment, on ne doit pas conclure de ce graphique que les personnes âgées représentent l’essentiel des dépenses, car si elles sont certes plus coûteuses par individu, elles sont aussi moins nombreuses.
Mais la répartition des dépenses par âge devient intéressante quand on la combine au deuxième graphique, qui représente la répartition de la population par âge en 2012 (bleu) et en 2030 (rouge). On constate clairement que la population se déplace vers les tranches d’âge supérieures à 65 ans.
Si ce n’est pas assez clair, le graphique suivant résume la variation de la population entre 2012 et 2030 par tranche d’âge.
A ce niveau, si vous avez l’habitude de manipuler des chiffres, vous comprenez qu’un énorme problème se profile, une forte hausse des coûts due à l’arrivée massive des baby-boomers dans les âges où ils coûteront très cher à l’assurance maladie.
Mais ce n’est pas tout. Ni le coût des dépenses de santé, ni leur structuration par âge n’est fixe. Non seulement les dépenses de santé croissent plus rapidement que la richesse nationale, mais en plus cet effet est-il beaucoup plus fort pour les soins aux personnes âgées. L’image suivante résume l’évolution de ces dépenses entre 1992 et 2000. Ce sont les données fournies par le HCAAM dans son rapport de 2010. Autant dire que les gens qui s’occupent des prévisions sont inquiétants, vu qu’ils utilisent des données de 10 ans d’âges pour voir le futur.
Désormais quelques calculs. Je prends l’hypothèse que le taux d’emploi de la population active reste stable (65%) et que les dépenses de santé progressent selon le rythme décrit par l’évolution 1992-2000. Comme seules les forces actives de la société peuvent financer l’assurance maladie, je rapporte les dépenses ainsi projetées en 2030 au nombre d’actifs occupés.
Bien sûr, mes hypothèses sont grossières, j’ai fait avec ce que je trouvais de mieux dans le rapport du HCAAM. Mais le déséquilibre est si colossal (on peut le diviser par deux, cela ne change pas grand-chose) que je me permets de conclure : c’est mal parti !
Bibliographie :
« Vieillissement, longévité et assurance maladie », HCAMM, avril 2010
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