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Mais de quoi se mêle l’Allemagne ? Cette Europe n’est pas la mienne – 2ème partie

Publié le 14 novembre 2012 par Kamizole

Dans le concert de jappements de l’UMP qui accompagna les déclarations d’Arnaud Montebourg sur l’hégémonie allemande et les accusations « d’antigermanisme » qui lui tombèrent dru sur le râble, je réserve une place toute spéciale à  Leonetti, ancien ministre des affaires européennes de Nicolas Sarkozy, non point à ce titre mais en raison de sa charge contre la "la germanophobie hystérique" de Montebourg (Le Monde 1er déc. 2011) et parce que c’est précisément sa conception de l’Europe communautaire que je conteste. Entendant bien en dénoncer les méfaits, les tares et autres dérives.

Or donc, il fustigeait « ce torrent d'insultes permanent. Mais qu'est-ce qu'ils ont dans la tête! Quand François Hollande dit: "je vais remettre l'Europe en confiance", ce n'est pas en insultant l'Allemagne (…) Cela fait soixante ans qu'on est en paix avec le peuple allemand et qu'on a construit des grandes choses. On dirait qu'on est entre les deux guerres, alors qu'on n'a jamais autant progressé sur le chemin de l'intégration européenne »…

Sans doute mais je me crois tout à fait légitime en refusant cette « intégration européenne » qui conduit au fédéralisme, sans que ce soit forcément dit explicitement par la plupart de ceux qui conduisent la politique européenne. L’Europe portée sur les fonds baptismaux par le général de Gaulle, Adenauer et Spaak était celle des Etats-nations.

S’il est tout à fait logique juridiquement que selon le principe dit de « la hiérarchie des normes » le droit européen émanant des traités ratifiés par le Parlement prît le pas sur le droit interne des Etats et j’avais bien évidemment applaudi au fameux arrêt Nicolo (Conseil d’Etat 1989) allant dans ce sens, encore ne faudrait-il pas que le droit européen dit « dérivé » - notamment les directives - méconnaisse au point que nous observons le « principe de subsidiarité » qui veut qu’une organisation supra-nationale fixe les principes et les principales règles en laissant les Etats libres quant à la manière de les rendre applicables.

Or, les directives européennes concoctées par les eurocrates bornés prétendent dicter jusqu’à la taille des « queues de cerise » lors même que l’on sait que la Commission européenne est assiégée par les nombreux et puissants lobbies, notamment ceux des multinationales qui parviennent à imposer leurs intérêts, au détriment de ceux des consommateurs. Il suffit de penser à la fameuse « directive Reach » sur les produits dangereux qui laisse aux experts diligentés (et payés !) par les industriels toute latitude pour prouver que leurs produits ne sont pas dangereux !

Impossible de ne point se souvenir du cri du cœur de Perico Légasse - excellent chroniqueur gastronomique de Marianne - Faut-il quitter l’Europe pour sauver le goût de la France ? (17 fév. 2011) s’indignant de voir les prétendus experts de la Commission faire si peu de cas des règles fixées pour accorder les AOC (fromages, vins, viandes, etc.) leur opposant un ahurissant discours « Il vous faudra un jour abandonner le concept d’origine. Seule compte la qualité du produit. Peu importe d’où il vient s’il est conforme aux normes commerciales en vigueur. Votre obsession à identifier un aliment à partir de critères territoriaux dépassés n’a aucun sens. Si votre saucisson est bon, on se moque bien de savoir son origine. Son image de marque suffit à le qualifier. Laissez nous tranquilles avec vos terroirs et tenez vous en au respect des règles sanitaires ».

Je ne m’étendrais pas sur le sujet de l’importance des terroirs d’origine - pour la qualité et surtout le goût - qui me tient bien évidemment à cœur. Notez « les règles commerciales en vigueur ». Les margoulins sont désormais rois de cette Europe. La « marque » ne voulant bien évidemment plus rien dire puisqu’il suffit de la déposer pour que désormais elle tienne lieu d’origine ! Les jambons de la marque « Aoste » sont fabriqués dans l’Isère et les couteliers de Laguiole n’ont plus le droit de se servir de ce nom pour commercialiser leur production… Absolument renversant, non ?

Quant à « qualité » et au « respect des règles sanitaires » mieux vaut n’en point parler ! Entre les trafics en tout genre, les intoxications alimentaires et les divers poisons sortant des laboratoires des docteurs Folamour et Mabuse de ces cuisines du Diable - l’on peut s’estimer encore heureux quand il n’y a pas de morts ! - il y aurait de quoi écrire un « livre noir ». Leurs prétendues « normes » ils peuvent bien se les carrer où je pense ! Si elles empêchaient les margoulins de produire de belles merdes, nous le saurions.

Aucune règle n’impose par exemple aux restaurateurs d’indiquer sur leur devanture s’ils cuisinent leurs produits de A à Z ou s’ils les sortent déjà cuits d’énormes sacs surgelés achetés à Metro ou de boîtes de conserve. Ce ne sont plus des cuisiniers mais de vulgaires préparateurs. Certes, et j’ai suffisamment traîné mes guêtres pour savoir qu’il y a partout de bons et mauvais cuistots mais quand même ! La différence se sentant dès le premier coup de fourchette. Je connais des restaurateurs qui n’ont pas succombé à cette facilité qui coûte au demeurant moins cher quand bien même cela ne serait-il pas (il s’en faudrait même de beaucoup !) répercuté sur l‘addition. J’en profiterais d’ailleurs au passage pour remercier mes amis de l’Orangerie à Montmorency chez qui l’on mange superbement pour moins de 20 euros une authentique cuisine faite maison.

Un exemple parmi tant d’autres de cette malbouffe portée au plus haut point du délire ultralibéral qui visiblement ne semble guère déranger la Commission européenne. J’ai regardé il y a quelques jours un documentaire sur une chaîne de la TNT. Il s’agissait de pizzas à la mozzarella et des cuisiniers italiens de talent avaient accepté de tester des pizzas vendues en France soit dans des restaurants (ou à emporter et/ou livrées) soit surgelées. Seule la pizza achetée chez un restaurateur indépendant a satisfait aux critères de bonne qualité.

Quant à la mozzarella des autres - y compris celle d’une grande marque américaine - elle n’en avait que le nom. Les Italiens le reconnurent du premier coup d’œil : elle ne cuit pas de la même façon qu’un autre fromage, par exemple l’emmenthal. Mais le clou fut atteint quand un restaurateur ne mangeant pas de ce pain-là fit sa petite enquête auprès d‘un fournisseur de cette prétendue mozzarella : au mieux, elle est mélangée dans un « mix » prêt à l’emploi. Beaucoup d’emmenthal et un peu de mozzarella - le prix n’est pas le même ! Le summum étant atteint par le fromage sans fromage… Un mélange avec beaucoup d’huile de palme grasse à souhait - nos spécialistes détectant d’ailleurs son utilisation dans toutes les pizzas contestables uniquement parce qu’elle dégueule sur l’emballage !

Du « fromage sans fromage »… sidérant. Sur le cul, la mémé Kamizole ! Pourtant, depuis le temps (au moins une bonne cinquantaine d’années) que je m’intéresse à toutes ces questions, j’en avais déjà vu des vertes et des pas mûres. Du vin sans un seul grain de raisin jusqu’à l’huile espagnole concoctée à partir d’huile de vidange - qui fit des morts et des malades à vie - et plus récemment le scandale de l’huile de synthèse à usage industriel mélangée à de l’huile d’arachide, provenant d’un un pays de l’Est et qui atterrit notamment dans les cuves d’un sous-traitant de Lesieur à Sète…

C’est dire le peu de crédit que l’on doit accorder aux critères de « qualité » et respect des « règles sanitaires » dont se prévaut la Commission européenne.

Et encore, s’il s’agissait là du seul reproche que l’on puisse faire à l’Union européenne en général et sa Commission eu particulier ! Il me faudrait consacrer bien trop de place et de temps pour en dénoncer les tares quasi congénitales et les maladies qu’elles ont engendrées. Comme j’ai déjà beaucoup écrit sur le sujet je vous renverrais à quelques articles. Notamment celui du 6 décembre 2006, reprise d’un édito écrit en 2005 pour la Gazette d’Amitiés sans frontières où j’expliquai les raisons pour lesquelles je voterai « non » au référendum sur la Constitution européenne ni démocratique ni sociale: la GROSSE COMMISSION au service des marchands.

Sans même parler de la calamiteuse directive Bolkestein - qui bien que n’ayant pas été à ma connaissance formellement acceptée n’en continue pas moins à faire des ravages ! J’avais déjà dénoncé « L’affaire Dentressangle » (25 juillet 2012) : une des plus importantes entreprises française de transport routier, faisant travailler au salaire et conditions de travail de leur pays des chauffeurs de poids lourd d’une de ses filiales roumaines.

Or, par un de ces effets du hasard de l’Histoire qui manquent rarement, j’ai vu passer cet après-midi une info indiquant que plus de 300.000 salariés étrangers low-cost seraient employés en toute illégalité en France (Le Parisien 13 nov. 2012) selon une note du ministère du Travail nonobstant l’enterrement de la directive Bolkestein… Mais Jannick Alimi et Valérie Hacot nous apprennent que la Commission européenne s’est empressée de combler ce vide juridique en pondant une directive tout aussi tordue sur les « sociétés étrangères de prestations de services » ! Ah ! Les « sales bêtes ». Je n’entrerais pas dans le détail de tous les exemples cités.

Contrairement à ce que vous pourriez croire, leurs employeurs sont des multinationales du BTP ou de grandes entreprises et nullement de modestes artisans du bâtiment. Au grand dam de Patrick Liébus, président de la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment - qui constate le non respect des principes du droit du travail applicable en France : 35 heures, le Smic : ils perçoivent entre 5 et 7 € de l’heure alors que le Smic est à 9,40 €, dans des conditions de sécurité et de vie inacceptables : « C'est le retour de l'exploitation de l'homme par l'homme ». Encore un dangereux gauchiste ! Qui ose s’insurger : « Il y a 3 millions de chômeurs en France, et on a en même temps des gens qui sont littéralement exploités. On ne peut pas travailler dans ces conditions, c'est une véritable concurrence déloyale ».

Cette révélation tombe au plus mauvais moment puisque « selon une note de l’Insee publiée mardi 50.400 postes ont été détruits en France sur les trois derniers mois » ce qui n’a rien de bien étonnant en suivant jour après jour la litanie des plans sociaux et licenciements. En n’ayant garde d’oublier tous ceux qui mijotent. Le chiffre de 100.000 qui était déjà avancé par les syndicats depuis mars 2012 risque d’être atteint voire largement dépassé au cours de l’année 2013. Mais surtout, que l’on en rende pas responsables François Hollande et Jean-Marc Ayrault : ces licenciements seraient intervenus de toute façon avec Nicolas Sarkozy. On peut leur adresser beaucoup de griefs, notamment sur le plan fiscal et leur soumission au « choc de compétitivité » - et je n’y manque(rais) pas ! Cf. Ter repetitas : la « gauche de gouvernement » la plus conne du monde ! (7 sept. 2012) - mais que de grâce, qu’on ne leur impute pas des décisions prises depuis longtemps par les multinationales.

Selon Thomas Morel Le "plombier polonais" est toujours là (Europe 1, le 13 nov. 2012) ils travailleraient principalement dans le bâtiment et l’industrie. Je ne sais s’il vous en souvient mais ce fameux « plombier polonais » fut en 2005 l’emblème de la révolte contre la directive Bolkestein et fit certainement beaucoup pour la victoire du « non » au référendum de juin 2005.

Notez que, conformément au principe de libre circulation au sein de l’UE, rien n’interdit à des travailleurs européens d’être employés en France. Ce qui est en revanche totalement illégal est de leur appliquer les salaires et conditions de travail de leur pays d’origine, et ce dans la mesure où l’Europe sociale est restée « l’Arlésienne » de la Commission européenne : le « moins disant » restant la norme de cette concurrence déloyale.

Nul hasard enfin, si je parlais « des tares quasi congénitales » de l’Union européenne. Je ne vise bien évidemment pas le Traité de Rome (1957) non plus que « l’Europe des six » - Allemagne (RFA uniquement à cette époque) Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), France, Italie - mais d’une part la lecture ultralibérale du traité fondateur à partir du début des années 1980 (y compris et sans doute surtout par la Cour de justice des communautés européennes, qualifiée en son temps de « juge du marché » par le Monde diplomatique) et son élargissement sans limites qui s’est fait dans une fuite en avant perpétuelle sans prendre le temps de la réflexion sur les nécessaires modifications institutionnelles.

Or, je vous renverrais à un article où je traite ce problème parmi d’autres Sarkozy : deux gros mensonges et… un enterrement ? Troisième partie (10 décembre 2011). Il me semble patent depuis déjà longtemps qu’à cet élargissement fait sans aucune réflexion préalable sur les conséquences l’on pouvait appliquer la grille de lecture établie par Didier Anzieu s’agissant des groupes humains dans son ouvrage « Le groupe et l’inconscient » où il remarque que le mode de fonctionnement des petits groupes (jusqu’à 12 participants) n’a rien de comparable avec celui de groupes larges : l’augmentation du nombre de participants engendre non seulement un saut quantitatif mais surtout qualitatif.

Dans les groupes restreints, l’écueil à éviter consiste surtout dans la tendance à l’idéaliser comme un « bon groupe » et la tentation fusionnelle avec l’animateur; lequel doit rester totalement neutre et refuser de participer aux activités des membres du groupe en dehors des séances de travail, ce qui manque rarement dans la réalité, j’en ai fait souventes fois l’expérience : sorties, restaurant, etc.

Dans les groupes larges, la problématique est totalement inverse. Les participants sont trop nombreux pour que se nouent entre tous des liens interpersonnels. Il en résulte donc la création de sous-groupes spontanés qui peuvent entrer en compétition entre eux et, tout en cherchant l’appui des animateurs, se liguer contre eux s’ils ne parviennent pas à les mettre dans leur poche.

Il me semble que c’est exactement ce qui se produit actuellement au sein de l’Union européenne. En toute logique, ce sont les « animateurs » de l’UE (Commission, etc.) et Angela Merkel - animatrice autoproclamée - qui devraient faire les frais de l’inévitable fronde des Etats-membres que l’on voit se dessiner entre « les amis du dépenser mieux » menés par les chefs d’Etat de pays ayant une certaine ancienneté dans l’UE (et apportant une contribution financière non négligeable au budget communautaire) et les entrants les plus récents regroupés au sein des « Amis de la cohésion » qui souhaitent la bienveillance des instances dirigeantes pour ne pas perdre les avantages sonnants et trébuchants dispensés notamment au moment de leur adhésion.

Je ne sais ce que vous pensez de l’intitulé quelque peu vieillot de leur groupe « Amis de… » mais il m’est venu il y a quelques instants l’idée quelque peu rigolote d’une resucée du nom des deux principaux mouvements d’artisans compagnons du Tour de France dont on connaît l’âpre lutte qu’ils se livrèrent. D’une part les « gravots » ou compagnons du Devoir de liberté et d’autre part, les « dévorants » ou compagnons du Devoir.

J’imagine fort bien les Amis du dépenser mieux en « gravots ». Et puisqu’ils étaient connus entre eux selon des sobriquets particuliers, je serais quelque peu féroce envers Hollande : « François le hardi timoré »… et tout autant sinon plus encore à l’égard d’Ayrault « Jean-Marc tourne casaque ». Quant à Cameron cela ne pourra être bien entendu que « David l’Ecossais »… Il porte un nom écossais et répondra à la réputation d’avarice. Fort injuste au demeurant, foi d’une fille d’Ecossaise !

Les « Amis de la cohésion » ne peuvent être que des « dévorants » car ils ont les dents bien longues. Etant donné qu’ils sont emmenés par la Pologne - dont il faut signaler qu’elle ne fait pas partie de la zone euro - leur chef de file ne saurait être que le libéral Tusk, par ailleurs germanophile (ne pensez surtout pas que je lui reprocherais ! C’est son droit le plus strict). Que l’on pourra surnommer selon la tradition des compagnons « David par ici l’oseille ».

Bien entendu, les « singes » - entendre les patrons en langage des compagnons - feront les frais de ces frondes. La Commission européenne et la « taule » de la Merkel seront-t-elle mises en interdit comme jadis celles des patrons qui préféraient embaucher des artisans - des « jaunes » - qui n’avaient pas satisfait aux épreuves du Tour de France, notamment le « chef d’oeuvre » qu’ils devaient avoir réalisé pour n’être plus considérés comme des apprentis ?

Cet intermède ironique achèvera cet article. Il me restera à démontrer que le fameux « miracle allemand » relève de la pure illusion… d’optique ? Sachant qu’Iéna fut longtemps considérée comme la capitale mondiale, notamment pour les objectifs d’appareils photos haut de gamme. Je ne saurais dire s’ils ont résisté à la concurrence des japonais qui prirent le dessus dans les années 1970-1980.

Ce sera donc l’objet d’un troisième et dernier article Mais de quoi se mêle l’Allemagne ? L’illusion du « miracle allemand » 3ème partie

Je vous demanderais toutefois un peu de patience. S’il est pratiquement agencé dans ma tête et la documentation nécessaire rassemblée ou à portée de clic, il me reste à le rédiger ce qui me demandera encore pas mal de travail si j’en juge que depuis dimanche - pourtant jour férié à double titre ! - j’ai consacré nettement plus que les trente cinq heures d’une semaine de travail à collationner les articles que j’avais pour la plupart archivés depuis déjà longtemps - quand ma version merdique de Windows explorer veut bien me les restituer, c’est pur nanan ! Sinon je suis obligée de les chercher sur Google en sollicitant ma mémoire- et quasi vingt-quatre heures d’affilée à écrire depuis hier matin. Dès que j’aurais mis ces articles en ligne, ce qui me demandera encore du temps, direction dodo ! Pour un sommeil réparateur.


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