Combien manque-t-il entre les dépenses futures de l’État et ses recettes ? De combien est exactement l'imposant fiscal gap ?
Par Acrithène.
Dans un billet précédent, je citais des estimations de la BCE montrant qu’avant la crise, la dette implicite des gouvernements de la zone euro, rapportée au PIB, était trois fois supérieure à celle des États-Unis. Parmi les commentaires, se trouvait la référence au fiscal gap, c’est-à-dire à la valeur des écarts futurs entre dépenses et recettes du gouvernement. Ces deux statistiques sont assez différentes :- La dette implicite représente des engagements tacites de l’État dérivant de dépenses qui ont déjà eu lieu. Par exemple, les droits à la retraite que vous estimez dériver des cotisations que vous avez déjà payées.
- Le fiscal gap représente la valeur présente de la différence entre la projection des revenus de l’État et de ses dépenses à long terme. Ce n’est pas à proprement parler de la dette, car la dépense n’a pas encore été effectuée.
La grande différence, c’est que le fiscal gap est une mesure prévoyante, les déficits anticipés peuvent être évités par une réforme adéquate. En revanche, le non remboursement de la dette implicite n’est possible qu’en cas de défaut sur les engagements tacites pris par l’État : réduction du montant des retraites promises, par exemple. La dette implicite vient de déséquilibres des budgets historiques qui n’ont pas été enregistrés par la comptabilité explicite. Le fiscal gap est un déséquilibre des budgets prospectifs. Pour prendre une métaphore médicale, la dette implicite est un mal à guérir, le fiscal gap est un mal à prévenir.
En fait, le fiscal gap est intéressant car il mesure la pérennité du statu quo, c’est-à-dire la capacité financière de l’État à maintenir la composition actuelle de ses dépenses et revenus. Et d’une certaine manière, il englobe la prise en charge de la dette implicite.
Le graphique suivant fournit des estimations récentes du fiscal gap pour les pays de l’OCDE. Une bonne manière de le lire, serait :
« Sans effort sur les dépenses, les États-Unis devraient immédiatement augmenter leur taux d’imposition de 9,5 points de pourcentage du PIB, s’ils souhaitent que leurs engagements financiers en 2050 soient inférieurs à 50% du PIB »
En gros, ce graphique donne une estimation de l’augmentation fiscale nécessaire pour qu’un État maintienne son train de vie actuel sans totalement faire déraper sa situation financière. Par exemple, pour la France, la valeur de l’effort équivaudrait à une hausse immédiate de 5,5 points de PIB de l’imposition, soit 110 milliards d’euros ! On voit que pour prévenir la maladie, les États-Unis, doivent, en comparaison de la plupart des autres pays, prendre un traitement de cheval. Et on serait tenté de considérer leur situation comme plus grave que celle des pays d’Europe, et même que de la Grèce. Vraiment les marchés financiers n’ont rien compris !
Une telle interprétation oublie que la lourdeur d’un traitement dépend aussi des traitements que le patient prend déjà pour soigner toutes ses autres maladies, en particulier celle de l’obésité étatique. Aussi, à supposer que chaque pays prenne l’amère pilule décrite par l’OCDE sous la forme exclusive d’augmentation d’impôts (on peut aussi réduire les dépenses !), quelle serait le poids de la fiscalité dans chaque pays ?
Le tableau suivant donne le niveau des prélèvements obligatoires qui suivrait une correction par l’impôt du fiscal gap. La France (bleu) aurait toujours un niveau d’imposition olympique, avec la moitié de la production nationale imposée. Quant aux États-Unis (bleu foncé), s’ils verraient leur niveau d’imposition bondir, ils resteraient cependant un paradis fiscal en comparaison de l’hexagone. A noter qu’ils partageraient ce privilège avec trois des quatre PIGS (en rouge), dont la Grèce qui reçoit le soutien de nos impôts et de ceux de l’Allemagne (en orange).
Source : Merola, R. and D. Sutherland (2012), « Fiscal Consolidation: Part 3. Long-run Projections and Fiscal Gap Calculations », OECD Economics Department Working Paper, No. 934.
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