« Miracle » ! Ma jeunesse fut marquée par l’exemple du « miracle suédois » encensé par les journalistes. Le terme était sans doute excessif mais la social-démocratie y avait réussi la gageure d’avoir en même temps un système social particulièrement redistributif et une industrie performante. Ce fut quelques années plus tard le Japon qui reçut les honneurs de la presse et des économistes. L’Allemagne - entendre la RFA avant la réunification - n’était pas mal placée (j’en expliquerai le plus brièvement possible les raisons) ce qui fit dire un jour à mon père, quelque peu amer, qu’il valait mieux avoir perdu la guerre (le Japon comme l’Allemagne).
Je ne perdrais pas mon temps à faire la liste exhaustive de toutes les économies présentées tour à tour comme des « modèles ». Je me bornerais à rappeler qu’en 1981-82 la gauche revenue au pouvoir chanta les louanges de l’Autriche, petit pays néanmoins performant économiquement et dont il fallait suivre l’exemple. Or, il en va des économies ou des entreprises comme des civilisations, « mortelles » selon l’aphorisme de Paul Valéry. Pour peu que l’on s’intéressât quelque peu à l’histoire, celle de l’humanité depuis les temps immémoriaux est jalonnée d’empires et de civilisations dont il ne reste que des traces archéologiques. L’on pourrait illustrer leur destin par une courbe de Gauss, de leur apparition à leur déclin en passant par leur apogée.
Je pense que s’il y a quelque miracle quelque part, c’est bien que la France ait réussi depuis la Gaule à maintenir peu ou prou depuis 2.000 ans son territoire tel que nous le connaissons aujourd’hui, nonobstant les nombreuses vicissitudes, les invasions, les guerres, etc. N’y voyez nul « cocorico » aussi franchouille que déplacé… Il y aurait beaucoup trop à dire sur les guerres aussi calamiteuses et ruineuses (notamment pour le peuple) qu’inutiles qui furent menées tant par Louis XIV que les deux Napoléon et bien d’autres.
Si elles m’intéressent sur le plan de la stratégie, les grandes batailles de Bonaparte m’insupportent sur celui de la morale politique : si les armées de la jeune République était tout à fait fondées à résister aux armées étrangères (grossies de la noblesse émigrée) qui menaçaient notre territoire, il m’a toujours paru une erreur tragique autant que funeste que Napoléon cherchât par la suite à imposer le « modèle » français de la démocratie sabre au clair à des peuples qui n’en pouvaient mais.
Que l’on ne m’en veuille pas d’être une « enragée » de la paix ! Mon enfance (au sortir de la guerre de 1939-45) fut marquée par cette injonction « Paix sur terre aux hommes de bonne volonté »… Il faut croire qu’ils ne furent jamais suffisamment nombreux. Je hais du plus profond de mon être les guerres qui font pleuvoir sur les populations non seulement des chapelets de bombes mais nombres de calamités. La France n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle s’emploie à travailler - au sein des instances internationales - pour ramener la paix dans les nombreuses contrées où elles font rage.
Je ne reviendrais pas sur tout le bien que je pense de la réconciliation franco-allemande marquée notamment par la création de l’Europe en 1957 et celle de l’Office franco-allemand de la jeunesse de 1963, l’ayant amplement développé dans les deux précédents articles. Sinon pour dire une fois de plus que je souhaite le plus vivement que les Israéliens et les Palestiniens suivent le même chemin pour mettre fin à un atroce conflit qui n’a que trop duré depuis (au moins) 64 ans.
Je ferais en revanche un petit détour, le plus succinct possible, sur l’histoire du règlement des conflits entre la France et l’Allemagne. En 1870, Bismarck imposa à la France des pénalités financières d’un montant exorbitant assorties de conditions draconiennes sur lesquelles je ne m’étendrais pas. Par une sorte de petit « miracle » Adolphe Thiers (c’est bien le seul mérite que je reconnaîtrais à « l’assassin des Communards » !) réussit l’exploit de mobiliser les fonds nécessaires - par un emprunt et avec l’aide notamment de la banque Rothschild afin de palier les ahurissantes exigences de Bismarck - pour qu’il fût remboursé de façon anticipée.
Tant mieux, direz vous. Mais au sortir de la guerre de 1914-18 la France, animée par un désir de revanche d’une intensité inouïe - « l’Allemagne doit payer » tel fut le funeste mot d’ordre et si l’on doit parler de « germanophobie » elle date de cette époque et fit des ravages jusqu’à l’entre-deux-guerres - voulut imposer par le Traité de Versailles (28 juin 1919) des conditions au moins aussi draconiennes à l’Allemagne lors même qu'elle était confrontée à d’énormes difficultés économiques et monétaires. Mon père qui fit partie des troupes d’occupation à Berlin au sortir des tranchées, nous racontait que lorsqu’il allait au restaurant avec des amis, il lui fallait une valise remplie de billets de banque allemands pour régler l’addition.
Avant même le choc extrême de la dépression de 1929 marquée notamment par la faillite des banques allemandes, la situation économique et sociale de l’Allemagne demeura inextricable. Se souvenir en particulier que 1923 - bientôt 90 ans ! - reste marquée dans l’Histoire comme « l’année inhumaine » avec une inflation vertigineuse : le dollar 18.000 marks en janvier et 8 millions de marks à la fin de l’année. Cependant cela profita aux gros industriels, cette inflation record réduisant leur endettement à quasi néant, ce qui leur permit d’accélérer la concentration industrielle et de bâtir des fortunes colossales. En n’ayant garde d’oublier que nombre d’entre eux mirent par la suite des sommes colossales au service d’Hitler.
En revanche, la population en souffrit énormément. Les rentiers et les retraités furent ruinés et la situation fut particulièrement catastrophique dans les milieux ouvriers où le chômage et la misère extrême sévirent. Cela n’émut nullement en France et Raymond Poincaré resta d’une inflexibilité absolue quant au remboursement des réparations de guerre. Je suis de longtemps persuadée que la jeune République de Weimar aurait connu tout autre destin si la France n’avait pas été animée d’un tel sentiment « sauvage » de revanche d’une aberrante - le mot est encore trop faible ! - inhumanité à l’égard de l’Allemagne vaincue et surtout de son peuple.
Le réarmement à marche forcée de l’Allemagne (nonobstant l’interdiction dans le Traité) et l’avènement d’Hitler après la dépression de 1929 - en n’ayant garde d’oublier qu’il fut élu démocratiquement en 1933 - de même que le pangermanisme et l’idéologie nazie se développèrent sur ce terreau.
Ne pensez pas que je me fusse égarée de mon principal propos par ces rappels. Nécessaires pour une bonne compréhension des relations entre la France et l’Allemagne depuis 1945. Il est fort heureux que les Alliés et la France aient tiré la leçon des erreurs du passé et se soient gardés de mettre l’Allemagne - dont le territoire n’était plus qu’un champ de ruines - encore plus à genoux et définitivement renoncé à tout esprit de vengeance. Sauf à vouloir répéter les mêmes conséquences à l’infini. C’est sans nul doute le seul mérite de l’Europe - je ne répéterais jamais trop que celle de 1957 me convenait tout à fait - que d’avoir évité depuis presque 60 ans de nouvelles guerres entre ses partenaires.
Avant d’examiner la situation économique lato sensu de l’Allemagne d’aujourd’hui qu’il me fût permis d’autres rappels historiques sur le sujet - les plus brefs possible - dans la mesure où ils permettent d’expliquer la volonté d’hégémonie exprimée par Angela Merkel, en démontrant par quelques exemples qu’en dépit de son statut de pays vaincu et des conditions favorables qui lui furent néanmoins accordées, l’Allemagne n’a jamais renoncé à la prééminence économique dans l’Europe communautaire.
Ainsi, la plupart font remonter la casse de l’industrie sidérurgique française entre 1979 et 1981 à la crise de 1975. Or, si en décembre 1978 l’annonce de la suppression de plus de 20.000 emplois, dont 6.500 à Longwy fit l’effet d’une bombe, il faut savoir que de 1966 à 1977, la sidérurgies et ses activités annexes avaient déjà perdu 48.000 emplois et qu’entre 1971 et 1975 21 hauts-fourneaux avaient déjà été supprimés. Au point qu’en 1977 la production était inférieure à celle de 1969 et que la France qui produisait en 1953 plus d'acier qu’elle n’en utilisait - elle pouvait donc exporter - accusait en 1977 un important déficit.
L’argument de la crise justifiant la nécessité l’élimination des « canards boiteux » et le « dégraissage » (sic !) des effectifs dont on nous abreuva ad nauseam ne résiste donc pas à l’analyse. Il faut en chercher la cause dans le « Plan Davignon » pensé à Bruxelles dans les années 1960-1965 pour l’Europe de la CEE qui prévoyait la restructuration de la sidérurgie à l’échelle européenne et fut mis en œuvre notamment en France dès 1965. Donc 10 ans avant la crise… CQFD. En outre, par un mystérieux hasard - un « miracle » - cette restructuration se fit au détriment de la France et au - relatif - bénéfice de l’Allemagne (RFA).
Je ne peux que constater le fait mais n’étant nullement dans le secret des dieux de l’Olympe bruxelloise et n’ayant pas le temps d’approfondir mes recherches, je ne saurais dire comment ni pourquoi l’on favorisa plutôt l’Allemagne. Si des personnes ont quelques connaissances sur ce sujet, qu’elles n'hésitent surtout pas à nous donner des références intéressantes dans leurs commentaires. C’est aussi une fonction de ce blog que de nous enrichir mutuellement de nos connaissances.
Or donc, et pour en terminer sur ce sujet, si l’Allemagne est restée performante sur le plan industriel et produit davantage de biens que la France - la désindustrialisation n’ayant fait depuis que s’accroître de façon faramineuse notamment depuis les années 1980-1990 et bien plus par la suite avec les délocalisations - ce n’est donc pas qu’elle serait plus « vertueuse » mais bien parce qu’on en lui a donné les moyens. Pourquoi et selon quelle logique la France a-t-elle été le mauvais cheval qu’il fallait abattre ? Mystère et boule de gomme.
J’en arriverais à 1981 et les années qui ont suivi. Le gouvernement - socialiste - fut contraint de procéder à un certain nombre de dévaluations qui furent dites à l’époque « compétitives » dans la mesure où le franc plus faible - se souvenir que Raymond Barre ne voulut pas démordre du « franc fort » ce qui nuisit considérablement aux exportations et donc à la compétitivité des produits français - favorisait les exportations françaises.
Or, s’agissant des produits agricoles et de la Politique agricole commune (PAC) l’Allemagne obtint des « montants compensa-toires » liés aux taux des dévaluations ce qui bien entendu ruinait totalement la compétitivité de la production agricole française dans ses importations notamment vis-à-vis de l’Allemagne, un de ses principal partenaire économique.
J’en terminerais sur le chapitre des exportations de la France vers l’Allemagne en soulignant qu’à la même époque et pendant longtemps l’Allemagne fit barrage à la production française en matière de biens industriels en lui opposant ses propres normes - DIN, s’il m’en souvient - contre les normes françaises (Afnor). L’Allemagne considérant avec une mauvaise foi caractérisée que les produits français ne pouvaient passer avec succès le barrage des contrôle portant notamment sur la sécurité et la qualité.
Avouez qu’il est drôlement fastoche - même pour un tocard ! Mais ne me faites surtout pas dire que l‘Allemagne manquait d‘atouts… c‘est une simple figure de style - de s’imposer dans une course si l’on casse les pattes des autres concurrents tout en prétendant que la concurrence serait libre, loyale et non faussée selon l’antienne des thuriféraires du marché à l’heure de l’ultralibéralisme.
Ne pensez surtout que j’enfourche inconsidérément l’un de mes chevaux de bataille favoris. Pour autant qu’il n’ait pu anticiper l’émergence de la Chine - il fallut attendre le milieu des années 1970 pour que les Etats-Unis opèrent un rapprochement avec Pékin - et donc bien plus tard les délocalisations massives telles que nous les connaissons, le Plan Davignon s’inscrivait de toute évidence dans la perspective de la mondialisation et la création d’énormes groupes multinationaux. La meilleure preuve étant que selon sa fiche sur Wikipedia Etienne Davignon est un homme d’Etat belge (il fut vice-président de la Commission européenne de 1981 à 1985) et un homme d’affaires. Qui fut de surcroît de 1979 à 1999 membre dirigeant du célèbre mais très discret « groupe de Bidelberg » - temple de l’ultralibéralisme dont il est resté président honoraire. Cela vous pose son homme.
Ces préalables étant posés, je peux donc démontrer que si l’industrie et les banques allemandes - entre autres secteurs d’activité - tinrent longtemps le haut du pavé au sein de la CEE et ensuite de l’Union européenne, l’Allemagne est aujourd’hui fort loin d’être le champion toute catégorie comme elle le prétend. La crise de 2008-2009 est passée par là, de même que la crise grecque depuis mars 2010.
La bonne santé économique de ses banques - notamment régionales - est une pure fable. Ce qui explique qu’Angela Merkel refuse avec la dernière énergie qu’elles fussent contrôlées au même titre que les grandes banques allemandes. La vérité étant que leurs bilans étaient tellement farcis d’actifs « toxiques » liés aux prêts à la Grèce qu’il fut créé des structures de « défaisance » pour sortir ceux-ci de leurs comptes. L’Express soulignait que L'Allemagne traîne toujours ses "bad banks", et leurs actifs à risque (11 sept. 2011).
Il est plus qu’évident que cette mauvaise situation des banques allemandes est bien antérieure à l'éclatement de la crise grecque (mars 2010) dans la mesure où l’article m’apprend que la création de ces structures destinées à évacuer de leurs bilans les actifs à risque a été autorisée en… 2009. Je ne dispose pas d’informations précises sur ce sujet et n’ai pas envie de faire des recherches dans ma (trop) volumineuse documentation mais il est bien évident que le bilan de toutes les banques allemandes aussi bien les grandes que les banques régionales fut gravement affectée par la crise des subprimes en septembre 2008.
Par quel mystérieux hasard aurait-elle touché la totalité du système bancaire - des banques de dépôts et d’investissement aux compagnies d’assurance (qui assuraient précisément les risques financiers) et autres fonds d’investissements en passant par des petites caisses d’épargne ou coopératives de crédit notamment américaines : plusieurs dizaines disparurent dans la tourmente dans la quasi indifférence générale, leurs épargnants n’ayant plus que leurs yeux pour pleurer. Vous ajouterez à cela les pertes colossales liées aux malversations de l’escroc Madoff découvertes à la mi-décembre 2008 dont on se demandera à bon escient comment, ayant touché la plupart des grandes banques et des investisseurs au niveau international et européen, les faramineuses pertes se seraient arrêtées pile poil - comme en son temps le nuage de Tchernobyl aux frontières de la France - aux portes des banques allemandes. Merci de nous faire rigoler quand bien même le sujet serait-il d’une extrême gravité.
L’exacte vérité est révélée par un article de L’Expansion Une structure de défaisance allemande annonce 10 milliards de pertes liées à la Grèce (3 juillet 2012) qui nous apprend qu’il s’agit de « FMS Wertmanagement, la structure de défaisance des actifs toxiques de la banque Hypo Real Estate, a dans ses comptes d'énormes provisions pour risques sur ses obligations publiques grecques » et dont nous savons par ailleurs qu’elle a été nationalisée en 2010 par l’Etat fédéral… Nationalisée ! Les libéraux Allemands qui ne manqueraient pas de stigmatiser comme social-démocrate ou pire communiste ! au nom du respect des règles libérales n’importe quel pays européen procédant à des nationalisations savent très bien mettre ces sacro-saints principes entre parenthèse si leurs intérêts économiques lato sensu sont en jeu.
Ce n’est bien évidemment non sans raisons que l’agence de notation Moody’s a dégradé la note de 10 banques régionales (La Tribune 16 nov. 2011) alors que Laura Fort soulignait, également dansLa Tribune, que les grandes banques allemandes commencent à vaciller (18 nov. 2011). A peine un an ! Et que « Selon des sources de régulateurs et de banquiers allemands rapportées par Reuters, les banques outre-Rhin auraient besoin de fonds propres supérieurs aux 5.2 milliards d'euros estimés il y a deux semaines par l'Autorité bancaire européenne »… N’ayons garde d’oublier que leurs fameux - je devrais écrire fumeux dans la mesure où ils ne fut tenu aucun compte des actifs toxiques dissimulés - « stress tests » opérés notamment pendant l’été 2011 : aussi peu crédibles, avais-je écrit à l’époque qu’un crash-test sur des véhicules auxquels l’on aurait retiré les roues et les freins voire le volant.
La meilleure preuve que les banques allemandes n’étaient pas au mieux de leur forme étant fournie par un autre article de La Tribune Recapitalisation : les banques demandent un délai (24 nov. 2011). « Encore une minute, Monsieur le bourreau » !
La situation des banques allemandes se seraient-elles améliorée depuis l’automne dernier ? Que non point. La preuve en quelques articles Moody's dégrade la note de plusieurs banques allemandes (Le Monde 6 juin 2012). Ce sont les mêmes banques qui sont visées par une nouvelle baisse de la notation. Nina Godart nous apprenant dans un article encore plus récent datant d’à peine un mois ! - que Moody’s laisse les banques allemandes sous perspective négative (BFM-TV 19 oct. 2012).
Quant à Anasthasia Bara elle se livrait sur son blog de Médiapart à un bilan peu optimiste de la situation des banques allemandes (20 oct. 2012) notant à juste titre que « Les décisions politiques des grands pays, des pays dirigeants de l’Europe, en l’occurrence de l’Allemagne ont des conséquences directes et même irréversibles sur le sort des salarié(e), des retraité(e)s, et des citoyen(ne)s partout en Europe » alors qu’en réalité il faudrait « s’interroger sur la prétendue solidité des banques allemandes et déterminer exactement le rapport entre la puissance politique de l’Allemagne et sa puissance économique et financière dans le contexte de l’euro-crise et de la mondialisation actuelle ».
Elle affirme ce qui semble non moins évident que prochainement « la première puissance européenne finira par importer, soit par la voie commerciale soit par la voie bancaire - encore heureux que ce ne fût pas à la canonnière ! - la crise de pays endettés qu’elle a plongés dans la dépression économique la plus profonde depuis 1945, en collaboration avec les élites locales »… c’est beau comme la « solidarité européenne » au nom de laquelle l’on nous plonge chaque jour un peu plus dans la misère, le chômage et le marasme économique.
Or, non seulement comme elle le souligne la croissance de l’économie allemande atteindrait un taux « record » de 1 à 2 % - faramineux à l’aune de la France qui plonge dans le rouge mais peanuts sur le plan économique ! - alors que les experts de Moody’s soulignent que « Malgré les indicateurs économiques jusqu’ici solides pour l’Allemagne, le contexte économique et les conditions opératoires des banques allemandes s’avéreront difficiles au cours des 12 à 18 mois prochains » non seulement en raison des faibles taux d’intérêt accordés à leurs clients qui diminuent fortement leurs profits mais également parce que « L’économie allemande est très dépendante actuellement de ses exportations vers les autres Etats de l’UE. La crise de ces pays ne saurait alors qu’aggraver la situation des banques allemandes déjà vulnérables »…
Ce qui conforte l’analyse faite dans mes précédents articles sur le sujet, à savoir que l’Allemagne ne s’inquiète de la situation économique de la France que dans la mesure où du fait du marasme économique dû à la dégradation de nos comptes, elle risque de ne plus pouvoir nous vendre ses produits. Je répéterais à cet égard que je préfère être keynésienne que conne et qu’il faudrait que l’on m’expliquât comment l’on peut diminuer encore plus drastiquement les salaires et revenus de remplacement tout en diminuant notre pouvoir d’achat par des taxes et impôts supplémentaires - pesant quasi exclusivement sur les classes modestes et moyennes en prétendant nous faire consommer davantage, sachant par ailleurs qu’en France la consommation est le moteur essentiel de la croissance… pas étonnant donc qu’elle fût proche de zéro et que le PIB risque de s’effondrer davantage.
A la même époque, un article du Monde posait « la question qui tue » ou pour le moins remet les pendules à l’heure Et si l'Allemagne n'était pas si exemplaire... (19 nov. 2011). Quand on veut s’ériger en donneur de leçon, mieux vaut avoir le nez propre. En effet, si Berlin se pare d’une prospérité à toute épreuve, les experts sont critiques quant à son exemplarité.
Ainsi, selon Sylvain Broyer, expert chez Naxitis, « son déficit est honteusement truqué ». Il vise les actifs pourris sortis du capital des banques. Selon Jean-Claude Juncker, président luxembourgeois de l’Eurogroup : « En Allemagne, on fait souvent comme si le pays n'avait aucun problème, comme si l'Allemagne était exempte de dettes tandis que tous les autres auraient des dettes excessives ». Il affirme que l’Allemagne aurait une dette plus élevée que celle de l’Espagne. Est-ce encore vrai aujourd’hui alors que l’Espagne ne cesse de s’enfoncer dans la crise ?
Toujours est-il que ses propos étaient confirmés par la Commission européenne qui constatait qu’en « regardant le ratio dette sur PIB, l’Allemagne fait moins bien que neuf autres pays de la zone euro - ce n’est pas rien ! - et que malgré des recettes fiscales en forte hausse (de 40 milliards d’euros) en 2011 grâce à une croissance dynamique, la dette publique devrait croître en valeur absolue de 25 milliards d’euros cette année (2011). La prétendue rigueur allemande serait donc toute relative et d’influents économistes allemands, de sensibilités différentes, partageant l’avis de M. Juncker ».
Il n’est donc pas si surprenant que j’ai lu dernièrement qu’Angela Merkel souhaite qu’il fût remplacé à la tête de l’Eurogroup au terme de son mandat par son ineffable toutou, à savoir Wolfgang Schäuble, son ministre des Finances - celui-là même qui prétend faire contrôler les comptes de la France ! François Hollande serait opposé à cette nomination. Cela confirmerait le fait qu’Angela Merkel ait réussi à faire nommer des Allemands à pratiquement tous les postes clef de l’Union européenne et de la zone euro. Certes, Mario Draghi, l’actuel président de la BCE est Italien mais c’est surtout un ancien de Goldman Sachs qui s’employa fort utilement pour trafiquer les comptes de la Grèce avant son adhésion à l’euro. Ceci explique cela d’autant qu’une partie non négligeable de l’endettement de la Grèce était dû aux achats de matériels militaires à l’Allemagne…
Selon, Henrik Enderlein, dirigeant de la Hertie School of governance « Le niveau de la dette allemande est inquiétant si l’on se projette dans l’avenir car si le déclin démographique du pays qui contribue à modérer le taux de chômage se traduira par une baisse massive des recettes du gouvernement alors que dans le même temps le vieillissement de la population fera exploser les coûts de la sécurité sociale et de l’assurance-maladie, perspective anticipée par la Banque des règlements internationaux (BRI) qui en 2010 qui prévoyait l’explosion des dépenses de santé à l’horizon 2035 à 10 % du PIB ». Or donc, l’Allemagne de Merkel n’aurait rien à envier à la France, à ceci près que nous connaissons au contraire depuis déjà un grand nombre d’années une forte progression démographique… Qui rira le dernier ?
Pour sa part, Hans-Werner Sinn, très influent président de l’Ifo et connu pour être eurosceptique, affirme que « la dette de l’Allemagne est bien au-dessus des 60 % prévus par le traité de Maastricht et que l’Allemagne non plus n’a pas rempli sa tâche ». Il avance que « l’endettement déjà élevé montre que l’Allemagne ne peut sauver personne sans perdre elle-même sa notation ». Raisonnement moult fois développé pour expliquer l’attentisme d’Angela Merkel dans le sauvetage de la Grèce qu’elle aurait bien laissé sortir de la zone euro si elle avait été seule à en décider.
Encore une fois, je n’invente rien et cherchant autre chose dans mes archives je tombe fort opportunément sur cet article du Figaro Merkel : il faut pouvoir exclure un pays de l'euro (17 mars 2010). Je pourrais vous servir sur un plateau une pléthore d’articles du même tonneau témoignant à l’envi de l’égoïsme - associé à un mépris des plus répugnant - affiché sans aucune honte par les dirigeants et parlementaires allemands à l’égard de la Grèce. Or donc, elle a rejeté l’idée d’une aide rapide à la Grèce qui « ne serait pas une bonne réponse » souhaitant qu’il fût « possible d’exclure un pays de la zone en dernier recours en cas d’infractions répétées aux règles de Maastricht ».
« Pas une bonne réponse » ? Permettez-moi d’en douter, d’autant qu’elle se contente de cette formule lapidaire qui n’explicite rien.
Comme bien souvent lorsque l’on revient en arrière, l’on pourra se demander utilement si la situation actuelle non seulement de la Grèce mais également de tous les pays mis en difficulté par la crise de l’euro et même celle des banques allemandes - nous voyons une fois de plus à l’œuvre les effets dévastateurs de la « théorie des dominos » - aurait été totalement différente si la BCE avait mis immédiatement « le paquet » pour aider la Grèce et si les dirigeants de la zone euro avait exigé - et obtenu - que les banques créancières renoncent totalement à demander le remboursement de leurs créances (sachant que les intérêts exorbitants de la dette s’ajoutent de mois en mois au principal de la dette).
Quitte à les figer dans une structure de défaisance, gérée par la BCE, la Grèce remboursant progressivement le principal de la dette (les sommes dues au titre des intérêts étant définitivement supprimés) au fur et à mesure de l’amélioration de sa situation.
Ramenée à un peu plus de réalisme, Merkel dut accepter le sauvetage de la Grèce et les autres pays en difficulté mas il faudrait que cela ne lui coûtât rien ou peu s’en faut. Faire payer le prix de la crise aux autres. Encore que selon Hans-Werner Sinn, le « triple A », sésame pour emprunter à bon compte sur les marchés financiers soit mis en péril par sa participation au Fonds européen de stabilité financière destiné à sauver les pays européens en difficulté car « l'Allemagne a déjà mis sa note gravement en danger. Les primes d'assurances sur les emprunts à dix ans de l'Etat allemand ont décuplé par rapport à ce qu'ils étaient avant la crise ».
Ces propos furent confirmés quelques jours plus tard lors d’une mise aux enchères de titres d’emprunt allemands qui fit un quasi flop sur le marché financier alors que jusqu’alors ils se vendaient comme des petits pains Zone euro : les marchés s'attaquent à l'Allemagne (Le Monde 25 nov. 2011). Audrey Fournier expliquant notamment - c’est toute la zone euro qui est la cible de leurs spéculations et ils commencent à penser que l’Allemagne est contaminée par la crise de l’euro - que les marchés feraient ainsi pression sur Berlin car le faible rendement des obligations allemandes - 2 % et les titres qui ne trouvèrent pas preneurs étaient proposés à 2,25 % - qui ne les gênait pas quand ils ne considéraient que la garantie offerte par la bonne santé de l’économie allemande et la solidité de ses banques - ne pouvait les satisfaire alors que l’inflation atteignait 3 % dans la zone euro. L’on ne dira jamais au demeurant suffisamment l’influence de la confiance sur les marchés, forcément mise à mal par les sanctions de Moody’s à l’égard de 10 banques allemandes.
Je crois avoir fait le tour de la question sur la situation des banques allemandes et son implication sur l’endettement de l’Allemagne dont les finances publiques sont loin d’être aussi florissantes qu’Angela Merkel le prétend. Il reste à envisager le problème du chômage en Allemagne. Là aussi, la situation est loin d’être aussi « miraculeuse » que l’on tente de nous le faire accroire. Il s’en faudrait même de beaucoup.
Car si le taux de chômage est au plus bas depuis la réunification (Le Figaro 6 nov. 2012) il y a plus de vingt ans, le Nouvel Obs n’en souligne pas moins qu’en Allemagne le chômage a augmenté en octobre pour le septième mois consécutif (30 oct. 2012). Le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 20.000 par rapport à septembre 2012 (alors que 31 économistes interrogés par Reuters d’attendaient à seulement 10.000) ce qui porte leur nombre total à 2,937 millions, selon les chiffres communiqués par l'Office du Travail, soit un taux de 6,9 % qui reste inchangé. L’article souligne que cela « souligne la vulnérabilité de la première puissance à la crise de la zone euro » mais les économistes « attendent une amélioration en 2013 »… S’ils font preuve de la même sagacité dans leurs prévisions, mieux vaut s’attendre au pire.
En explorant un article du Point aussi dithyrambique que celui du Figaro Allemagne : le chômage attendu en 2012 à son niveau le plus bas depuis la réunification (presse) (6 nov. 2012) qui fait état des conclusions du rapport des désormais bien célèbres « sages » conseillers économiques de Merkel, lesquels auraient tablé sur un total de 2,89 millions de demandeurs d’emploi : la même erreur de 10.000 ! C’est dire leur niveau d’expertise ! Je tombe sur un passage stupéfiant : « Les économistes plaident pour l'élaboration d'un "Maastricht 2.0" afin de définir un nouveau cadre pour l'Union européenne et ainsi répondre à la triple "crise des dettes souveraines, bancaire et macroéconomique en Europe »…
« Maastricht 2.0 » ! C’est quoi ce langage de crânes d’œuf ? Un traité supranational n’a rien à voir avec un logiciel. Je préfère écrire « deux zéros ». Pointés. Quant à ces olibrius, c’est bien leur propre « disque dur » dont les neurones sont shuntés par des bugs en série ! Qu’ils redescendent sur terre et mettent un peu les mains dans le cambouis de l’économie réelle.
Par ailleurs, ils appellent la Banque centrale européenne (BCE) à mettre un terme rapidement à ses rachats d'obligations de pays de la zone euro en difficulté, une politique accusée d'engendrer une dangereuse confusion entre politique monétaire et budgétaire. Mario Draghi ne fait que reprendre la politique inaugurée par Jean-Claude Trichet, son prédécesseur à la tête de la BCE et avec qui il travaillait. Fort heureusement, la Banque centrale européenne est indépen-dante des pouvoirs politiques car l’on se demande quelle serait la situation si les pays déjà en grande difficulté étaient abandonnés à la rapacité des marchés financiers.
J’ai le souvenir d’avoir lu que selon Karl Marx - qui ne s’est pas trompé sur tout, notamment sur le plan économique -« le dernier capitaliste tresserait la corde qui servirait à le pendre ». Je crois qu’il y a beaucoup de cela dans l’attitude des multinationales et des marchés financiers. Aveuglés par l’idée du seul profit et des opérations uniquement spéculatives. Pour pasticher Lénine « l’ultralibéralisme stade suprême du capitalisme » ? Notez qu’il s’agit d’une boutade car quoique la connaissant, je n’ai jamais adhéré à la conception dialectique du matérialisme historique (d’ailleurs pas plus à la dialectique idéaliste de Hegel).
Pour diverses raisons fondées sur la logique philosophique et une vision nettement moins limitée de l’histoire sur lesquelles je ne m’étendrais pas ici. Notez que de surcroît, je partage totalement l’avis de Suzan Georges, qui fut pourtant une des responsables d’Attac et qui dans une interview lue il y a déjà pas mal d’années affirmait que nous avions mieux à faire qu’à chercher la chute du capitalisme. L’histoire nous a abondamment apporté la preuve que le « communisme réel » était au moins aussi délétère. L’on ne doit jamais tenter d’appliquer les utopies - communisme ou ultralibéra-lisme, même combat ! - et mieux vaut s’atteler à ce que le capitalisme soit tempéré par des règles visant à en limiter les excès.
Enfin, c’est sur le plan social - traitement du chômage compris - que l’Allemagne est bien loin du « miracle économique » tel qu’on nous le présente. Je ne pouvais passer à côté de cet article de Johanna Ritter Les chômeurs allemands plus exposés à la pauvreté que leurs voisins (Le Monde 22 oct. 2012). Qui m’apprend que « 70 % des chômeurs allemands sont en risque de pauvreté ». Si je comprends bien, la fameuse prospérité se fait sur le dos d’un peu plus de 2 millions de chômeurs. Par « risque de pauvreté » entendre la misère. Point barre.
Il s’agit de ce que nous appelons ici « vivre en dessous du seuil de pauvreté » et l’article indique que « d’après les chiffres publiés par Eurostat - l’institut européen de statistiques - ce seuil correspondant à 60 % du revenu médian (la « médiane » est obtenue en partageant les 50 % des revenus des tranches de revenus inférieurs et les 50 % des revenus supérieurs). Curieusement, pour une économie si prospère, il est de 952 euros mensuels alors que d’après les derniers chiffres fournis (concernant l’année 2010) pour la France par l’Insee, il s’élevait à 964 euros. Cela ne peut signifier qu’une chose : les salaires moyens allemands étaient en 2010 inférieurs à ceux des salariés français de même catégorie : 1610 € mensuels. Belle performance !
Les pauvres sont donc encore plus pauvres dans cette merveilleuse Allemagne. Ce qui donne au passage un bon aperçu du niveau général des salaires ou autres revenus de la majorité de la population : pas payés « gras » ! Je doute au demeurant que le niveau de vie soit moins cher qu’ailleurs, bien au contraire. C’est au moins un des mérites de l’euro que pouvoir opérer sans calcul compliqué des comparaisons chiffrées. Cela se confirme d’ailleurs puisque « En 2010, l'Allemagne était en tête des pays européens, avec 70 % des chômeurs dits « en risque de pauvreté » contre 45 % en moyenne dans l’Union européenne et 33,1 % en France ».
L’Allemagne championne d’Europe de la pauvreté des chômeurs ! Ce n’est sûrement pas une performance dont elle se vante dans les sommets européens. Elle préfère fustiger la France - qui ne réforme pas assez vite à son gré son marché du travail et sans nul doute ses taux d’indemnisation des chômeurs qui ne sont pourtant pas pour la plupart d’entre eux d’une si folle générosité.
En lisant cet article, je comprend mieux pourquoi les ténors de l’UMP sont allés chercher des recettes Outre-rhin chez leurs homologues de la CDU pour préparer le programme électoral de Nicolas Sarkozy… Pensez donc : pas de salaire minimum et un recours massif aux emplois précaires. Cela donne des « performances » surprenantes en matière de « distribution très inégale de la fortune privée »… C’est bien le moins que l’on en puisse dire puisque « Les 10 % d'Allemands les plus aisés détenaient, en 2008, 53 % de la richesse privée du pays, contre 45 % dix ans auparavant. La moitié la plus modeste des foyers détenait en 2008 seulement 1 % de la richesse nationale privée »… Le Paradis pour les richards, l’Enfer pour les pauvres… On aurait dû dire à l'UMP :« Reviens Léon, on a les mêmes à la maison » !
Les allocations chômages servies aux chômeurs allemands sont d’un niveau absolument mirobolant : 374 € par mois pour une personne seule au chômage. Je m’en doutais au seul vu du chiffre mais je suis allée vérifier sur le dite Service public qui m’apprend que pour une personne seule, au chômage et sans autres revenus déclarés le RSA s’élève depuis le 1er janvier 2012 à 474,93 €. Autrement dit, et sachant que le RSA à taux plein n’est versé qu’aux personnes qui n’ont pas droit aux indemnités des Assedic ou épuisé leurs droits ou ne sont pas prises en charge par d’autres dispositifs, les chômeurs allemands indemnisés au titre de l’assurance chômage perçoivent 100 € de moins que les bénéficiaires français d’un « minima social ». Pour le « miracle allemand » prière de repasser !
En outre, le recours massif aux emplois précaires est la règle. Ce phénomène n’a au demeurant rien de nouveau. Je me souviens d’un documentaire sur l’emploi en Allemagne vu il y a déjà fort longtemps sur Arte. Des « petits boulots » ou des « jobs » qui en France auraient fait la joie d’étudiants il y a une trentaine d’années et qui sont devenus le lot commun de tous ceux qui galèrent. Le grand must : les livraisons, suivies des distribution de prospectus. J’ai le parfait souvenir d’un jeune homme d’une trentaine d’années obligé de cumuler trois de ces emplois quasi informels pour arriver à survivre. Certains s’en disaient pourtant satisfaits, se sentant plus libres… Je veux bien mais la liberté au prix de la misère…
L’article ne donne aucun détail concernant la répartition géographique des chômeurs et salariés précaires mais il est fort probable que les plus touchés sont sur-représentés dans l’ex-RDA où nombre d’usines obsolètes ont été détruites. Les personnes les plus qualifiées sont passées à l’Ouest et j’ai lu que sur le plan industriel il n’existait pratiquement rien à Berlin.
Incontestablement, la réunification a coûté fort cher à l’Allemagne : 1.300 milliards d’euros en 10 ans, selon les chiffres communiqués en 1999. Vous pouvez être néanmoins certain qu’elle s’arrangea pour en faire payer indirectement une grande partie à l’Europe communautaire d’une façon ou d’une autre. Néanmoins, je m’inscris totalement en faux contre ceux qui prétendent que la réunification fut une tragique erreur pour l’Union européenne car elle rompait les équilibres existants et que les Allemands de l’Est n’ayant pas la même culture européenne, forgée par une trentaine d’années de pratique des institutions communautaires, ils ne pouvaient s’y reconnaître.
Je me souviens parfaitement de François Mitterrand affirmant que la réunification n’aurait jamais lieu. Il est évident qu’il craignait comme la peste le poids considérable que prendrait « une grande Allemagne » dans l’Union européenne. Ce qui se vérifie aujourd’hui. Mais à quoi eût servi la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 si l’on refusait ensuite de réunifier les deux Allemagnes ?
Sur le plan politique, il était impensable de ne pas donner aux Allemands de l’Est le même statut et les mêmes droits qu’à ceux de l’Ouest, sauf à créer des citoyens allemands de seconde zone. Tout aussi inacceptable sur le plan humain, sachant que le « Mur » avait séparé nombre de familles. Une tante ou des cousins d’un côté, un oncle ou des grands-parents de l’autre. Etc.
Un dernier petit clin d'oeil historique. Pour rappeler que Bismarck, par ailleurs ultra-réactionnaire représentant de la noblesse prussienne, comprit avant tous les dirigeants européens, monarques ou républicains, que tout en menant sa politique d'unification allemande, il devait se concilier le peuple et fut à l'origine des premières grandes lois "sociales" : retraites et sécurité sociale. Angela Merkel et les dirigeants de la CDU devraient s'en souvenir.