La cartographie collaborative a le vent en poupe. Nous Les Geeks vous avions déjà présenté Google Map Maker et OpenStreetmap, voici que sort Here, le nouveau service cartographique de Nokia, et dans la foulée Here Map Creator qui permet d’améliorer ces cartes.
Petit tour des possibilités …
Avec son nouveau service de cartographie Here, Nokia frappe un grand coup pour tenter de rattraper son retard dans les applications cartographiques grand public. Interface intuitive, navigation 3D, application gratuite pour iPhone / Android / Firefox OS …
Nokia va également plus loin et lance son outil de crowdsourcing Map Creator. Le lien situé en évidence sur le bandeau du haut sur here.net laisse présager de son importance.
Une carte collaborative dédiée
Néanmoins, au contraire, dès les premiers pas on se rend compte que le service n’est -pour l’instant ?- pas central sur le site. Tout d’abord en naviguant sur la carte Here, on découvre que les données issues de la communauté s’affichent sur le calque Communauté alors que le calque standard affiche les données issues de la filiale carto de Nokia, Navteq. Autrement dit, Nokia est en train de bâtir deux cartes indépendantes. Ont-ils des projets de fusion ? Plus celle-ci sera tardive, plus cela sera compliqué …
La carte standard (à gauche) et collaborative (à droite) sont vraiment très différentes …
Premiers pas : la simplicité prime
Les premiers pas sont décevants : le service n’est pas ouvert pour la France, ni pour la plupart des pays développés. Une stratégie qui diffère de Google Map Maker, qui fut en premier lieu ouvert pour l’Amérique du Nord puis pour l’Europe avant de couvrir la majorité des pays du globe.
J’aurais pourtant aimé commencer par mon quartier, comme tout le monde ! Pour effectuer ma première modification, après création d’un compte Nokia, je me dirige donc en Tunisie. Il y a quelques erreurs de traduction qui sont vites pardonnées, vu le lancement très récent. Nul doute que cela sera corrigé rapidement.
La création est simplifiée a l’extrême : elle se limite aux bâtiments et aux routes. Après avoir cliqué sur « ajouter une nouvelle route » je la dessine sur la carte, avec une vue satellite en fond de carte. C’est fluide, intuitif et plutôt agréable. Il est possible de glisser-déposer la carte en cours d’édition pour se déplacer, par contre, impossible de zoomer avec la molette, dommage.
En arrivant à l’intersection d’une autre route, l’outil me demande si je souhaite les connecter, je clique oui : simple et efficace.
Arrive maintenant la qualification de la route créée : les méta-données sont très simples à rajouter, via un bandeau en bas d’écran : type de voie, sens unique, interdiction diverses type sens unique, voie piétonne…
L’essentiel est décrit avec seulement 9 paramètres différents. Un mode avancé « montrer plus » permet d’ajouter encore quelques données, comme les limitations de vitesse ou d’autres options plus ou moins exotiques.
Attention tout de même à bien valider ces paramètres en cliquant sur sauvegarder.
Au final, la prise en main laisse une bonne impression : il n’y a pas d’étapes inutiles et l’interface est claire et sans chichis.
Le retour de la vengeance du Power User
La simplification trouve tout de même rapidement ses limites. Impossible en effet de créer des surfaces (dois-je décrire une place publique comme un lieu ou une route ?). L’outil d’édition ne permet pas non plus de déplacer une route si elle est mal tracée. Lors d’un prolongement de route, il n’est pas non plus possible de fusionner le nouveau tracé créé. Il y a donc à certains endroits de nombreux tronçons pour une seule route, ce qui est un peu déroutant en mode édition mais invisible sur le rendu final.
La création de point d’intérêt est un peu particulière : chaque lieu est lié à la route la plus proche, ce qui est représenté visuellement par des pointillés. Une fonction de magnétisme ramène ainsi toujours le point créé au bord de la route.
Lors de l’ajout d’un POI, le magnétisme accroche celui-ci à la route la plus proche
Cela fait sens pour trouver le meilleur accès, et donc pour le calcul d’itinéraire. Néanmoins cela nécessite d’avoir tracé auparavant la route la plus proche.
L’affichage des modifications est instantané, ce qui est plutôt sympa. La modération se fait donc à posteriori. En cliquant sur « Modification de la community » (je vous ai prévenu, les traductions laissent à désirer) on peut voir les dernières contributions de la zone.
Au bout de quelques heures seulement, mes apports sont validés « par un professionnel de Nokia ».
Problèmes de licence
La lecture des conditions d’utilisation est limpide :
[…] vous concédez à Nokia une licence non exclusive, valable dans le monde entier, sous-concédable, cessible, intégralement payée, libre de redevance, valable pour toute la durée des droits de propriété intellectuelle et irrévocable l’autorisant à utiliser, copier, présenter publiquement, diffuser, distribuer sur tout support et modifier les Informations, […]
Pour résumer, toutes vos contributions sont la propriété de Nokia. Personne n’en sera étonné mais tous ces services propriétaires commencent à s’empiler ! Une fois votre quartier mappé sur Google Map Maker, le recommencerez-vous sous Here Map Creator ?
Le partage sous licence Libre est bien évidemment la seule solution à ce problème de multiplication de silos de données non interopérables les uns envers les autres. Le seul projet d’envergure qui rempli ce critère est OpenStreetmap, qui devient de plus en plus incontournable.
Conclusion
Bien entendu, lorsque l’on découvre Here Map Creator, on a tout de suite envie de le comparer à son équivalent de chez Google : les outils des deux projets sont semblables, la philosophie et les buts sont les mêmes : améliorer les cartes préexistantes grâce à la communauté.
Il existe néanmoins des différences de taille. Nokia a pour l’instant fait le choix de deux cartes : une pour les données issues de sources professionnelles et l’autre pour les données crowdsourcées, ce qui permet plus de flexibilité et une modération à posteriori, alors que Google valide en amont les données soumises et améliore directement sa carte existante.
Dans Here Map Creator, les premiers pays ouverts aux modifications sont ceux des pays en voie de développement, alors que Google Map Maker s’est avant tout focalisé sur les pays développés.
Enfin, la solution de Nokia est simplifiée à l’extrême, ce qui permet aux débutants de s’initier facilement, mais qui se paye en précision des données.
Sur certaines parties de la carte, la création des routes reste prioritaire
Dans une optique plus globale, Nokia tente avec Here Map Creator de rattraper son retard face à Google mais également face à Apple. Même si ce n’est pas dans leur ADN, il ne semble en effet pas invraisemblable qu’Apple lance le même type d’outil pour ne pas se faire distancer dans cette « guerre des cartes » qui ne vient que de commencer.
Au final, malgré des atouts indéniables, Here Map Creator n’est-il pas Yet Another Crowdsourced Map Service ? Le nombre de fournisseurs de carte à destination du grand public ne cesse en effet d’augmenter. Quels sont les véritables atouts de Nokia ?
En effet les moteurs de recherche peuvent compter sur leur audience considérable, OpenStreetmap est boosté par sa licence libre, et Apple dispose d’une base de smartphones en circulation importante.
Nokia n’a donc pas le choix et mise tout sur la conquête de parts de marché en développant des applications gratuites pour de nombreuses plateformes. D’après vous, cela sera-t-il suffisant ?