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Mariage homosexuel, polygamie, inceste : quand les évêques disent n'importe quoi

Publié le 22 novembre 2012 par Bernard Girard
Le mariage homosexuel, dont j'ai déjà parlé ici (sur les évolutions du mariage) et (sur l'adoption), aura révélé ce que l'appareil intellectuel de l'église et d'une bonne partie de la droite peut avoir de vétuste et de figé. Les propos de Monseigneur Barbarin sur la polygamie et l'inceste témoignent d'une vision de l'histoire  tragique et d'une bien mauvaise connaissance de notre société.
On se souvient que le cardinal et archevêque de Lyon avait déclaré
Un mariage, c'est un mot qui veut dire rempart, pour permettre au lieu le plus fragile de la société, c'est-à-dire une femme qui donne la vie à un enfant, que toutes les conditions soient établies pour que ça se passe dans les meilleures possibilités.
Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l'interdiction de l'inceste tombera.
Et ceci sans le moindre sourire mais avec quelque chose d'un peu déplaisant et de plutôt inquiétant  dans la manière de s'exprimer, de bouger que n'excuse pas son peu d'expérience des médias audiovisuels :

Pour ce prélat comme pour tous ses opposants, cette loi fera tomber les remparts qui nous protègent de la barbarie et est l'amorce d'une chute sans fin vers l'anomie, l'absence de règles, de normes. Comme s'ils ne savaient pas que les normes sociales évoluent, changent. Des comportements qui étaient hier stigmatisés sont aujourd'hui acceptés. D'autres qui choquaient hier sans vraiment scandaliser sont devenus intolérables. Je pense aux violences sexuelles et conjugales, au harcèlement moral et, surtout, à la pédophilie (voir ce que j'écrivais ici même il y a trois ans sur l'évolution de la norme en la matière).
Prétendre que le mariage pour tous est la porte ouverte à toutes les dérives est tout simplement ignorer le jeu subtil de normes en perpétuelle évolution.
Faut-il pour autant exclure que se réveillent demain des revendications en faveur de la polygamie ou de la polyandrie? Oui. D'abord, et tout bêtement, parce que, à l'inverse de ce qu'avance l'archevêque, personne n'en fait la promotion, pas même ceux qui sont de fait polygames dans nos sociétés. Bien au contraire, les immigrés venus de régions dans lesquelles ces pratiques existent les abandonnent chez nous et leurs enfants ne souhaitent certainement pas les reprendre. Et pour cause.
La polygamie qui reste très minoritaire dans les sociétés qui la pratiquent encore (pas plus de 5 à 10% des hommes ont plusieurs femmes dans ces sociétés) s'est développée et se maintient dans des environnements sociologiques très différents du notre : c'est une partie intégrante du système patriarcal où la possession de plusieurs femmes est une marque de prestige et de puissance et une manière de nouer des alliances multiples(qui peut dire cela de notre société?). Dans le monde musulman médiéval, son développement a été lié à un déséquilibre démographique entre hommes et femmes et la multiplication de veuves avec charge d'enfants qu'elles ne pouvaient, faut de ressources, nourrir, comme l'indique la sourate 4, verset 3 du Coran : 
Et si vous craignez de n'être pas justes envers les orphelins... Il est permis d'épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n'être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela afin de ne pas faire d'injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille).
On en est bien loin.
Quant à ceux et celles qui vivent plusieurs aventures amoureuses en parallèle, qui peut imaginer une seconde qu'ils voudraient institutionnaliser ce qu'ils vivent aujourd'hui clandestinement. Il faut ne jamais avoir rencontré un homme marié à plusieurs femmes ou une seconde ou troisième épouse pour imaginer que cela puisse devenir une revendication. C'est pour les uns et les autres, l'enfer, la jalousie et les récriminations permanentes. Certains peuvent souhaiter décriminaliser la polygamie pour protéger les épouses déjà dans cette situation, mais de là à la légaliser il y a un pas que rien, dans notre société n'invite à franchir (Le sujet a fait l'objet d'un débat entre universitaires en 2006 au Québec dont on trouvera ici trace). La crainte qu'exprimait le Cardinal est purement imaginaire.
Quant à l'inceste…Maurice Godelier, grand spécialiste de cette question, il a dit l'essentiel il y a quelques jours dans un entretien au Monde :
C'est une condition universelle de toute société. Si les familles se reproduisaient par elles-mêmes, la société ne pourrait pas exister. Le tabou est un élément producteur de la société, transféré à tout individu et intériorisé par chacun, hétérosexuel comme homosexuel. Ces fantasmes sont grotesques. Il n'y aura pas plus d'inceste chez les homos que chez les hétéros.

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