Le ministre socialiste belge de l'économie, Johan Vande Lanotte déclare la guerre aux entrepreneurs qu'il considère comme des fraudeurs.
Par Fred Wauters, à Bruxelles.
Mon cher Johan,
Je prends la plume pour t’écrire cette petite lettre amicale.
Je viens de prendre connaissance par le Vif des propos que tu as tenus à l’égard de mes coreligionnaires et moi-même. J’avoue que ma première réaction a été de ressortir aux insultes. Ce n’est pas très agréable de se faire traiter de voleur, tu le reconnaîtras. Surtout quand celui qui te balance cette insulte a vécu toute sa vie de l’argent extorqué par la force à ses concitoyens. Mais je me suis dit que ce n’était pas très constructif.
J’ai donc décidé d’opter pour une approche pédagogique. Je suis prêt à échanger ma place avec toi pendant un mois. Je prends ton salaire de ministre, tes tantièmes et tes jetons de présence, et je me rends à toutes tes réunions de travail pour te représenter. Et en échange, tu prends mon mirobolant petit salaire de petit entrepreneur indépendant, et tu fais mon travail. Tu vas chez mes clients, tu prends les commandes, tu t’occupes de gérer les différents projets que je gère pour eux, tu acceptes — comme moi — toutes les commandes urgentes, tu te déplaces quand c’est nécessaire, tu engueules un peu les sous-traitants mais pas trop parce qu’on en aura encore besoin. Tu te tapes aussi les trucs admnistratifs. Tu sais, la facturation, la récolte et l’envoi des pièces justificatives au comptable, la déclaration de TVA, les discussions avec le secrétariat social et l’ONSS pour obtenir les délais de paiement quand le mois est un peu difficile (oui, c’est la crise, nous aussi ça nous arrive d’avoir des fin de mois étriquées). Ah oui, je suis en train de préparer uneformation à l’écriture. Tu termineras le concept, les slides powerpoint et le démarchage sur les réseaux sociaux. Et mon éditeur attend un manuscrit. Tu seras gentil de le terminer. Ca parle de techniques d’écriture. Toi qui écris de si jolis discours, je suis sûr que tu n’auras aucun mal à l’achever à ma place. Faudra travailler ce weekend, mais je me suis laissé dire que tu avais l’habitude, avec tes conclaves et tout ça.
Je te laisse tous mes papiers. Tu pourras en profiter pour te rendre compte par toi-même que la fraude fiscale, chez Ex Abrupto, ça n’existe pas. Si tu veux, après je te file les coordonnées d’autres confrères. On te fera tous confiance pour ne pas nous saloper le business pendant ton mois de stage. Dans un an, on se revoit et on fait le point. Bon, bien sûr, tu devras un peu réduire ton train de vie. Et n’oublie pas que si tu vas au restau, c’est avec mes clients, pas avec ta femme ou tes amis. Sinon je vais avoir des ennuis avec mon contrôleur fiscal. Oui, je sais, c’est plus chiant que de manger à la cantine du Parlement ou de se faire inviter par un restaurateur qui veut se faire mousser en profitant de ta présence. Mais je suis sur que tu t’y habitueras.
Allez, Johan, je te laisse, tu as sûrement une petite conférence de presse à donner. Tu as mon numéro de téléphone, il est sur mon profil Linkedin. Appelle-moi et on discute de tout ça. Si tu veux, je te file les coordonnées de mon secrétariat social: n’oublie pas que tu dois prendre un numéro de TVA et remplir quelques paperasses avant de pouvoir me remplacer. Tu verras, en une semaine ou deux tu devrais être prêt. La Belgique, c’est super rapide sur le papier… Ah, mais non, excuse-moi, tout ça tu le sais déjà: tu as déjà ta société de management, non? Petit filou, va!
Au plaisir de te rencontrer bientôt!
Ton futur ami,
Fred
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