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Ce que je me propose de vous raconter dans ces pages virtuelles.

Publié le 14 mars 2008 par Ingridfarenheit
Depuis le 15 janvier 2007, j'ai été catapultée dans un univers insoupçonné, dense, complexe, et somme toute, vous savez quoi? Passionnant. Il s'agit du monde du cancer du sein, dont je ne prévoyais guère apprécier un jour les subtilités, ancrée que j'étais dans la certitude qu'il ne sévissait que dans les familles détenant le, ou les fameux gènes prédestinants.
Or, nul cancer du sein ne trône dans les ramages de notre généalogie Labbé-Rozon. Leucémie, ACV, coeur et vieillesse constituent les tueurs les plus notoires répertoriés.
Nous comptons également dans nos annales un célèbre accident de train qui, peu avant ma naissance, frappa de plein fouet ma tante Roxanne et future marraine (elle n'eut pas le temps d'avoir une filleule) ainsi que ses deux petits enfants.
Les frissons que nous éprouvions lorsque notre grand-mère Audélie nous racontait comment elle l'avait appris par la radio! Elle en parlait plus volontiers juste avant l'heure de s'agenouiller au pied de son lit, pour la messe quotidienne, diffusée sur sa petite radio de plastique orange des années 50.
Nous nous agenouillions avec elle, impressionnés, mais sans prier: nous préférions nous apitoyer sur notre pauvre sort à l'idée d'avoir manqué la chance de connaître ce cousin François et cette cousine Suzanne, qui eussent assurément été les plus formidables de la planète.
Je conserve, dans un coffre à bijou (qui a déjà joué l'air de Fur Elise lorsqu'on l'ouvrait), deux minuscules petits jouets de plastique leur ayant appartenus, légués solennellement par ma chère et douce grand-mère lorsqu'elle m'en jugea digne de confiance. Ils reposent à côté des gants ivoires brodés d'Audélie, ceux-là même qu'elles arborait le jour où son fiancé chuta en bas d'un manège au Parc Belmont et en mourut.
Mais, outre les trains, les coeurs brisés, les manèges de foire, et la lente leucémie lymphatique de Gabrielle, nous ne craignions rien, et la question mammaire se portait très bien merci jusque là dans notre tribu.
Quiconque a fréquenté le cancer de près ou de loin peut témoigner du lent, mais intense processus de réflexion mis en branle avant même l'énonciation du mot fatidique par un médecin, quelque part, dans un cabinet beige ou vert pâle, devant un patient ou une patiente médusé(e).
Voilà ce que je me propose de vous raconter dans ces pages virtuelles, en vous servant un café fumant, et en humant l'arôme penché de la cafetière.

L'écriture sera mon art-thérapie, et peut-être, l'amusement de quelques lecteurs. Un work in progress constant. Vous constaterez, si par hasard vous en relisez certains épisodes, qu'ils ont été modifiés, ou sont en train de l'être. Comme on corrige sa composition à la petite école, je m'appliquerai à traquer l'erreur, à clarifier le propos, à restructurer le déroulement et la chronologie des épisodes.
Ainsi je pratiquerai la réécriture, un peu à la manière de Dany Laferrière (sans prétendre à la comparaison du calibre!), lequel annonça un jour abandonner l'écriture pour se consacrer désormais à la réécriture de ses livres.
Je n'ai senti l'appel du roman qu'une seule fois, à l'âge de 10 ans, dans une oeuvre dramatiquement intitulée Seule dans la forêt.
Quant à celui de la poésie, dont les muses m'ont rapidement abandonnée, je préfère en admirer l'évolution chez mon amie L. Celle-là même qui, à chacune de ses visites, laisse dans ma maison un nuage de poésie bleue, des monceaux de biscuits au beurre, un coeur fabriqué avec des boutons multicolores, des revues appétissantes et la voix de Jane Birkin.
Mais, depuis la petite école, je n'ai jamais pu vivre sans écrire des lettres. Ma tribu et mes fidèles amis constituaient le cercle de mes victimes involontaires et indulgentes. Je devine leur soulagement lorsque le manuscrit fut supplanté par le courriel, si facile à supprimer par mégarde sans culpabilité!
Et que de lettres d'amour ont dû laisser leurs destinataires pantois, soupçonnant qu'ils n'étaient que le prétexte anecdotique de mon envie d'écrire. Paradoxalement, aux amours véritables que j'ai connus (avec un grand A disait Jeannette), je n'ai laissé que peu de traces écrites. Ceux-là ont surtout donné lieu à des traces vivantes, ici une enfant lumineuse et des beaux-fils aimés, là et là encore, une amitié indéfectible...
Aujourd'hui, dans la solitude de la maladie (si bien entourée que je sois), dans la quasi-sédentarité qu'elle impose, la plume virtuelle me procure ce lien vital aux autres, dans la rédaction de la plus longue missive que j'ai jamais écrite, à quiconque voudra bien la recevoir. Cette lettre sera mon voyage à la mer manqué, cet été.
Dans un premier temps je vous relaterai ces morceaux épars de faits tragiques et cocasses, survenus dans ma petite vie ordinaire depuis janvier 2007.
Puis, quand nous en aurons bien ri, ou pas, je vous tiendrai à jour au fur et à mesure des péripéties de la patiente en apprentissage que je suis. Je vous confierai ici et là quelques anecdotes en douce, lorsque la narration m'en semblera (peut-être à tort) digne de vous amuser.
Ces digressions, que je crains fréquentes, refléteront à leur manière l'état d'esprit parfois chaotique dans lequel nous plonge l'aventure du cancer.
Le cliché veut que, la seconde avant de mourir, nous assistions en mode rewind au film de notre vie. Personne ne sait si le film se déroule du début à la fin, ou de l'instant de notre mort à reculons jusqu'au début, ou encore dans le désordre chronologique le plus total. Le film nous re-montre-t-il tout, même lorsque nous faisions l'épicerie un jour de pluie? Un bouton permet-il d'accélérer les passages insignifiants ou de supprimer au montage certains épisodes moins glorieux?
Nul ne peut témoigner avoir vécu la chose de façon crédible s'il est toujours vivant pour en parler.
Mais je puis assurément confirmer combien le vécu d'une maladie potentiellement mortelle à court ou moyen terme fait resurgir des épisodes de toute nature, de toutes époques, dans un ordre très peu chronologique, de notre vie.
Par exemple, il se peut que je vous relate comment Audélie, ma douce grand-maman, à laquelle je vous sens déjà attachés, a appris, alors qu'elle avait 4 enfants, que son mari, mon grand-père Louis, était bigame... faisant d'elle une fille mère (jeunes gens qui ignorez tout de ce concept étrange, sachez qu'il vous stigmatisait à jamais dans les années quarante), puisqu'elle était la seconde épousée.

Tôt ou tard, à force de retouches, les morceaux épars du récit trouveront leur exacte place le long du fil conducteur: le récit, véritable et imaginaire, de ma traversée du cancer. C'est la seule dont je puisse parler en connaissance de cause.
J'accueillerai avec joie vos commentaires, si brefs soient-ils, ou le récit de la traversée des autres, à l'adresse email figurant dans mon profil ou dans la rubrique commentaires qui vous est ouverte.
Si l'aventure vous int... non, vraiment. Rappelez-moi de surveiller l'origine de mes clichés.
Soyez les bienvenus, tout simplement.

Image: Joan Miró, La esperanza del condenado a muerte (1974).
Fundació Miró, Barcelona
http://www.amnistiacatalunya.org/edu/3/pm/miro-esperaza.html

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