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Garder la pêche en vieillissant

Publié le 25 novembre 2012 par Valabregue

Selon une croyance très largement répandue, notre cerveau n’aurait la capacité de se construire, c’est à dire qu’il serait malléable, uniquement pendant une brève période de notre vie : depuis l’âge embryonnaire jusqu’à la puberté.

Par la suite, cette propriété, qualifiée de la plasticité cérébrale, devrait disparaître pour laisser l’apparition d’un organe complexe mais figé, immuable, où plus aucune cellule nerveuse ne pourrait être produite à l’âge adulte. Pire encore, après l’âge de 20 ou 25 ans, nous ne ferions que perdre ces précieuses cellules que sont les neurones. Bref, tout se jouerait de l’enfance jusqu’à la vie adulte. “Si cette croyance s’avère vraie, quelle injustice serait-ce !”

Avec ses collègues de l’Institut Pasteur, Pierre-Marie Lledo s’est concentré à démontrer que cette croyance était fausse.
Ils se sont concertés pour tenter de répondre à la question suivante : quand le sujet cesse-t-il de produire des neurones ?

En fait, les études effectuées au sein de l’Institut montrent que cette plasticité disparaît au contact de 4 facteurs :
- si nous sommes soumis à un stress du monde urbain important (pollution sonore et visuelle),
- si nous consommons de façon chronique des psychotropes,
- si nous cessons de faire des efforts physiques (sédentarité),
- si nous sommes isolés socialement.
Mais aussi lorsque nous cessons de nous émerveiller

Ainsi, le cerveau perd parfois sa plasticité. Mais, ce qui importe le plus, c’est que cette propriété existe le reste du temps.
Lorsque nous ne sommes pas confrontés à ces 5 traits, notre cerveau continue de produire des neurones.

Cette découverte fut difficile à diffuser dans la communauté scientifique.

Pourtant, si nous nous retournons vers notre passés, cette propriété semble nécessaire.
L’homo erectus, quand il décide de quitter l’Afrique pour explorer de nouvelles contrées, s’est retrouvé confronté à des problèmes bien plus complexes que ceux initialement rencontrés. L’Homme de Néandertal invente même la famille.
Précisément, c’est lorsque l’Homme a été confronté à l’inconnu qu’il a pu s’épanouir. Aujourd’hui la surface de notre complexe cérébral est 1000 fois supérieur à celle du singe, alors que nous partageons un ancêtre commun.

Petit aparté : le cerveau de l’homme est légèrement plus grand que celui de la femme. Par contre, il est légèrement moins dense.

Revenons à notre passé. En inventant la marche, le bassin de l’Homme a changé, il a rétrécie de manière significative. La femme devra donc expulser un nouveau né qui aura la grosse tête. Et elle devra l’expulser de façon prématuré.
Ce changement a contribué à une modification dans notre développement. Notre cerveau devra continuer de grandir une fois né, en contact avec notre environnement, contrairement à celui du singe quasiment figé à la naissance (définitif 3 mois plus tard).
L’ordre génétique laisse donc la place à l’ordre social.

Ceci rappelle une phrase célèbre de Desiderius Erasmus Roterdamus, plus connu sous le nom d’Erasmus : “L’homme ne naît pas homme il le devient”. Quelques siècles plus tard, Kant le confirme : “L’homme naît deux fois, lors de sa naissance puis lors de son apprentissage.”
Le principe de plasticité du cerveau humain à l’âge adulte fait écho aux propos de ces philosophes.

Lors de leurs études, Pierre-Marie Lledo et son équipe ont observé de véritables fontaines de Jouvence au coeur du cerveau. Ces zones permettent de générer de nouveaux neurones qui pourront migrer dans le cerveau. En fait, ils se sont aperçus que le cerveau d’un individu stressé, dans un état dépressif, perd cette capacité sous l’effet de la cortisone. Mais, si l’individu est baigné dans un cocktail précis, lié à un état de bien-être, il peut, sans aucun problème, générer de nouvelles cellules qui s’intégreront dans le réseau neuronal.

Le cerveau n’est donc pas figé, c’est un chantier permanent, jamais achevé.

Fort de ce principe de plasticité, nous savons que nous pouvons encourager les cellules du cerveau à travailler non seulement entre elles, mais aussi entre neurones et prothèses, électrodes implantées dans le cerveau.
Pierre-Marie Lledo prend l’exemple d’un singe qui a perdu l’usage de son bras droit. Dans l’expérience, les scientifiques lui présentent un chamalo. Le singe parvient de s’en saisir grâce à un bras roboïde, dirigé par des électrodes dans son cerveau. Par la force de la pensée, il pilote un robot mécanique, simplement par le travail entre ses neurones et ses implants.
En parallèle, les recherches du MIT ont permis à une personne tétraplégique de piloter un même type de bras mécanique pour saisir une boisson et s’hydrater. Par la pensée, nous serons capables de retrouver des capacités perdues.

Ces découvertes et ces opportunités incroyables soulèvent de nombreuses questions éthiques. Nous devons nous concerter, déterminer les directions que doivent prendre ces recherches ainsi que les limites à poser.

Ces questions ont trait à la vérité. Face aux découvertes scientifiques, et plus largement à la vérité, il y a 3 types d’individus :
- ceux qui pensent la détenir, les plus dangereux,
- ceux qui s’en désintéressent, ce sont les plus heureux, ils font certainement leurs courses à cette heure-ci,
- ceux qui doutent et qui la cherche, ils sont les plus rare et sont dans la salle de TEDxParis.

Bibliographie :
Le cerveau sur mesure, Pierre-Marie LLedo et Jean-Didier Vincent, Odile Jacob, 2012
Histoire de la vache folle, Pierre-Marie LLedo, PUF, 2001
Les maladies à prions, Pierre-Marie LLedo, PUF, 2002


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