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Ha-Joon Chang. Deux ou trois choses que l'on ne vous dit jamais sur le capitalisme

Publié le 24 novembre 2012 par Edgar @edgarpoe

 

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Un bon livre d'un économiste spécialiste du développement.

Il reprend point par point nombre de fausses évidences lues aujourd'hui à peu près partout. Si ce n'était que cela, ça pourrait être banal (les économistes dénonçant l'économie dominante, ça court les pages).

Ce travail se double d'une volonté d'affirmer, contre les clichés néoclassiques, quelques idées moins courantes, dont certaines très peu fréquentes.

Par exemple que la machine à laver a plus bouleversé la société qu'Internet - la démonstration est convaincante sur le court terme.

Ou que nous vivons dans des sociétés planifiées - pas forcément par les états mais au minimum par les grands groupes. Que l'égalité des chances, telle quelle, seule, est une notion injuste, qui fait fi des "libertés réelles". Qu'un état lourd et interventionniste, avec des marchés du travail rigides, peut être un excellent outil de dynamisme économique.

Que les salaires extravagants ne sont pas justifiés. Que la lutte généralisée contre l'inflation a tué la croissance. Que les pays protectionnistes s'en sortent souvent mieux que les autres - au minimum que le protectionnisme est une nécessité pour les pays en développement. Que les états sont fondés à créer, soutenir et financer des groupes industriels, pour le plus grand bénéfice, bien souvent, de leur économie. Que la microfinance ne marche pas. Que l'éducation n'est pas la clé du développement (sulfureux mais convaincant).

Dans le détail de ses démonstrations, l'un des éléments les plus importants est probablement l'idée que l'état et la régulation réduisent l'incertitude : en réduisant fût-ce arbitrairement, le champ des possibles, la loi peut faciliter la coordination des actions. Dans le cas particulier du secteur financier, l'interdiction d'utiliser nombre de produits complexes serait particulièrement salutaire : il revendique justement une autorisation préalable à la mise sur le marché de produits financiers complexes, comme dans le secteur de la santé - je pense malheureusement que nombre de dérivés complexes, CDS et autres actifs pourris avaient été préalablement autorisés par les autorités bancaires.

Ha-Joon Chang est convaincant par la précision de ses démonstrations et le grand nombre de faits qu'il apporte à l'appui de ses idées : par exemple l'idée qu'Internet a divisé par 5 le temps de transmission d'un message d'une rive à l'autre de l'Atlantique par rapport au fax, alors que le télégraphe l'avait divisé par 2500 par rapport à l'envoi d'un courrier transporté par bateau. Quand il rappelle l'importance de l'industrie, il note que la Suisse et Singapour sont dans les cinq premiers pays mondiaux pour la production industrielle par habitant... Quand il explique que les pays en voie de développement ne souffrent pas de ne pas être entrés dans l'histoire, indolents, il note que le taux d'entrepreneurs individuels dans la population  dans les PVD est double ou triple de celui des pays développés - ce dont souffrent les PVD c'est de l'ouverture des marchés qui leur est imposée et de ne pas pouvoir impulser des politiques industrielles nationales.


Bref, un très bon livre.

Post scriptum : Haa-Joon Chang ne parle pas d'Europe. Je me borne à remarquer que presque chacune de ses prescriptions contredit un principe des traités européens. Et je note également que l'UE est probablement la seule structure étatique au monde à avoir constitutionnalisé les règles dénoncées par l'auteur (non intervention publique, supériorité du marché, ouverture des marchés internationaux...)


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