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Jésus-le-libéral !

Publié le 25 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Liés par leur recherche commune de la Liberté des hommes, christianisme et libéralisme peuvent travailler de concert, sans nuire à la laïcité de notre société.
Par Philippe Bouchat, depuis la Belgique.

Jésus-le-libéral !
Je vis en Belgique, dans une société complètement déchristianisée avec de forts accents antireligieux. L’Église catholique romaine – celle qui m’a baptisé – a un gros problème de communication (doux euphémisme). Elle est souvent raillée, moquée, méprisée. Cela est même devenu tendance que de cracher son venin sur l’Église. C’est dans ce contexte hostile que l’Eglise de Belgique a dû affronter le scandale des prêtres pédophiles, ajoutant le discrédit total et la langue rageuse contre le clergé. Être chrétien, catholique de surcroît, est donc nager assurément à contre-courant dans les eaux troubles du rejet, de la moquerie et de l’incompréhension.

Professer sa foi dans le libéralisme n’est guère plus facile. L’écrasante majorité des médias, de la gauche, des syndicats et de ses adversaires entretiennent à escient la confusion entre le libéralisme authentique – la foi en la liberté – et l’ultralibéralisme des requins de la finance débridée et folle qui fait crever les gens en les asservissant !

Aujourd’hui plus que jamais être libéral implique de lutter de toutes ses forces contre cette malhonnêteté intellectuelle répandue. Le libéral est toujours du côté de celui qui émancipe et non de celui qui opprime. Les mots ont pourtant un sens : un ultralibéral n’est pas un libéral ; il est « ultra », au-delà ou plutôt au-dessus du libéral pour mieux l’écraser, l’opprimer, l’asservir. Mais la confusion est savamment entretenue de telle sorte que le libéralisme est devenu un mot grossier et que de s’afficher libéral est considéré comme de la provocation.

Et pourtant ! Oui, je suis libéral ! Oui je suis chrétien ! Que m’importe le prix à payer (cela m’a déjà bien coûté). La liberté, ma liberté est de croire profondément, sincèrement et résolument que le bonheur (le salut) passe par l’émancipation de chaque individu, de moi mais aussi de mes semblables.

Faut-il rappeler que notre civilisation occidentale s’est construite sur la Raison grecque, le Droit romain et la Foi chrétienne. Depuis l’avènement du socialisme dans la seconde partie du XIXème siècle, notre société est frappée par la déconstruction de ce qui l’a fondée : la recherche de la Liberté, qui a engendré le libéralisme, est remplacée par la licence (« je fais ce que je veux ») et l’hédonisme sans limite (« seul ce qui me plaît a de la valeur ») ; le christianisme se réduit quant à lui comme peau de chagrin suite aux coups de butoir incessants de la sécularisation et de l’athéisme matérialiste. Partout, le constructivisme – cet enfermement de la vie – prend le pas sur le désir de Liberté. Pire : les libéraux et les chrétiens sont pointés comme les causes des crises économiques et sociales actuelles : les premiers sont confondus avec les requins sans scrupule que sont les ultra-libéraux qui sont pourtant l’antithèse du libéralisme authentique ; les seconds sont accusés d’obscurantisme et d’en vouloir à la vie des Modernes…

Nonobstant cette fronde moderne, j’ose pourtant, contre vents et marées, faire le pari de l’actualité du libéralisme authentique et du christianisme. Mieux : j’affirme clairement que ces deux courants de pensée sont dignes d’éloges et sont à ce point liés par leur recherche commune de la Liberté des hommes, qu’ils peuvent travailler de concert, sans nuire à la nécessaire laïcité de notre société.

Peut-on être libéral sans être chrétien ? Assurément oui. Peut-on être chrétien sans être libéral ? Oui. Libéral ou chrétien : le « ou » peut clairement être disjonctif (soit l’un, soit l’autre). Mais, libéral et chrétien ? Est-ce antinomique ? Au contraire : n’y a-t-il pas une plus-value à être à la fois libéral et chrétien ?

Cette question est importante : elle se situe bien au-delà de la remarque linguistique. Elle concerne la possibilité (ou non) de vivre la liberté de manière unifiée, sans être écartelé entre le pôle rationnel du libéralisme et le pôle religieux de la foi. Cette question se situe non seulement sur le plan des idées, mais aussi du concret de nos existences. Qu’elle appelle une réponse négative et c’est en effet la voie ouverte à l’intolérance, le planisme de gauche et de droite, la lutte renouvelée des classes, l’abandon de la laïcité bien comprise, le règne sauvage du laisser-aller ; bref, dissocier libéralisme et foi, c’est entrer dans l’univers de la licence et du dogmatisme mortifère. Voilà pourquoi je préfèrerai toujours Jésus-le-libéral à Karl Marx !


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