Magazine Politique
C'est un résultat imprévu, un désastre incroyable.
Ils sont capables de tout.
En quelques jours, moins de cinq, quelques ténors de l'UMP ont détruit l'ancien parti majoritaire né voici tout juste 10 ans.
De l'implosion...
Sur le papier, c'était une belle idée, une révélation tardive mais démocratique. L'UMP allait élire son président. La campagne démarre avec la recherche des parrainages nécessaires, il fallait 3% des militants. Les seconds couteaux sont vite éliminés. L'affaire devenait un piège à cons. D'improbables sondages d'improbables panels nous promettent la victoire haut la main de François Fillon.
Cet été, le feuilleton s'emballe. Fillon devenait l'impétrant fluctuant. Son positionnement se brouille. Il était gaulliste social mais s'adjoint Eric Ciotti. Copé, qui cultive pourtant ses insupportables postures extrême-droitières, attire à lui des centristes comme Raffarin. Fillon se casse une jambe chez un milliardaire italien, Copé sillonne la France des militants et fait oublier ses baignades dans la piscine de l'intriguant Ziad Takieddine. En octobre, la campagne se durcit, on ne se toise plus, on s'insulte. Quelques mots irréparables sortent des uns ou des autres.
Copé copie la dernière campagne de Sarkozy, et brutalise l'UMP vers sa droite. La démarche fait des ravages. Comme Sarko contre Hollande, Copé traite bien vite Fillon de menteur. A-t-il compris qu'il ne devait pas labourer l'UMP comme la France ? Un sondage nous apprend que près de 60% des militants UMP se voient proches de l'UDI centriste.
L'hebdomadaire Marianne, avec justesse, le qualifie durement ce samedi 24 novembre: Copé, l'autre voyou de la République. L'homme est prêt à tout, sans nul doute. Au soir du vote, dimanche soir, nul n'est gagnant. Il faut attendre la nuit. Au petit matin, Copé s'auto-proclame vainqueur sans attendre la confirmation par l'improbable Commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales,
dite COCOE. Les Fillonistes enragent, mais leur mentor concède la défaite dans la nuit.
Mercredi, coup de théâtre: la COCOE reconnait l'oubli de 3 départements d'Outre-Mer qui font pencher la (maigre) balance des suffrages en faveur l'ex-éternel second François Fillon. Copé enrage et récuse ce retour en arrière.
Psychodrame dans les rangs. Mais où vont-ils s'arrêter ?
... à l'explosion
Sur le Web et ailleurs, c'est la curée, la franche rigolade. D'autant plus que les responsables UMPistes des deux camps ne se parlent que par médias interposés. On s'accuse de fraude. Jeudi, on sort Juppé de son silence. Démarche volontaire ou suscitée ? L'ancien président de l'UMP propose sa médiation avec un comité ad hoc qui se donne 15 jours pour recompter tous les bulletins. Mais Copé couine, car la commissionne serait pas celle qu'il a désigné quand il était le patron du parti. Il se réfugie derrière les statuts.
Vendredi, Juppé s'énerve. Il devient sympathique. On est triste pour lui. Même froid, de droite, agaçant et glaçant, l'homme a des principes et une certaine tenue. On imagine sa souffrance intérieure. « Ce qui est en cause aujourd'hui, ce n'est pas la présidence de l'UMP mais l'existence de l'UMP » explique-t-il. Il a raison.
L'an dernier, Copé, Fillon et quelques autres s'indignaient du temps médiatique consacré aux primaires socialistes. Ils ont fait très fort pour rattraper leur retard. Le spectacle est à la hauteur et désolant. Olivier Mazerolle, un journaliste de BFM frôle le burn-out, devant ce grand n'importe quoi. L'évènement est quasiment incroyable sous la Vème République. Ces combats occupent davantage l'actualité médiatique que les bombardements sur Gaza, un attentat meurtrier en Israël, des émeutes en Egypte. Mardi, la France perd son Triple A chez Moody's. Mais tout le monde s'en fiche, même les marchés. Pire, l'agence met en avant le terrible bilan de la décennie UMP passée. Au Sénat, le Front de gauche continuent de voter avec l'UMP et les centristes pour mieux rejeter un à un les projets de loi. Vendredi, c'est la taxation supplémentaire des plus-values qui est ainsi censurée par cette alliance improbable.
Pierre Méhaignerie annonce son départ pour l'UDI. François Baroin réfléchit à constituer un groupe autonome à l'Assemblée, avec une cinquantaine de députés. Pour l'UMP, ce serait la faillite... A raison de 40.000 euros par député, voici quelque 2 millions d'euros de financement annuel qui lui échapperaient. Après la migration des centristes, ce serait le coup fatal, l'implosion qui devient explosion et précipite la faillite: car l'UMP est endettée à 75 millions d'euros.
Décidément, l'héritage Sarkozy n'épargne personne.
Sarko chez le juge
La semaine est grandiose. Nicolas Sarkozy passe une douzaine d'heures dans le bureau d'un juge bordelais. L'ancien monarque semble fatigué, à en croire les premières révélations sur cette audition curieusement publiées simultanément dans plusieurs journaux. « Les Bettencourt ne m'ont pas donné un sou ». A lui, non, mais à ses activités politiques ? On retrouve aussi notre Sarkozy si mauvais joueur prompt à balancer les autres quand on l'accuse: « À l'époque, on disait que les intimes des Bettencourt étaient les Mitterrand et leur entourage ». Ou encore « Je suis celui qui est allé le moins souvent lui rendre visite parmi les personnalités politiques citées par le personnel de maison de M. et Mme Bettencourt, à savoir Michel Sapin, les Bérégovoy, Hubert Védrine, les Chirac ». Quel homme d'Etat ! Il a enfin des formules curieuses, comme celle-ci- « Si vous consultez mes agendas, vous verrez qu'en quinze ans je n'ai souvenir que d'un dîner chez les Bettencourt. » Faut-il comprendre qu'il consigne ses souvenirs dans ses agendas depuis 1997 ?
A sa sortie, les éléments de langage sont calés: (1) Il n'est pas mis en examen parce que le dossier est vide; (2) des journalistes et antisarkozystes primaires ont colporté une grossière erreur sur l'agenda de Sarkozy en confondant Betancourt (Ingrid) avec Bettencourt (Liliane). Roooo.... Qu'elle est belle et grosse, la ficelle ! Cette anecdote d'orthographe est loin d'être le coeur de l'accusation et des soupçons. Sarkozy sort comme témoin assisté. La formule est belle. Sarkozy n'a pas besoin d'être assisté pour être témoin. Et le parquet de Bordeaux dément toute confusion des noms confirme: « cette histoire (de confusion Betancourt/Bettencourt) ne figure pas dans le procès-verbal».
L'UMP n'est pas le seul champ dévasté. La démesure frappe partout. Que penser de Pierre Kosciusko-Morizet, le frère de NKM et richissime fondateur de PriceMinister quand il déclare: « A un moment, on a cherché les juifs, maintenant on cherche les riches » ? Un propos repris par Le Monde dans son supplément du 24 novembre. Un propos surprenant franchement ignoble que son auteur a démenti sur Twitter.
Où vont-ils s'arrêter ?
La démesure est partout
La semaine est instructive: certains critiques applaudissent enfin François Hollande. Le président commence par un couac ... présidentiel - il propose la liberté de conscience aux maires récalcitrants. Oh... pas grand chose, nulle loi, juste un rappel qu'ils peuvent déléguer à d'autres conseillers municipaux s'ils ont des états d'âmes. Hollande dit cela devant des maires, à leur Congrès. C'est le tollé, la rage, l'écoeurement, l'avalanche de tweets en tous genres. Le président entend, reçoit et confirme à des représentants de la cause du mariage gay qu'il ne voulait aucun mal ni malentendu. On loue le retrait, on applaudit la clairvoyance.
Hollande est capable de dialogue.
Voici qu'il faut répéter: Hollande est capable de dialogue. Il ne gouverne pas à coups de menton. Chez les Sarko-fans, orphelins de ces appels à la croisade donquichotesques toutes les paires d'heures, on traite encore Hollande de mou. Chez quelques opposants de gauche, l'expression gauche molle fait encore florès. Quel sens de l'échange ! On peut critiquer l'actuel président sans recourir à ces caricatures.
Ce dialogue, certains l'attendent à Notre-Dame-des-Landes. Mais on ne sait plus de qui il doit venir. Le lieu, futur terrain du nouvel aéroport de Nantes, est occupé par des « activistes ». L'expulsion, déclenchée vendredi, n'est pas pacifique, loin de là. Blessés de part et d'autre... Les CRS sont aussi casqués et armés sous Valls que sous Guéant. Où est le médiateur ? Qui sont ces activistes ?
Où allons-nous arrêter? Chroniques de Juan UMProbable UMPasse