La protestation légitime des commerçants, artisans et chefs d'entreprises porte ses fruits. Le gouvernement vient d'annoncer, par la voix de Najat Valaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, que la LFR (loi de finance rectificative) soumise au vote du parlement en décembre prochain permettra aux agglomérations, notamment, de revenir sur les bases de la contribution foncière économique de façon à éviter la surtaxation enregistrée en 2012.
Si le gouvernement a pris conscience du mécontentement des professionnels, le président de la CASE lui aussi a tenu à mettre les points sur les i. Dans une lettre adressée aux personnes fiscalisées au titre de la CFE, Franck Martin rappelle comment la CASE a été conduite à voter les bases de la CFE, dans la précipitation et sans simulations valables. « Nous avons dû voter, écrit-il, à l'aveuglette, une mesure illisible. » Illisible, pas pour tout le monde, puisque les services fiscaux ont adressé leur note aux contribuables tout en reconnaissant que le montant demandé était parfois deux, trois voire quatre fois plus important que le montant de l'ancienne taxe professionnelle !
Je diverge sur un point avec Franck Martin. Le vote des bases devait intervenir avant le 30 septembre 2011 et la réunion des délégués de la CASE a eu lieu le 22 septembre, soit une semaine avant la date limite. Le président de la CASE écrit : « La réponse des services fiscaux est arrivée le 22 septembre quelques heures avant l'assemblée plénière bien trop tard pour que les élus puissent modifier la position élaborée collectivement bien avant cette date. » Franck Martin reconnaît donc que le 22 septembre, il a eu en mains les éléments objectifs avant le vote du soir. Certes, il est toujours pénible de remettre en cause une position collective mais le jeu n'en valait-il pas la chandelle ? Dans sa lettre, le maire de Louviers, ou le président de la CASE — on ne sait pas trop bien qui écrit — reconnaît que « le risque de dérapage était grand…nous nous étions unanimement engagés à corriger le tir au cas où les feuilles d'imposition révélaient (NDLR : je ne suis pas certain de la concordance des temps) une erreur d'appréciation. » C'est exactement ce qui s'est produit et c'est aussi cela que 25 délégués ont exprimé en votant contre les bases proposées.
Un correspondant, Philippe Kuntz, m'écrit :
« Je partage tout à fait la critique du caractère illisible, inefficace et injuste de cette réforme... et c'est encore plus vrai pour les entreprises du Grand Évreux Agglomération pour lesquelles les bases minimum sont respectivement de 2000 et de 6000 !
La réforme de la TPE échappe encore moins que d'autres à la brutalité des réformes « Sarkozy »... taillées à la hache et affinées à l'emporte-pièce !
Deux aberrations fiscales sont caractéristiques des injustices liées à la nouvelle CFE :
1 – l'instauration d'une base minimum en matière de taxe foncière a pour conséquence obligatoire une discrimination à l'encontre des petites structures. Et pour une TPE installée en commune rurale - 10 m2 de bureaux, 100 000 € de CA - la base minimum de 6000 peut représenter... jusqu'à 40 fois la base foncière réelle !
2 – le maintien de critères d'exonération liés à la nature de l'activité alors que l'on a adopté une logique fiscale basée sur le foncier conduit à des effets d'aubaine qui se reportent le plus durement... sur les petites structures surimposées !
La meilleure façon de trouver sérénité et justice fiscale au regard de la situation des petites structures (commerçants, artisans et TPE) en matière de CFE serait de pondérer la base foncière réelle en fonction de la fréquentation du lieu par ses clients et fournisseurs, sans introduire de base minimum et en supprimant toute exonération de droit : on éviterait ainsi que les activités intensives (beaucoup d'activité sur peu de foncier) soient sous taxées et que les activités extensives (peu d'activité sur beaucoup de foncier) soient surtaxées.
C'est certainement plus compliqué que de surtaxer les uns et d'exonérer les autres, mais cela relève d'une logique qui donne toute satisfaction en matière de foncier agricole : au regard de beaucoup de critères sociaux et fiscaux, un hectare de grande culture n'a pas le même poids qu'un hectare de maraîchage ou qu'un hectare de verger ! »