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Moritura

Par Vertuchou

Dans la terre torride une plante exotique,
Penchante, résignée : éclos hors de saison,
Deux boutons fléchissaient, l'air grave et mystique ; 
La sève n'était plus pour elle qu'un poison.
Et je sentais pourtant de la fleur accablée
S'évaporer l'effluve âcre d'un parfum lourd,
Mes artères battaient, ma poitrine troublée
Haletait, mon regard se voilait, j'étais sourd.
Dans la chambre, autre fleur, une femme très pâle,
Les mains lasses, la tête appuyée aux coussins.
Elle s'abandonnait ; un insensible râle
Soulevait tristement la langueur  de ses seins.
Mais ses cheveux tombant en innombrables boucles
Ondulaient sinueux comme un large flot noir
Et ses grands yeux brillaient  du feu des escarboucles
Comme un double fanal dans la brume du soir.
Les cheveux m'envoyaient des odeurs énervantes ,
Pareilles à l'éther qu'aspire un patient,
Je perdais peu à peu de mes forces vivantes
Et les yeux transperçaient mon cœur inconscient.


Rémy de Gourmont


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