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Pourquoi vivre avec un ronfleur, c'est pas trop le bonheur au pays des arcs-en-ciel ?

Par Jeuneanecdotique
28 novembre 2012

Quand je suis bonne à rien avant 10h du matin
When I can’t do any good thing before 10 in the morning

Quand j'ai pas dormi de la nuit

S'il y a bien une souffrance quotidienne qui est très gravement sous-estimée en ce monde, c'est bien celle de vivre avec un ronfleur. Certes, finalement, dit comme ça, c'est clair qu'on a envie de dire : « oui, et alors, il faut beau aujourd'hui, ça rattrape le coup non ? ». C'est sûr que des choses plus graves et désagréables existent, et loin de moi l'idée de le nier. Mais, je le dis : vivre avec un ronfleur peut devenir une véritable source de souffrance, qu'elle soit physique ou morale. C'est un fait, et non une invention que j'ai cueillie dans un coin reculé de mon cerveau.
Lorsque, l'année dernière, on me demandait pourquoi je n'allais pas bien, pourquoi j'étais hargneuse, pourquoi je me vautrais dans des « je suis fatiguéeeee mais heuuu » alors que j'étais censée être jeune et fraîche, il m'arrivait d'être sincère et de répondre que c'est parce que mon père ronflait et que je ne dormais pas la nuit. Souvent, on se moquait de moi, on me regardait avec un peu de pitié, comme si je me plaignais de rouler en Porche, et on me disait des trucs bateaux comme « bah, les boules-kiès, ça existe ».
Alors, premièrement. Les ronflements, c'est une souffrance qui me vient de loin. Déjà quand j'étais petite, je craignais l'arrivée des vacances. Pourquoi ? Parce que vacances rimait avec « je pars avec maman en Normandie », et ceci-même rimait avec « je vais devoir dormir dans la même pièce que ma maman », qui rimait également avec « Adieu, nuit de sommeil, je t'aimais bien ».
Que ce soit ma mère ou mon père, ce sont tous deux de gros ronfleurs, mais j'ai de la chance dans mon malheur, parce que mes parents ne supportant pas les ronflements l'un de l'autre, ma mère dort dans le canapé en bas. Oui, eux ont le droit de ne pas supporter, par contre, moi, si j'en parle, je suis juste un peu chipoteuse. Le syndrome du « tant que ça arrive aux autres, ce n'est pas si grave ».
Bref, les nuits blanches, quand j'étais petite, je connaissais déjà. J'avais hâte que les vacances se terminent et que je puisse retourner à l'école, limite. C'est dire. J'ai vite appris lors de mes vacances à bouger mon petit boule pour changer de lit, pour aller me démolir le dos dans le canapé de mes grands-parents et être réveillée le matin à 6 heures par des bruits de casseroles qui tintent et « Radio Normandie » à fond les manettes. Mais c'était toujours mieux que les ronflements.
Parce que les ronflements et moi, c'est une histoire qui ne s'invente pas. Certains ne supportent pas le bruit des chewing-gum qu'on mâche comme des bœufs (ma mère), d'autres le bruit trop violent que l'on fait en appuyant sur les interrupteurs (mon père), les bruits de chiens qui aboient (mon copain), le bruit des escaliers la nuit (ma belle-mère), ou alors le bruit des groupes de jeunes qui rigolent comme des hyènes sous votre fenêtre à deux heures du matin (tout le monde). Moi, je ne supporte pas les ronflements. C'est le bruit qui me file des tics nerveux. Parfois, je me reconnais pas. Ce n'est pas juste énervant ; entendre ce bruit est une douleur, inexplicable, mais réelle. A chaque ronflement, je me crispe, je me mords les lèvres, j'ai envie de pleurer, d'exploser, et ceci multiplié par les 2000 ronflements/nuit, ça vous donne, au réveil, une nana d'une humeur de bouledogue qui vous tranche la tête si vous lui dites bonjour un peu de travers.
Et puis, la fameuse excuse des boules-kiès : oui, je sais que ça existe. Oui, j'en mets. Mais les boules-kiès atténuent le bruit, mais ne l'enlèvent pas. Pour ceux qui aimeraient chipoter : oui, je les mets correctement, je les enfonce tellement loin que j'ai maintenant, quotidiennement, de petites douleurs dans les oreilles. Mais je l'entends quand même. Parfois, j'ai l'impression qu'il est dans le lit, avec moi.
Je ne dis pas que ce sont de leur faute. C'est peut-être une des choses que l'on contrôle le moins, ce que l'on fait dans notre sommeil. Notre corps prend le dessus et notre esprit, celui qui nous permet de prendre des décisions, de savoir ce qu'il faut faire ou non, est complètement amorphe. On n'y peut rien.
Ce qui me perturbe, ce sont les réactions des gens quand on en parle. A les entendre, ce n'est rien de grave. A les entendre, c'est comme arrêter de fumer, il ne tient qu'à nous de supporter sereinement ce bruit. Question de volonté, voyons. A les entendre, on est cons et méchants. Non.
Ce que j'aimerais, c'est un petit effort. Mon père, depuis deux ans que je manque de sommeil, n'a même pas essayé de prendre des médicaments contre ça, d'en parler à un médecin ou à un pharmacien. Comme si mon sommeil à moi était optionnel tant qu'il garde très soigneusement le sien.
Je vais peut-être apprendre quelque chose aux gens qui pensent que cette histoire de nuits blanches ne sont que des jérémiades de gamine : sans sommeil, on meurt. Au début, on est juste fatigué. Oui, au début, je ressentais juste de la fatigue, et la fatigue est une sensation à laquelle nous sommes tous plus ou ou moins habitués. Mais ça, ce n'était qu'au début. (Mon père s'est mis à beaucoup ronfler du jour au lendemain, pour info. Et depuis, ça ne s'est jamais arrêté.) Au bout d'une semaine, en plus d'être fatigué, on a vaguement envie de sauter au cou des gens qui nous adressent la parole. On est sur les nerfs, on en veut à la terre entière, on insulte même notre mur et nos posters et on se prend le chou pour des détails. Et quand ça commence à se compter en mois, je vous le dis, c'est invivable. Ce n'est que du sommeil, mais sans sommeil, personne ne peut survivre, rester souriant, rester vivant, rester efficace. Je me suis mise à piquer des crises, à devenir incontrôlable la nuit, à hurler, à cogner les murs. Lorsque je l'avais mentionné dans un autre article, on me reprochait presque mes réactions. Comme si j'étais méchante et égoïste. Non, pas exactement. Je n'étais ni méchante, ni égoïste. J'étais quelqu'un qui passait mes nuits à stresser, à guetter les ronflements, à me tordre sur moi-même chaque fois que j'en entendais un, à tout faire sauf dormir, et le matin, à 6h, je m'extirpais quand même de mon lit pour aller prendre les transports et suivre mes cours à la FAC. Ça ne fait pas de moi quelqu'un d'égoïste. Ça fait de moi quelqu'un de fatigué, d'à bout de nerfs.
J'ai testé plusieurs marques de bouchons à oreilles. Certains qui, à part me démanger, n'atténuaient rien du tout. Certains que je n'arrivais pas à mettre correctement. J'ai trouvé de bons boules-kiès, récemment, qui ont réparé mes nuits. Parfois, mon père ronfle toujours plus fort que les capacités de mes boules-kiès, mais ce n'est plus toutes les nuits. J'ai retrouvé un sommeil à peu près normal, même si je garde un souvenir très douloureux de cette longue période sans repos, jonchée de stress et de ras-le-bol. Et, même si c'est exagéré, ça m'est arrivé de vouloir me tuer. Certaines nuits, j'avais l'impression que c'était la nuit blanche de trop, j'aurais donné tout ce que j'avais (même ma palette Naked, quand même...) pour pouvoir dormir calmement juste quelques minutes, j'en avais marre d'être encore là, avec nulle part où aller, à subir ces bruits qui me rendaient dingue.
C'est quand même fatiguant, de manquer de sommeil... Oh, punaise, mais elle est pas un peu con, cette phrase ? C'est pourtant logique, non ? Ce n'est pas l'évidence même ? Pas pour tout le monde, aux vues des réactions moqueuses et parfois mêmes agressives que j'ai reçu.
C'est un gros article pour pas grand-chose. Je ne pointe pas du doigt les ronfleurs. J'ai juste la malchance de vivre avec des ronfleurs qui minimisent l'état dans lequel un humain se trouve au bout de plusieurs mois de nuits sans vrai sommeil. Certainement que si on ne l'a pas vécu, on verra toujours ce problème comme un faux problème sans gravité. C'est évident que ce n'est pas le pire problème d'une vie : mais ç'en est un, quand même.
Et le bonus qui fait plaisir : à force de dormir avec des boules-kiès, je ne supporte plus aucun bruit. Ne t'avise pas d'éternuer ou de taper sur ton clavier à côté de moi si j'essaie de dormir. Et monsieur le Vent sera également prié de se taire quand je suis au lit. Et les voisins qui tapent au marteau à 9h du mat', je leur envoie des pizzas à la mort-au-rat. Et l'aspirateur à feuilles mortes qu'on entend tous les jours dehors en automne, je lui lance une bombe. Et mon copain qui grince des dents la nuit... bah, il a de la chance que je l'aime.

Je suis vouée à la dépendance du silence et à la violence. C'est dur, quand même...


Avez-vous déjà vécu ça ?
Si oui, je vous envoie pleins de bonnes ondes solidaires.
Si non, je vous souhaite que ça ne vous arrive pas de sitôt !


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