J'avais un appareil comme ça, avant..., un reflex Canon avec tout un tas d'objectifs, et que je trimballais partout pour faire des photos...parfaites. Des photos avec le cadre, le timing, l'idée, l'originalité, la vision du monde. J'ai pris des risques même parfois, à mon échelle bien sûr. La sophistication de l'outil engendrait la transgression au nom de l'art, du reportage, du "sur le vif".
Maintenant, avec le numérique pléthorique, on accumule et on regarde après si, par la loi statistique du nombre, on a un cliché qui dénote. Et, forcément, on en trouve. Mais cette démarche est par défaut, c'est un pis aller. Pas une photo. Un résidu de hasards. On est, du coup, forcément artiste. Et c'est une des rengaines de l'art contemporain de voir du spectaculaire partout, de voir en chacun un créateur de mondes. C'est vrai, c'est faux, c'est un choix. L'art, c'est de l'enfance plus de la technique au fond...
J'avais un reflex. Je ne sortais pas sans lui. On me l'a volé. Depuis, j'erre dans les marais fangeux d'Instagram avec mon iPhone à prendre des clichés de mon assiette de sushis ou de mon chat qui s'étire. Ce ne sont plus des photos léchées, risquées. Ce n'est plus une posture de voyeur arty à la recherche de focales excentriques, de cadrages inédits, de couleurs médusantes car l'objet appareil photo créait la passion. C'est un happage désabusé de psychanalyste du paysage, de passant snob qui a déjà tout vu. D'objectif (photo), je suis ainsi passé à subjectif.