François Hollande n'a pas l'air d'apprécier le mariage gay, confia en substance le directeur de la rédaction de l'excellent Têtu aux caméras de France2. Nous étions la semaine dernière et cette déclaration navrée était terrifiante de vérité sur l'immaturité de notre système politique. Il fallait donc que notre président aime la politique qu'il conduit.
Il fallait qu'il soit fan de chaque mesure.
Cette réaction est naturelle et infantile, terriblement infantile comme notre système politique aime à nous placer.
Pourrait-on enfin enterrer de Gaulle ?
La personnalisation du pouvoir a atteint un relatif paroxisme avec Nicolas Sarkozy. On a failli comparer l'ancien monarque avec François Mitterrand que l'on surnommait le Sphinx. Mais c'était bien injuste. Malgré ses excès, Mitterrand avait une classe et un charisme qu'on a peiné à trouver chez Sarkozy.
Le premier avait sacralisé sa fonction à la hauteur de son adversaire originel, le général de Gaulle. Nicolas Sarkozy l'avait prise comme une émission de télé-réalité, un show permanent dont il était le héros.
Un Bling Bling ressemblait finalement à un bruit de casserole.
Ambitions démesurées
Depuis 15 jours enfin, l'ancien parti monarchiste donne un spectacle inédit sous la Vème République. Un désastre d'amusement qui ne réjouit personne tant il atteint nos fondements démocratiques. L'UMP s'est organisé des primaires désastreuses sans parvenir à départager deux rivaux, tous deux autoproclamés fidèles sarkozystes.
L'ancien monarque, d'ailleurs, n'y est pas pour rien. Nicolas Sarkozy s'est agité tout l'été en coulisses pour affaiblir François Fillon. Le gars avait écrit son scenario au soir de la défaite du 6 mai: annoncer un faux retrait, rester présent dans les mémoires, déstabiliser les éventuels prétendants pour 2017. Un jeu de dupes qui lui a pété dans les mains. Copé et Fillon au coude à coude, ce n'était plus une primaire mais un duel de western.
Les ambitions exacerbées pour la présidence d'une machine présidentielle, voilà le spectacle !
Qui signera l'acte de décès de notre monarchie républicaine ?
Le PS est historiquement mal parti. Trop d'envies, trop d'égos. Même Arnaud Montebourg a laissé de côté ses ambitions de redressement institutionnel. Pendant cinq années, l'opposition s'est déchirée entre autant de camps qu'il y avait d'egos. D'improbables second couteaux de tous bords s'imaginent régulièrement un destin présidentiel. Tous sont obnubilés par cette lubie monarchique, l'élection présidentiel au suffrage direct. La France se choisit son roi, et chacun pense qu'il peut en être.Quand l'un d'entre eux s'imagine normal, heureux champion d'un parti déboussolé par la disqualification cuissarde de son ancien mentor du FMI, voici que le régime tout entier lui tombe dessus en moqueries diverses. Dont acte. La Fraaaaannce voudrait son Super Dupont avec le charisme de Saint Louis.
Le système présidentiel, pourtant, semble s'enrayer.
Monarque hors-la-loi
Depuis quelques décennies, le statut « hors la loi » du Président empoisonne la vie politique depuis des décennies et la découverte régulière de scandales et d'affaires. François Mitterrand nous avait servi les Irlandais de Vincennes, les écoutes de l'Elysée, les fausses factures Urba et quelques autres affaires, avant de tenter sur le tard de faire un ménage relatif.
Jacques Chirac avait continué ses frais de bouche, réceptions, notes de frais et emplois fictifs. Vingt ans pour en venir à bout, ou presque. Le gars est devenu amnésique.
Avec Nicolas Sarkozy, l'affaire était d'Etat - attentat, milliardaire, sondages clandestins et contrats d'armements. En cinq années, nous eûmes Bettencourt, Karachi, Buisson, et la Libye. Fichtre... l'homme nous resserra la contrainte en élargissant le secret défense à des flopées de bâtiments et même son staff élyséen...
Politique immature ?
Prenez l'exemple de Florange. Nicolas Sarkozy avait promis une fois, deux fois, trois fois, que le site était/serait sauvé. En pleine campagne, il avait sorti un improbable jocker, 17 millions d'euros dépensés qui ne le furent jamais. L'acier est en crise et Mittal, l'actionnaire qui a repris la chose voici 6 ans est un prédateur.
Vendredi soir, Jean-Marc Ayrault était soulagé d'annoncer que le site ne serait pas fermé, quelques heures avant la fin d'un ultimatum décidé par le sidérurgiste. Il n'y aurait pas de plan social. Son ministre Montebourg avait fait le déplacement, contrairement aux Sarkoboys qui n'osaient plus s'y pointer depuis des lustres.
Mais le cas de Florange est exemplaire d'une attente incroyable déportée sur une seule personne. Hier Sarkozy, aujourd'hui Hollande. Pourtant, nombre de syndicalistes locaux, y compris Edouard Martin, l'icône CFDT et chaleureuse des salariés du site, le savent bien. La politique est une affaire de rapports de force, de collectifs et de pression. Mais toute la semaine, ils réclamaient tous une nationalisation présidentielle, pétition en ligne etc.
Rien d'autre. Rien ne sert de couiner.
Roi inefficace
Cette obsession française pour le Monarque n'est même plus efficace. L'élection directe ne garantit rien. Sitôt élus, sitôt cramés. Les monarques, qu'ils soient normaux ou omniprésents, calmes ou agités, sont immédiatement disqualifiés dans les sondages par l'impatience populaire. On attend Noël, le miracle et la bénédiction de chaque impétrant pour sauver le monde ou à défaut la France.
L'intensité du vote (2002, 2007, 2012) est à la hauteur de la déception. Le vrai défi d'un président qui voudrait être normal est de nous desintoxiquer de la chose.
Nous sommes en 2012. Les deux tiers du pays peuvent consulter Internet. Twitter a 7 millions d'enregistrés en métropole. L'information va vite, elle est transparente, elle est fausse ou vraie, sa circulation explose les discours, ruine les incantations. Face aux réseaux, il faudrait du réseau, c'est-à-dire de l'échange, du débat, du collectif.
La France (prononcez Fraaaaaaaannnnce !) est restée dans cette délicieuse tranche de Trente Glorieuses quand il y avait un ministre de l'Information et la croyance populaire que progrès et pétrole étaient sans limite.
Mais ça, c'était avant.