Magazine Journal intime

L’Arôbe

Par Emia

Arôme: Principe odorant

Robe: Vêtement que portent les femmes

Erato aurait voulu voler l’Arôbe mauve. Elle pénètre en feulant dans la caverne étoffée, parfumée et bruissante de fantasmagories ramenées à l’ordre sur des cintres qui tournent et tanguent sur son passage intempestif. Elle plonge un bras dans l’étendage et en retire l’Arôbe animale, fourrée du mystère qu’est un corps  se désirant dedans. Elle ramène à sa bouche la mauve et poilue création, tend son chiffon passé à la vendeuse, puis entre dans l’Arôbe par le haut comme une muse chaussant un palais (les muses sont géantes et leurs chaussures des châteaux).

Ainsi mise, l’Arôbe lui parle vivement. Toute une existence ! Mauve de prunelle tiède, picotant les aisselles et gobant les seins, striant la taille, filant et chauffant une jambe puis réchauffant l’autre par plaquages intimistes, vaguelettes simultanées et ineffables. La vendeuse, qui porte un twin-set cache-miteux, pousse un cri admiratif. Toute transie de reconnaissance, Erato s’écrie aussi. Terrain d’atterrissage pour émerveillements, la moquette ronfle à rebrousse-poil. Dans un coin, un demoiseau fripé renâcle puis ose: Quelle belle entrée en matière ! La vendeuse, vendeuse, frémit vertement comme le reflet d’un bouleau dans l’eau, et renchérit : Quel tissu ! Coupe géniale du Grand-Créateur. Grande lignée d’ondulations hyper-féminines, rhétorique originelle. Exécution politique lors du port de l’Arôbe dans les rues de la cité. Sinon monts et vaux, cols ou sentiers replets : pays sage. Le demoiseau retouche: Mmmhhoouuiii… c’est comme du beurre ! Et quelle croupe ! Erato, aux prises (agréablement préfixées de latences) avec l’Arôbe, écoute d’une oreille auguste. Beurre de nervures dore-stuckées et othelliennes! Verdies ! Violentacées ! Ça grabouille dans les ourlets. Ça remoule les bourrelets, une fois enfilé et lacé. C’est la confiture des manches et le jardinage préraphaélite des boutonnières. Ça crêpe les côtes. Rigole en Argentine. Pleure au Nevada Palace. Ça tisse des liens raffinés en sucre blanc avec l’en deçà virginal. Ça fabrique un paradis à la mesure de ces dames. Ça coud l’amour comme ça s’achète. Ça se met, aussi. Et aussi, ça sied. C’est pas si mal: c’est la robe des gagneuses, l’Arôbe.

-   Madame prendra, profitera ?

… et débourse.

C’est la fugue des déguisements : Erato quitte la boutique après avoir baisé la vendeuse sur le front. Dans le sachet qu’elle tarabiscote du bout des doigts gît le chiffon d’antan. Tout en marchant Erato fait s’arabesquer le tombeau plastique et sifflote l’air des consommatrices: l’Arôbe (air connu).

Erato joue à la fifille (les orteils recroquevillés dans la chaussure coquine gauche, droite, gauche). Ses fesses pètent de retenue dans le moulant-dansant et ses bras contrebalancent la cueillette des regards : Erato fait aimer l’amour en marchant. Les femmes, les jeunes filles, les petite filles, les maîtresses, les prêtresses, les ogresses, les cheffes, les mégères, les mariées, les modèles, les immodérées, les constipées, les vendues, les péripatéticiennes, les aristotéliciennes, toutes l’envient et la dé-désirent : niées par l’erratique apparition, minées. Mémorroïde perplexiglasse, je te prie ! De sa beauté passante, Erato efface tous les maux. Oh Arôbe, muse !


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