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400 euros par mois? C’est mieux que d’être payé à ne rien faire!

Publié le 05 décembre 2012 par Eldon

© Inconnu

Déclaration honteuse d’une intervenante lundi soir à l’émission « Mots-croisés » sur France 2 consacrée à l’industrialisation de la France, à placer dans le top dix des déclarations les plus stupides entendues à la télé, entre celles de deux décérébrés d’une émission de télé-réalité.

Agnès Verdier-Molinié Directrice de l’IFRAP,  institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques a eu les propos suivants en réponse à la déclaration de Bernard Hamon qui dénonçait le modèle allemand et ses mini-jobs à 400 euros par mois : » Vous préférez le RSA. Vous préférez que les gens soient payés à rester chez eux sans travailler » (émission Mots- croisés, 40 min 15 s).

C’est bien la peine d’avoir un bac +18 pour sortir une tirade digne des « Brèves de comptoir » de Jean-Marie Gourio.

Selon Mme Verdier-Molinié donc, ce qu’une entreprise doit verser à son employé ne doit pas être une juste rémunération de son travail et de sa compétence qui lui permette de vivre mais  un simple dédommagement, seul compte le taux de rentabilité de l’entreprise selon la formule magique: ventes= coûts de fabrication bas= salaires bas= salaires des cadres et des dirigeants et dividendes élevés. La question n’est pas de savoir comment une entreprise peut être rentable ou le cas échéant redynamisée mais juste de faire en sorte que sa compétitivité soit assurée par le sacrifice de la majorité de ses employés. L’entreprise est une entité dont ne fait pas partie l’employé, goumier de base de service.

Mme Verdier-Molinié ne fait que réinventer, le servage ou  l’esclavage: « Vous contribuerez à l’enrichissement de l’entreprise, vous serez payé une misère, l’essentiel est que l’entreprise aille bien, c’est à dire ses dirigeants et ses actionnaires ».

Mme Verdier-Molinié s’applique -t-elle ses propres préceptes? Certainement pas. Elle bénéficie sûrement d’un salaire confortable, sans doute excessif par rapport au travail rendu, les think tanks n’étant que des « bars des amis « , financés par des dons privés, c’est à dire par des entreprises qui préfèrent consacrer une partie de leur chiffre d’affaire à la parlotte et à l’échange d’idées partagées plutôt qu’au projet commun et sociétal inhérent à toute entreprise.

Mme  Verdier-Molinié voit-elle le montant de son salaire concurrencé déloyalement par des thinkstankeurs de l’est? Se voit-elle offrir un salaire de 400 euros par mois,   »c’est mieux que de rester à la maison à ne rien faire »?  Certainement pas.

Réclamera-t-elle les aides sociales pour élever et éduquer ses enfants? Souhaitera -t-elle que la communauté française la soutienne financièrement dans l’hypothèse où elle ou un proche traversent une période difficile socialement ou des problèmes de santé? Oui, soyez-en sûr.

Est-elle choquée de l’explosion des dividendes et de la rémunération des dirigeants? Est-elle outrée par les propos de Mme Parisot qui réclame encore 20 milliards d’allègement fiscal des entreprises sans l’existence de   »critères de conditionnalité »? Non, pensez-vous.

Les propos de Mme Verdier-Molinié sont dans l’air du temps. Le temps des vautours, des lâches qui frappent ceux qui sont à terre, des petits qui n’ont pas suffisamment de talent pour se hisser sans écraser les autres, du chantage immonde à l’emploi par des prétendus entrepreneurs mais de réels financiers.

ACRIMED  rapporte cette campagne de désinformation et de pression sur les salaires dont font état la presse aux ordres qui dans ses « une » racoleuses veut faire culpabiliser les salariés qui osent réclamer un salaire décent: « Les retraités sont ils des privilégiés? », « Faut-il en finir avec les 35 heures? », « Ils veulent travailler le dimanche », « Compétitivité: faudra-t-il revoir nos salaires à la baisse? », … Bref les salariés sont des petits cons qui préfèrent sacrifier l’entreprise que se sacrifier eux-mêmes, comme si les deux n’étaient pas étroitement liés.

Mme Verdier-Molinié fait cependant état d’une recette éculée et stupide.

Au-delà de l’aspect moral et humain dont Mme Verdier-Molinié ne se soucie pas, et en s’en tenant à des arguments purement économiques, nouvelle doctrine de la relation humaine, baisser les salaires c’est directement baisser la consommation et forcément la demande interne et par voie de conséquence fragiliser les PME, dont elle en a cure de toutes manières car ce qui compte ce sont les grands groupes qui lui rapportent l’argent qu’elle gagne.

Rue 89 s’ est fait l’écho du mirage de la baisse des salaires: selon l’OFCE (Observatoire Français Conjonctures Economiques), « Ce genre de dispositif doit être mis en place en phase de reprise économique, quand des emplois sont vraiment créés. Sinon, le risque, c’est un effet de substitution : au lieu d’embaucher un salarié de 42 ans, vous en prenez un de 21. Pour les contrats jeunes Fillon, plus de 90% des embauches jouaient sur l’effet d’aubaine, selon les travaux de la Dares. »

Par ailleurs   »cela peut entraîner une large déflation » avec retour à la case départ. Et enfin, une telle politique ne vaut que par l’asphyxie ou la non réponse des voisins. Pour L’OFCE toujours, « Le miracle allemand tient au fait que les autres pays européens ont laissé faire. En baissant ses salaires, l’Allemagne a joué le jeu de la concurrence avec ses voisins européens. Le pays a d’ailleurs gagné des parts de marché à l’intérieur de l’Union européenne, pas à l’extérieur. Il a décidé d’étouffer ses voisins et de mener une stratégie à court terme. Si ceux-ci avaient réagi en faisant la même chose, en baissant les salaires, l’Allemagne n’aurait pas aussi bien réussi. »

Pour Christian Chavagneux, d’Alternatives Economiques », « …, ces politiques (de la baisse des salaires, ndrl) aggravent les problèmes de dette publique de ces pays et nourrissent les tensions dans la zone euro. Il ne faut pas chercher plus loin la raison pour laquelle après l’Espagne, l’Italie a annoncé qu’il lui faudrait plus de temps que prévu pour maîtriser son déficit budgétaire. Sans soutien à l’activité, l’Europe ne s’en sortira pas. »

Pour Patrick Artus, libéral, s’il en est, « A court terme, baisser les salaires n’est pas du tout un substitut à la dévaluation nominale en cas de perte de compétitivité, et fait courir un grand risque d’ajustement violent à la baisse de l’activité. »

Mme Verdier-Molinié, comme tant d’autres, s’est trompé d’époque. Ou de lieu. Voire des deux. Au Bangladesh, où les salaires sont parmi les plus bas au Monde, les entreprises oui, se portent bien. Leurs bilans et leurs taux de rentabilité doivent être fantastiques. Et puis une fois que l’entreprise marche bien, on fait quoi? Rien.

La déclaration de déontologie de L’Ifrap,  » Entièrement dédiée à la recherche sur les politiques publiques, la Fondation iFRAP est intégralement financée par la générosité privée ; ceci la rend totalement libre de parole, de ses axes de recherche et de ses propositions de réformes », est à pleurer d’hypocrisie et de platitude. Entre-soi, talents auto-proclamés, prix et récompenses en chocolat, tout est bon pour se gargariser et satisfaire des égos sur-dimensionnés.

Son expertise reconnue « Avec une moyenne de trois passages dans les médias par semaine, la Fondation iFRAP est la plus sollicitée de tous les think tanks par la presse économique, mais aussi par les radios et les télévisions », n’est que le résultat d’un lobbying éhonté, de la mise en action d’un réseau et de carnets d’adresses bien comme il faut et de la pensée unique ultra-libérale qui domine les médias et les économistes à gages.

Mme Verdier-Molinié feint d’ignorer que reconnaissance sociale, justice sociale, juste rémunération,  sont les moteurs essentiels pour qu’une entreprise aille de l’avant. Mme Verdier -Molinié aurait dû conseiller les princes du 19 siècle, le siècle de « la révolution industrielle » enseignée aux enfants du primaire,  mais surtout celui de « l’exploitation industrielle » à laquelle sont encore soumis des milliards de personnes de par le Monde.

Que Mme Verdier-Molinié se rassure. La baisse des salaires voire l’absence de salaire existe déjà. Ça s’appelle « heures supplémentaires non payées », « Inexistance d’echelle d’augmentation des salaires », « Gel des salaires »

Appel à la vanité, au sacrifice, à la contrainte, au chantage: un arsenal disponible en permanence  pour ne pas rémunérer le travail.

Une étude parue en octobre en Allemagne, pays modèle,  relève l’ampleur des heures supplémentaires non payées: 38,1 heures par salarié et par an. La tendance progresse, quand celle des heures supplémentaires payées est à la baisse. C’est ce que Mme Verdier-Molinié appelle la compétitivité des entreprises. (La Tribune)

En France, une étude du cabinet de recrutement Monster, rapporte que  77% des salariés français déclarent ne pas être payés pour leurs heures supplémentaires. En 2010, le ministère de l’emploi a publié  un rapport pour l’année 2009 dans lequel il annonçait déjà  que 14% des heures supplémentaires déclarées par les salariés ne sont pas payées.

Les médecins hospitaliers: 10 ans d’heures supplémentaires à récupérer. Les infirmières: des jours par dizaines, les chauffeurs routiers? des milliards d’euros non versés.

Que Mme Verdier-Moulinié se rassure. Le terme de « travailleur » lui déplaît, celui de « travailleur pauvre » lui conviendrait-elle mieux? Servez-vous Madame.

Un million de personnes exercent un emploi mais disposent, après avoir comptabilisé les prestations sociales (primes pour l’emploi, allocations logement, etc.) ou intégré les revenus de leur conjoint, d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la moitié du revenu médian [1]. Elles sont 1,9 million si l’on prend en compte le seuil à 60 %. Le nombre de travailleurs pauvres a grossi de 104 000 personnes entre 2003 et 2009 au seuil de 50 %, de 132 000 au seuil de 60 % du revenu médian. Il est d’ailleurs possible que ces chiffres aient progressé avec l’accentuation de la crise. (Observatoire des Inégalités)

Le jour même de la déclaration inepte de Mme Verdier-Molinié, L’Express publie un article sur les travailleurs pauvres. Les experts estiment que les travailleurs pauvres sont entre 1,9 et 3,3 millions en France. Le recours au temps partiel, notamment dans les services à la personne ou la restauration, alimente ce phénomène.  »On fait face à une situation récente, sans système d’observation adapté, c’est encore du bricolage« , résume l’économiste Denis Clerc, selon lequel « la pauvreté laborieuse concerne plus de 2 millions de personnes« .Il s’appuie notamment sur le chiffre de l’Insee des « individus pauvres selon leur activité BIT (bureau international du travail)« , évalués à plus de 1,9 million en 2010. Pour Pierre Concialdi, de l’Ires, la vérité s’établit entre 2 et 3,3 millions.

Regardez donc le reportage d’Arte. Il confirme la tendance.

Ah, Mme Verdier-Molinié va déjà mieux. Sans doute qu’elle préférerait que les travailleurs ne soient pas rémunérés voir payent pour travailler. Dans un Monde Ultra-libéral idéal, que le richesses nationales soient détenues à 90%  par 30% de la population suffirait à faire marcher le Monde.

Bon Thinks tank, Mme Verdier-Molinié. C’est vrai que « club de réflexion » ça ne fait ni sérieux ni branché.


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