Magazine Humeur

Le journaliste et le sociologue.

Publié le 05 décembre 2012 par Ep2c @jeanclp

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La prochaine séance du séminaire organisé par le Comité d’histoire du Ministère de la Culture et le Centre d’histoire de Sciences-Po aura lieu lundi 10 décembre prochain.

La démocratisation culturelle au fil de l'histoire contemporaine (séance 3

Del'éducationartistiqueàlamédiationculturelle:continuitéou innovation

EmmanuelWALLON:Exposéintroductif
Éducation artistique et démocratisation culturelle des années 1960 à nosjours

Nathalie MONTOYA,Maîtredeconférences,UniversitéParisDiderot
Médiateurs culturels et démocratisation de la culture : Peut-on (encore)croire en « la victoire finale de la cause » ?

MarionVIOLLET,Docteureen artsplastiques,chargéedemédiationespaced'artcontemporainàToulouse
Contexte d'émergence d'une médiation de l'art contemporain. Recherchesd'identité et de définition d'un métier aux contours flous

Plus de précisions et les abstracts des communications à cette adresse

Cette séance sera donc présidée par Emmanuel Wallon.

Une actualité à son sujet, qui est aussi une actualité sur la politique culturelle en cours, sur la liberté de la presse et l’exercice du métier de journaliste..

Le 17 novembre dernier, Nathaniel Herzberg publiait dans Le monde un article (finalement) intitulé La gauche a-t-elle trahi la culture ?

Il commençait ainsi :

A première vue, ce n'est qu'un chiffre, perdu au milieu d'un tableau de données négatives. Culture : - 3,2 %. Pour son premier exercice budgétaire, le gouvernement de François Hollande et de son premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a décidé de diminuer les crédits de la culture. Comme ceux de la défense, de la santé, de l'agriculture. Comme ceux de tous les départements ministériels, en vérité, excepté l'éducation, la justice et la sécurité.

La mesure est passée dans une relative indifférence. Y compris chez les créateurs les plus bouillants. Son examen, mardi 6 novembre, devant l'Assemblée nationale, n'a suscité aucun émoi. Renaud Donnedieu de Vabres , ministre de la culture de droite sous la présidence de Jacques Chirac , aujourd'hui éloigné des affaires politiques, en rit presque : "Nous aurions fait la même chose, je pense que nous nous serions fait exploser la tête." Là, rien, ou presque. Les artistes dans la rue ? Une occupation du Théâtre de l'Odéon ? Non. Des patrons du Louvre, de l'Opéra, de Versailles, signant, comme un seul homme, une lettre ouverte enflammée ? Pas davantage. Juste quelques ricanements à droite, un communiqué tranchant de la CGT, et une tribune embarrassée de patrons d'entreprise de spectacles, le Syndeac, saluant les premières décisions du gouvernement autant que s'inquiétant du recul du budget.

Or c'est bien une première pour un gouvernement de gauche. Une première, même, pour un gouvernement tout court, quelle que soit sa couleur, depuis 1981.  

Et encore, - 3,2 % est le chiffre mis en avant par la ministre, Aurélie Filippetti, pensions des retraités comprises. Pour les seules dépenses opérationnelles (investissement et fonctionnement), celles qui donnent du caractère à une politique , c'est un recul de 4,3 % qu'annonce le document du budget. Et si c'était pire, comme certains le murmurent ? Difficile de savoir . Car chaque année, le gouvernement donne un chiffre global sorti d'un maquis de tableaux incompréhensibles. Et chaque année, Patrick Bloche et les députés socialistes avaient pris l'habitude de décortiquer le document pour en révéler les petites astuces et les grandes dissimulations. Cet automne, le nouveau président de la commission des affaires culturelles s'est gardé de renouveler l'exercice...

Comment en est-on arrivé là ?

© Nathaniel Herzberg

Dans cet article, le journaliste citait deux sociologues :

"La part de l'Etat s'est effondrée, sa force de prescription aussi, même si les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) tentent de résister, souligne le sociologue Jean-Louis Fabiani, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Les grands élus en font l'expérience quotidienne."

"On connaissait le manque d'intérêt personnel de M. Hollande pour le sujet, résume Emmanuel Wallon, professeur de sociologie à Paris-Ouest-Nanterre. On savait qu'Aurélie Filippetti, malgré sa bonne volonté, risquait de ne pas avoir le poids politique pour taper du poing sur la table au moment des arbitrages. Mais Jean-Marc Ayrault ?"

"Le Parti socialiste ne croit plus à la nécessité de protéger la dimension symbolique de la culture, sa capacité à faire rêver, et ne croit pas encore à l'impérieuse nécessité de développer un secteur où la France et l'Europe peuvent inventer leur futur, développer leur économie et reconstruire leur contrat social", diagnostique Emmanuel Wallon .

 © Nathaniel Herzberg

Suite à cette publication, Emmanuel Wallon a fait circuler la mise au point suivante

Rectificatif à l'article du Monde du 17 novembre 2012

Nathaniel Herzberg me prête dans son article "La culture, ministère amer", paru dans Le Monde daté d'aujourd'hui, des propos très sévères sur le cap suivi par le gouvernement dans le domaine culturel et sur la philosophie du Parti socialiste en la matière. Les propos qu'il a sélectionnés, et que je n'ai pas eu la possibilité de relire, semblent exclusivement à charge, ce qui est bien loin de refléter la tonalité générale de notre entretien. Je précise que cette discussion a eu lieu par téléphone durant mon bref transit à la gare de Bruxelles Midi, mardi 6 novembre en fin de journée, dans des conditions sans doute peu propices à la concentration de part et d'autre. Je n'incrimine pas le journaliste dont j'apprécie en général la rigueur professionnelle et la passion pour son sujet, mais je ne peux m'empêcher de relever de sa part, dans ce cas précis, la tentation d'accrocher l'attention du lecteur par des titres-choc et de frapper son esprit par des citations coupées de leur contexte.

Sans prétendre rétablir l'intégralité des réponses beaucoup plus circonspectes que j'avais accordées à ses questions, je tiens à nuancer les deux déclarations qu'il  m'attribue. 

Dans ma bouche, la formule sur "le manque d'intérêt personnel de M. Hollande sur le sujet" était, si ma mémoire est bonne, énoncée en sens inverse: après avoir rappelé les visites du candidat, puis du président en Avignon et ses prises de position très encourageantes sur ces questions au cours de la campagne – même si François Hollande avait tenu à se démarquer de la promesse faite par Martine Aubry d'un effort budgétaire très significatif –, j'avais noté qu'il ne s'était pas encore fait connaître du grand public comme un amateur aussi attentif dans ces matières qu'il pouvait l'être dans le domaine sportif, m'empressant d'ajouter, sans la moindre ironie, qu'on pouvait espérer que la suite démontre le contraire.

À propos d'Aurélie Filippetti, dont l'arrivée rue de Valois constitue l'une des excellentes nouvelles de ce début de quinquennat, j'avais commencé par souligner que ses convictions et ses orientations s'inscrivaient clairement dans la continuité des politiques culturelles impulsées par la gauche. Observant la difficile partie qu'elle a dû jouer durant l'été et à la rentrée face au ministre en charge du Budget, Jérôme Cahuzac, après avoir fait remarquer qu'elle avait gagné plusieurs arbitrages sur des questions d'ordre fiscal, j'ajoutais qu'elle avait dû, pour gagner en crédibilité au sein du gouvernement et du parti, se montrer loyale et fidèle au cap fixé par Matignon en vue du redressement des finances publiques. Je me souviens avoir indiqué en outre qu'à ma connaissance les compétences administratives et financières des membres de son cabinet lui permettaient de ne pas s'en laisser compter par les hauts-fonctionnaires de Bercy, mais que le rapport des forces n'en était pas moins inégal dans ce climat de rigueur budgétaire.

La citation relative au Parti socialiste, mise en exergue dans un intertitre, a tout bonnement été tronquée. J'avais, autant que je me souvienne, simplement estimé que "Certains hiérarques du Parti socialiste, avant tout soucieux de stricte gestion, accordaient sans doute moins d'importance qu'hier à la nécessité de promouvoir la dimension symbolique de la culture, avec sa faculté de faire rêver, et surtout que ces mêmes responsables paraissaient n'avoir pas encore pris la mesure de l'impérieuse nécessité de développer un secteur pourvoyant des formes, des idées et des compétences qui permettraient à la France et à l'Europe d'inventer leur futur dans la division mondiale du travail et de reconstruire leur contrat social."

Tel est en tous cas le fond de ma pensée. Ces propos dénotent à l'adresse de certaines tendances actives dans la mouvance socialiste un accent critique que j'assume absolument. Comme tout un chacun, j'entends en effet les inquiétudes qui s'expriment, bien au delà des seuls milieux professionnels, vis-à-vis de restrictions dont les effets se font déjà cruellement sentir. Cependant on ne saurait me faire dire du Parti socialiste dans son ensemble, dont j'ai avec assiduité et plaisir accompagné les réflexions, que ce soit à l'invitation du Secrétariat national à la Culture et aux Médias, du Laboratoire des idées, de la FNESER ou de tel ou tel groupe de travail durant la campagne des présidentielles et des législatives, qu'il renoncerait à affirmer une volonté publique ou à porter des idées neuves dans ce champ. À la fin de la discussion, Nathaniel Herzberg m'avait demandé si j'étais d'avis que la gauche socialiste avait trahi la culture. Je lui avais rétorqué que cette expression reflétait peut-être sa propre opinion et qu'elle pouvait éventuellement provoquer des réactions salutaires, mais que j'étais loin de la faire mienne.

Enfin j'assortissais ces remarques de propositions constructives, comme je m'efforce d'en avancer en toutes circonstances, concernant les trois dossiers sur lesquels il me semble que la ministre de la Culture est en capacité et en droit de se montrer à l'offensive:

- l'éducation artistique pour tous les élèves, qu'on ne saurait reléguer dans la sphère du périscolaire et à la charge principale des collectivités territoriales, sous peine d'accentuer les inégalités existantes;

- le troisième âge de la décentralisation culturelle, qui recherchera une meilleure articulation entre les différents niveaux d'administration avec la contribution d'un État soucieux de réduire les disparités entre territoires et donc entre populations;

- la défense des libertés, mais aussi du pluralisme, de la critique et de la création dans l'univers numérique, qui réclame des arbitrages dans le sens de l'intérêt général, sans subordination aux appétits des industriels de la distribution.

 Je sais que nous sommes nombreux à partager ces trois exigences, dans les rangs du Parti socialiste comme dans d'autres courants de la gauche, mais aussi dans les établissements culturels et les institutions d'éducation, le mouvement associatif, les collectivités territoriales et les cabinets ministériels. Elles requièrent un large débat mais aussi des efforts conjugués. J'en prendrai ma part.

Pour les personnes qui me connaissent bien, ces précisions étaient peut-être superflues. J'ai le sentiment que cela ira tout de même mieux en le disant. 

Bien cordialement,

Emmanuel Wallon

Un beau sujet d’étude pour les écoles de journalisme, celles de sciences politiques et les départements de cociologie.

Etrangeté : le titre de l'article tel que finalement publié : La gauche a-t-elle trahi la culture ? n’est pas celui qui figure dans le rectificatif du sociologue "La culture, ministère amer".

Supposons que ce dernier ait eu connaissance du texte du papier avant qu’il ne parte au marbre.

Qui, qui donc, chef de rubrique, rédacteur en chef, secrétaire de rédaction ou titreur attitré , qui a préféré la trahison à l’amertume ?

J’ajoute que le titre de l’article (et son contenu) a fait réagir deux de mes amis :

Denis D. : Juste retour des choses ? La culture a trahi la gauche en 2002 en ne votant pas Jospin dès le 1er tour. Sa mauvaise conscience l'a rattrapé en 2003 autour de la question de l'intermittence dans une sorte de 3ème tour social. Ces 2 épisodes ont probablement contribué à éloigner la gauche de gouvernement du monde de la culture.

Didier S : Et suite au prochain épisode en 2013 sur la renégociation du régime intermittent d'une part, et celui des élections municipales et européennes en 2014. Je crains que cet écartement entre "le monde de la culture" et le politique se poursuive si nous restons sur les mêmes postures et modalités.


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