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2 psychiatres reconnus s’affronte sur la question du trouble d’adaptation et les traits narcissiques

Publié le 05 décembre 2012 par Veritejustice @verite_justice

Capture d’écran 2012-12-05 à 11.59.02 Lorsque le Doc Mailloux entre en ligne de jeu il appert que son analyse est retenue versus celle du docteur Chamberland par la Commission des lésions professionnelles

Suite aux deux derniers articles, voir le premier et  voir le deuxième, je me suis encore posé la question à savoir les conséquences que peuvent avoir des propos malveillants au travail et la possibilité d’un trouble de comportement de type narcissique qui était une forme de justification versus les premier dossier par le même docteur.

Je me suis donc posé plusieurs questions alors que dans les 2 cas nous parlions d’agression verbale:

[44] À l’historique des faits, le docteur Chamberland rapporte, en plus du suivi médical, le résultat du rapport du médecin examinateur désigné pour traiter la plainte de la travailleuse.Ce dernier indique que les propos du docteur F… n’avaient pas leur raison d’être

VS

Dans l’événement dont il est question, nous ne retrouvons pas d’éléments justifiant une incapacité au travail pouvant s’étendre sur plus d’une semaine ni même d’éléments qui relèveraient d’un accident du travail. 

C’est à ce moment qu’un troisième jugement est entré en jeu

À l’intérieur de ce jugement le travailleur avait lui aussi été agressé verbalement par son employeur et le tout mena à la confrontation des 2 experts ( Doc Mailloux / Docteur Chamberland) sur le sujet du trouble d’adaptation et les traits de personnalité narcissique.

[61] Le travailleur ne comprend pas ce qui justifie une telle mesure et tente de questionner monsieur T…. C’est à ce moment-là que ce dernier se met à lui parler avec un ton que le travailleur qualifie de « hors contrôle ».

[..]

[64] Le travailleur se sent impuissant de sorte qu’il sort du local et retourne à son poste. Il témoigne à l’effet qu’il n’est plus conscient de ce qui se passe autour de lui et qu’il se sent démoli. Il est bouleversé et anéanti par les propos de monsieur T [...]

[..]

[72] Le 23 avril 2007, le travailleur consulte un médecin et lui raconte ce qui s’est passé. Dans l’attestation médicale initiale, le docteur Gagnon diagnostique un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse secondaire à du harcèlement psychologique au travail et à des menaces. Il lui prescrit une médication et un arrêt de travail.

Le docteur Chamberland

[78]  Le 23 juillet 2007, le travailleur est examiné par le docteur Gilles Chamberland, psychiatre, à la demande de son employeur.

[79] Un premier commentaire s’impose quant à la durée de l’entrevue qui est établie par le docteur Chamberland de 13 h 30 à 14 h 50. La preuve testimoniale est tout autre. En effet, le travailleur s’est présenté à l’évaluation accompagné de monsieur F…. Les deux témoins sont catégoriques, l’entrevue avec le docteur Chamberland n’a duré que 30 minutes tout au plus.

[80] De toute évidence, il semble que le docteur Chamberland ait inclus l’étude du dossier à l’intérieur de la durée de l’entrevue.

[..]

[85] Dans sa nomenclature des faits, il est à noter que le docteur Chamberland ne parle aucunement de l’événement du 20 avril 2007. Il ne traite aucunement d’ailleurs des lettres du travailleur complétant sa « Réclamation du travailleur » dans laquelle il fait état des nombreux événements.

[..]

[88] Encore une fois, le docteur Chamberland ajoute que la collaboration du travailleur est déficiente tout au long de l’entrevue et qu’il est obstructif dans ses réponses. Il eût été intéressant de connaître les raisons pour lesquelles le docteur Chamberland juge les réponses du travailleur obstructives. Le docteur Chamberland diagnostique une maladie affective bipolaire, épisode actuel en phase mixte. Il diffère son diagnostic quant aux traits de personnalité ou troubles de personnalité. Selon lui, es épisodes dépressifs bien documentés antérieurement militent en faveur d’un trouble de l’humeur en phase mixte chez une personne qui souffre d’une maladie affective bipolaire. Selon lui, le travailleur nécessite une prise en charge importante sur le plan thérapeutique.

[89] Quant à la question de consommation d’alcool ou de drogues, il juge qu’elle est présente dans le cas du travailleur. Il ajoute qu’il ignore si le travailleur a consommé des drogues pouvant entraîner des atteintes permanentes de ses capacités. Il juge des propos du travailleur au niveau de sa consommation comme étant totalement non fiables. Il va même jusqu’à prescrire des tests appropriés pour s’assurer que le travailleur n’a pas consommé de drogues pour une période d’au moins trois mois lors de l’exercice du droit de retour au travail.

L’entrée en scène du Doc Mailloux

[90] Le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, témoignant à l’audience, ne comprend pas le justificatif de telles recommandations ou de telles conclusions quant à la consommation de drogues alors que dans les faits, dans le cadre des expertises antérieures, l’allégation de ce type de consommation est niée et aucunement notée. Il n’y a donc aucun début de preuve ou d’élément permettant de questionner la fiabilité des informations soumises par le travailleur à l’égard de la consommation de drogues.

[91] Le tribunal comprend difficilement en quoi une telle conclusion de consommation de drogues pourrait être retenue sans début d’éléments de preuve à cet égard.

[..]

[95] Le 29 septembre 2009, le docteur Mailloux, psychiatre, soumet un rapport d’expertise à la demande du travailleur. Ce rapport fait suit à sept rencontres s’échelonnant du 25 mars 2008 au 11 mars 2009 pour un total d’au moins 7 heures d’évaluation. Le docteur Mailloux dispose de l’expertise du docteur Chamberland et de sa revue du dossier complet du travailleur.

[96] Il revoit les faits qu’il juge pertinents. D’après le récit du travailleur, à partir du moment où son médecin l’a déclaré apte au retour au travail en novembre 2006, il y a eu un nombre inhabituel de tractations inutiles, rencontres, justifications médicales à n’en plus finir.

[97] Tout ce contexte a étourdi le travailleur le rendant inquiet et impatient. L’atmosphère du contexte de retour au travail devient de plus en plus tendue et les rencontres s’accentuent en avril 2007 avec des avis écrits et menaces de congédiement.

[98] Puis, le docteur Mailloux relate les circonstances de la rencontre du 20 avril 2007. Devant témoins, monsieur T…, directeur de l’usine, aurait dit au travailleur qu’il méritait d’être sur « l’aide sociale », que son cancer était de sa faute, qu’il était un moins que rien et qu’il était chanceux de travailler chez l’employeur.

[99] Selon le docteur Mailloux, tous ces faits sont des stresseurs objectivement traumatisants pour un être humain, peu importe la situation endogène de l’individu.

[..]

[102] À la suite de cette revue de faits, le docteur Mailloux commente l’expertise du docteur Chamberland. Selon lui, le docteur Chamberland utilise les consultations psychiatriques antérieures à des fins de discréditer le travailleur. Toutefois, il est indéniable suivant ces expertises antérieures que le travailleur a vécu quelques périodes difficiles dans sa vie.

[103] Le docteur Chamberland commet également des erreurs dans les périodes concernant les périodes d’arrêts de travail ou plus précisément celle relative au cancer qui, selon ce dernier, a nécessité un arrêt de travail du mois de février 2006 au 14 avril 2007. Le docteur Mailloux ajoute que le docteur Chamberland banalise l’événement traumatisant du 20 avril 2007 rapporté par le travailleur. Quant au diagnostic, le docteur Mailloux ne comprend pas que le docteur Chamberland puisse poser un diagnostic de trouble psychotique de maladie affective bipolaire avec un épisode actuel en phase mixte alors que, selon toute vraisemblance, le travailleur n’a jamais été psychotique. Il note également que le travailleur a toujours nié avoir consommé des drogues et qu’il n’y avait aucun début de preuve contraire à cet égard. Le travailleur se dit profondément blessé par cette insinuation qu’il qualifie de malicieuse.

[104] Le docteur Mailloux conclut que le travailleur ne souffre d’aucun trouble de l’humeur ni de trouble idéique. Selon lui, le travailleur n’a jamais présenté de symptômes psychotiques. Le travailleur demeure bouleversé par une histoire traumatisante qui l’a affecté psychologiquement. Il diagnostique un état de stress post- traumatique chronique, consécutif aux harcèlements et aux propos extrêmement blessants qu’il a vécus à son lieu de travail, dépassant largement ce que tout être humain peut subir sans voir son intégrité psychique solidement ébranlée. À l’axe II, il ne retient aucun diagnostic.

[105] Le docteur Mailloux témoigne également à l’audience. Il explique qu’il a dû avoir plusieurs rencontres avec le travailleur en raison de son extrême émotivité, mêlant son exposé des faits. À l’occasion du processus d’évaluation, le docteur Mailloux rencontre un ami, un ancien collègue du travailleur, de même que sa conjointe.

[106] Il décrit le travailleur comme une personne bien et ayant un bon style de vie. Le docteur Mailloux ne comprend d’ailleurs pas les raisons pour lesquelles le docteur Chamberland croit que le travailleur consomme des drogues illicites, ce que le travailleur et son entourage nient de même que les psychiatres qui l’ont vu en 2002 et 2005.

[..]

[109] Dans le résumé des expertises antérieures effectué par le docteur Chamberland, un des psychiatres conclut à un trait narcissique. Le tribunal note que le docteur Chamberland s’abstient sur cette question. Le docteur Mailloux explique que la conclusion de l’existence d’un trait de caractère prend plusieurs heures d’évaluation, ce qui explique l’absence d’une opinion du docteur Chamberland à cet égard et qui rend peu probante l’opinion du psychiatre intervenu dans le passé sur ce point.

[110] Le docteur Mailloux est d’avis que le travailleur ne présente pas de trait narcissique. En effet, le travailleur n’accorde pas d’importance indue à son « soi », il n’est pas égocentrique et n’occupe pas toute la place dans un contexte social. Le travailleur n’a donc rien de narcissique.

[111] Le docteur Mailloux est catégorique, il n’y a aucun trouble de personnalité contributif à la problématique survenue en avril 2007.

[..]

La décision de la Commission des lésions professionnelles 

[114] À l’instar du docteur Mailloux, le tribunal est d’avis que le genre d’altercation verbale, compte tenu de la nature des propos et du contexte de retour au travail, dépasse le cadre normal de ce qu’on doit s’attendre d’une personne en autorité.

[115] Un individu ne peut se défendre contre de tels propos d’autant plus que dans le présent cas, le travailleur n’a visiblement pas le soutien de son syndicat.

[116] De dire à un individu qu’il a fait exprès d’avoir un accident d’automobile ou un cancer alors qu’il s’est battu pour vivre, dépasse le cadre normal de l’exercice du droit de gérance de l’employeur.

[117] Dans l’exercice de son droit, un employeur peut sévir en cas d’absentéisme, mais il doit le faire sans abus et de manière raisonnable et non discriminatoire.

[..]

[119] Les propos tenus par monsieur T… sont, de l’avis du tribunal, malveillants et clairement posés dans un contexte colérique et abusif.

[120] De l’avis du tribunal, il est tout à fait probable qu’une personne, normalement diligente, prudente et informée, placée dans les mêmes circonstances, aurait eu les mêmes réactions et les mêmes craintes que celles du travailleur.

[121] Tous ces éléments, analysés dans leur ensemble, sont assimilables à la notion large d’événement imprévu et soudain et permettent au présent tribunal de conclure que le trouble de l’adaptation avec humeur anxieuse est une lésion professionnelle.

Pour lire l’intégralité du jugement: Cliquer ici

Commentaire final: La jurisprudence est claire à l’effet qu’un employeur ne peut utiliser son pouvoir de gestion pour agresser psychologiquement ses employés. Les propos dépassant la limite du respect n’ont pas leur place en millieu de travail. Laisser ce genre de comportement passer serait de donner aux employeurs le droits de détruire la santé mentale de tout travailleurs.


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