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Le Monde et radio Pressenza racontent le « néo-bénévolat citoyen »

Publié le 06 décembre 2012 par Asse @ass69014555

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Sylvie Asse

On nous demande souvent « Pourquoi » et « Comment » nous avons commencé à nous investir à hauteur de nos possibilités auprès des sans-abris, des sdf et des exclus.


Ces jours-ci, la presse publie les réponses des néo-bénévoles qui donnent un peu de leur temps sans demander d'argent à l'Etat, pour rester libres de leurs choix.

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Des collectifs s'organisent en dehors des associations traditionnelles. Sans subventions, mais avec plus de liberté
Ils parlent tous de « déclic ». C'était à la sortie d'un cours de théâtre pour Laurent, à une terrasse de café pour Denis, à la suite d'une panne de chaudière pour Katia...
Un jour, ces citoyens ordinaires ont décidé de s'engager auprès des sans-abri, en marge des associations classiques de solidarité. Sans subventions de l'Etat ni expérience, ils maraudent, distribuent de la nourriture, des vêtements, voire proposent des hébergements. 115 du particulier, ActionFroid, Tends la main, Toit à moi... tous ces collectifs s'épanouissent, depuis quelques mois, par le biais d'Internet.

 
En février, Laurent Eyzat, 48 ans, gérant d'une petite entreprise de communication visuelle en région parisienne, est saisi par le froid. Sitôt rentré chez lui, il lance, de son compte Facebook, un appel à la solidarité. Très vite, son « cri d'indignation » trouve un écho sur la Toile. « En quinze jours, j'avais 4 000 euros de promesses de dons, et 1 200 personnes qui se disaient prêtes à s'engager à mes côtés », raconte M. Eyzat qui, en dehors de dons de temps en temps, ne s'était jamais investi dans le caritatif. En quelques semaines, des collectifs ActionFroid ouvrent dans 14 villes.

  
Neuf mois plus tard, ActionFroid fonctionne toujours, même si l'engouement du début est un peu retombé. Responsable de l'antenne parisienne, Laurent Eyzat peut compter sur un noyau dur d'une soixantaine de bénévoles qui, avec lui, vont aux devants des sans-abri, chaque samedi soir.

 
La plupart sont des femmes, entre 40 et 50 ans, en activité, comme Christine Paturel, 47 ans, technico-commerciale dans une petite entreprise. Du monde des sans-abri, elle ne connaissait rien. C'est en cherchant des idées de sorties sur un site Internet qu'elle est tombée « par hasard » sur une annonce déposée par ActionFroid. « J'avais envie de faire du bénévolat mais je n'avais jamais franchi le pas », raconte cette mère d'une étudiante. Depuis avril, elle fait partie des bénévoles les plus réguliers du collectif.

Même si, comme ActionFroid, beaucoup de ces groupes informels ont dû prendre, au bout de quelques mois, notamment pour des raisons juridiques, le statut d'association loi 1901, ils continuent à revendiquer leur différence. « Les associations dépendantes des subventions publiques sont en quelque sorte des sous-traitants de l'Etat et doivent s'inscrire dans un cadre d'action prédéfini », considère Denis Castin, 40 ans. « Nous, nous avions envie de faire du social à notre manière ».

En 2007, il se lance avec un ami, Gwenaël Morvan, 35 ans, dans un pari fou : réunir des parrains pour acheter des appartements et y loger des personnes sans-abri, moyennant un loyer modique. Cinq ans après la genèse du projet, Toit à moi possède quatre appartements dans le centre de Nantes et vient de rembourser l'achat de son premier logement. « Personne ne croyait en notre projet », se souvient Denis Castin.

 
Les deux amis, qui travaillent alors dans une structure associative d'aide à la création d'entreprise, arrivent cependant à persuader une banque de leur accorder un prêt d'environ 80 000 euros sur cinq ans pour l'achat d'un premier studio. Sans apport personnel, ils trouvent 80 personnes qui s'engagent à débourser en moyenne 20 euros par mois pour rembourser l'emprunt contracté. « L'un des avantages de notre modèle économique est qu'il ne dépend pas des aléas des financements publics », analyse Denis Castin. « Parfois de très bons projets s'arrêtent, faute de subventions », regrette ce fils de professeurs, qui considère que l'Etat fait déjà sa part à travers les déductions fiscales qu'il accorde sur les dons.

 
Katia Pillet, 34 ans, a elle aussi voulu agir en toute liberté. Son collectif Tends la main, fort d'une trentaine de personnes, va chaque semaine à la rencontre des sans-abri de Dijon. Il repose entièrement sur la débrouille et la générosité. « Dépendre de subventions, c'est se taire, même quand vous n'êtes pas d'accord », affirme la jeune mère célibataire, qui n'avait jamais fait partie d'aucune association auparavant.

 
« Il y a une certaine liberté d'engagement et une proximité dans les petites structures qui correspond à ce que beaucoup de personnes recherchent », considère Sylvie, qui anime le portail Internet Entraides citoyennes, dont le but est de recenser les initiatives de ce type. « Les gens viennent quand ils peuvent et avec ce qu'ils ont. On est là pour aider, pas pour décortiquer ou vérifier une situation », poursuit cette ancienne journaliste, reconvertie dans le commerce, et par ailleurs bénévole à ActionFroid. Sylvie, qui a requis l'anonymat, confirme. « Ici, il n'y a pas le côté culpabilisant, que l'on peut trouver dans certaines associations », explique-t-elle. Parce qu'elle a une « vie familiale, sociale, en dehors », cette femme mariée, mère d'une adolescente, vient régulièrement mais « pas toutes les semaines ».

 
« La lourdeur administrative, les conflits entre dirigeants et entre bénévoles, les clans... » ont aussi poussé Hélène Haon à fuir les structures traditionnelles. A 27 ans, la jeune femme a cherché hors des sentiers balisés du caritatif un moyen de s'engager. Depuis quelques mois, elle gère le site Internet du 115 du particulier, une plateforme qui met en relation des sans-abri et des personnes qui proposent notamment des offres d'hébergement.
 
Ce foisonnement d'initiatives citoyennes bouscule les acteurs traditionnels de la solidarité, partagés entre admiration et prudence. « C'est un signe positif de la maturité de la société civile qui a parfois compris avant nous, les associations, que l'Etat ne pouvait pas tout », analyse Didier Piard, directeur de l'action sociale de la Croix-Rouge. « Par ailleurs, il est salutaire que la solidarité ne soit pas seulement l'affaire du duo Etat-association. »
 
Le responsable caritatif met toutefois en garde : « La prise en charge des SDF est lourde. Les aidants non professionnels et non encadrés peuvent être dépassés par une réalité qu'ils n'avaient pas soupçonnée. Il y a aussi tout un côté affectif qu'il faut pouvoir gérer. »
 
A la Fédération des banques alimentaires, le directeur, Maurice Lony, évoque aussi d'autres risques, plus terre à terre : « On ne peut pas faire n'importe quoi en matière de distribution et de fabrication alimentaire. C'est pour cette raison que nous ne fournissons des denrées qu'à des structures qui répondent à des conditions d'hygiène et de sécurité satisfaisantes. La taille n'est pas un critère, mais le côté amateur peut faire oublier certaines précautions. »
Des arguments qui ne dissuadent pas les bonnes volontés. « Les grosses associations n'ont pas le monopole du coeur et de la misère », réplique Laurent Eyzat. « Nous sommes complémentaires et, hélas, il y a du travail pour tout le monde. »



Catherine Rollot © Le Monde

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Michelle Salamero pour Radio Pressenza 


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