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François Hollande, ce néolibéral qui s'ignore

Publié le 06 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Pour Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, François Hollande serait enfermé dans les dogmes néolibéraux. Sérieusement ?

Par Baptiste Créteur.

François Hollande, ce néolibéral qui s'ignoreDans une analyse socialologique, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dénoncent les contradictions de la politique gouvernementale, la non représentativité du scrutin présidentiel et une élite qui fonctionne en vase clos.

Alors que sa base populaire s'est considérablement affaiblie, le nouveau pouvoir reste prisonnier des dogmes néolibéraux qui le conduisent à pratiquer le grand écart entre ses promesses et ses actes.

L'emprisonnement du nouveau gouvernement dans les dogmes néolibéraux est évident quand on voit qu'il ne fait aucun cas de la propriété privée, impose le constructivisme à tous les étages, même dans les écoles, subventionne à tout va, cherche à tout prix à financer des secteurs non rentables avec l'argent du contribuable, à empêcher les citoyens de partir, bref, ce gouvernement applique à la lettre les dogmes néolibéraux.

D'ailleurs, c'est par erreur qu'il a revalorisé le SMIC de 2% :

Après cinq ans d'un «président des riches» qui a comblé les plus fortunés de nombreux cadeaux fiscaux, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n'a augmenté le taux horaire du Smic, hors inflation, que de 18 centimes d'euros (brut) !

Là où le gouvernement précédent favorisait apparemment les riches - le SMIC n'a augmenté que de 11,5% durant le précédent quinquennat - il aurait fallu mettre fin à ce favoritisme scandaleux, et favoriser les pauvres à la place, l'idée de cesser de gouverner pour une partie de la population ne pouvant pas traverser l'esprit de nos dirigeants ni des fins sociologues qui analysent leurs décisions. D'ailleurs, le gouvernement ne représente qu'une minorité de la population française :

Au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat François Hollande a recueilli 10 272 705 suffrages, ce qui représente 22,3 % des 46 066 307 inscrits. Le chef de l'Etat était donc minoritaire dans les souhaits des électeurs. Ce que soulignent aujourd'hui les réticences des écologistes, pourtant membres du gouvernement, et le peu d'empressement à le soutenir des élus et militants du Front de gauche. Il y a là une faiblesse de la base sociale susceptible de se mobiliser pour soutenir l'action gouvernementale.

On peut même, par un calcul simple, affirmer sur cette base que même avec 100% des suffrages exprimés, le président n'aurait pas représenté plus de 40% des inscrits. Mais bon, la démocratie telle que nous la connaissons s'affranchissant allégrement des droits naturels des individus, représentativité ou pas, l'individu est soumis à la tyrannie du plus grand nombre.

Le gouvernement, lui, est apparemment soumis à la tyrannie de la stabilité budgétaire :

Le pacte budgétaire et sa «règle d'or», dont la remise en cause et la renégociation avaient été imprudemment mises en avant par le candidat Hollande, sont des signes avant-coureurs des renoncements à venir. Les choix budgétaires de la France sont donc désormais sous le contrôle des experts européens.

Sachant que les choix budgétaires des Français étaient auparavant sous le contrôle des experts du gouvernement, ce n'est qu'un pas de plus loin de leur liberté de disposer des fruits de leur travail.

Le président a, très «normalement», envoyé un message politique clair aux marchés financiers. Le nouveau pouvoir socialiste va bel et bien continuer à appliquer les directives du néolibéralisme et mettre en œuvre une politique d'austérité à perpétuité pour les peuples.

L'austérité à perpétuité va continuer avant même d'avoir commencé. D'ailleurs, ceux qui évaluent la solvabilité de l'Etat français ne s'y trompent pas. L'austérité, qui n'a pas commencé, ramènera l'Etat à sa place, si tant est qu'il en ait une : dépositaire des fonctions régaliennes. Mais les Français continueront à payer pour rembourser les dettes contractées en leur nom par les tenants de la redistribution de l'argent des autres.

Les manipulations idéologiques et linguistiques ont été reprises par l'Elysée et l'Assemblée nationale, pour continuer à faire croire, dans une inversion totale des valeurs morales et économiques, que le travail coûte trop cher à ces riches et généreux investisseurs qui créent des emplois. Les politiciens du Parti Socialiste poursuivent la mise en scène de la défense de l'emploi en France, alors qu'ils savent très bien qu'ils appliquent la politique néolibérale qui a instauré dans les moindres détails du droit français et européen la liberté totale du capital pour délocaliser les emplois ouvriers et de service dans les pays les plus pauvres où la main-d'œuvre est payée au tarif local, celui de la misère.

Sur les manipulations idéologiques et linguistiques, je ne peux qu'approuver, mais pas pour les mêmes raisons. Pour le reste, les valeurs morales et économiques sont effectivement inversées quand on affirme que les créateurs de richesse, ceux qui innovent et entreprennent, exploitent leurs salariés et délocalisent à tout prix. S'ils délocalisent, c'est parce qu'il leur est devenu impossible de continuer leurs activités en France ou qu'ils n'y voyaient pas une rétribution suffisante. Si vous avez assez besoin des entrepreneurs pour déplorer leur départ, les insulter n'est sans doute pas l'attitude la plus appropriée à leur égard. C'est vers la misère que vous irez si les créateurs de richesse s'en vont, sans besoin pour cela d'une délocalisation quelconque ; la misère viendra à vous, et vous semblez lui tendez les bras.

Comment croire que les socialistes pourraient mener une politique plus douce à l'égard des travailleurs, alors qu'ils sont formés dans les mêmes grandes écoles que les patrons et les politiciens de droite : ENA, Sciences-Po, HEC et, bien entendu, Harvard ? Coupés du peuple avec le cumul des mandats - sur les 297 députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, on compte 207 cumulards -, les élus socialistes, dans le souci de faire progresser leur carrière en politique, ont rejoint les intérêts de la classe dominante dont ils sont devenus les alliés objectifs. Tous d'accord pour que, au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme», la vie politique française soit gérée dans un régime, en réalité censitaire, où les élites sociales qui composent l'essentiel des chambres vont promulguer les lois les plus favorables à leurs intérêts et à ceux qu'ils représentent. Comment se fait-il que les ouvriers et les employés, qui sont 52 % de la population active, ne soient présents ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ou si peu ? Cette absence explique le désintérêt pour la politique que traduit le succès remarquable du parti des abstentionnistes.

Que les politiciens défendent leurs intérêts et ceux de leurs amis plutôt que ceux des citoyens qu'ils sont censés représenter, c'est devenu une évidence. Le cumul des mandats est régulièrement dénoncé sur Contrepoints, tout comme l'est leur déconnexion avec la vie réelle. Si les ouvriers et employés ne sont pas présents à l'Assemblée ou au Sénat, c'est qu'ils ne se sont pas présentés ou qu'ils n'ont pas été élus... Pourtant, ce doit être à la portée de tous, puisqu'on peut se déclarer sociologue en écrivant ça :

Dans la phase néolibérale d'un système capitaliste financiarisé, hautement spéculatif à l'échelle du monde, il n'y a pas d'accommodement possible comme ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses où la croissance et un Etat-Providence fort autorisaient la redistribution. L'avenir de la présence de l'homme sur la Terre est menacé. Seule une opposition claire à cette économie destructrice rendra possible la construction et la mise en œuvre d'une société ou l'humain détrônerait à tout jamais l'argent sans foi ni loi.

Pendant les Trente Glorieuses, la redistribution a été possible (ce qui ne veut pas dire qu'elle a été juste), mais ce n'est plus le cas. En toute logique, il faudrait donc y mettre un terme ; c'est ce que les libéraux appellent de leurs vœux. Mais pas les socialologues. Les socialologues, eux, n'aiment pas les riches, n'aiment pas l'argent, pensent que le besoin des uns est une créance sur la vie des autres, que l'humain s'oppose à l'argent et qu'il doit reprendre le dessus. Et pour reprendre le dessus sur l'argent, ils proposent de commencer par prendre le vôtre.


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