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Copie privée : les 10 bidouilles qui coûtent très cher au con-sommateur 2/2

Publié le 06 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Les consommateurs que nous sommes payons, chaque année, 200 millions d’euros aux organismes de collecte, SACEM et autres, au titre de la copie privée,  au lieu de simplement laisser faire les mécanismes de marché.

Première partie ici.

6ème bidouille

Les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) prétendent que toute copie de source licite doit être compensée financièrement ... Y compris celle qui ne se substitue pas à un ré-achat, comme par exemple, une copie de sauvegarde.

Pourtant, le droit européen est très clair : une directive européenne (donc de transposition directe en droit français) demande à ce que seules les copies causant un préjudice aux ayants droit soient compensées financièrement. Pas les autres.

Vous auriez probablement été tenté de demander à ce que, conformément au droit, les copies ne causant pas de préjudice aux ayants droit soient retirées de l’assiette ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul …

Pensiez-vous que vous alliez priver les ayants droit d’un revenu lorsque vous avez copié une bande annonce d’un film ? Non, bien entendu … Pourtant, les SPRD prétendent qu’elles sont fondées à demander une rémunération pour cela. Copier une bande annonce, cela fait partie, pour elles, de la copie privée et cela doit donc être compensé à raison de 4 centimes par copie.

Idem pour les copies de sauvegarde, sur un disque dur externe par exemple. Les SPRD considèrent qu’il y a un manque à gagner car, selon elles, sans l’exception pour copie privée, sauvegarder votre répertoire audio, par exemple, nécessiterait d’acheter une deuxième fois chacune des chansons et musiques que vous avez déjà achetées. Illogique, vous pensez ? Sachez qu’il vous est compté aujourd’hui 5 centimes par fichier audio que vous sauvegardez.

L’assiette de la copie privée est à présent déterminée. Les calculs peuvent commencer.

Pour un support donné, le nombre moyen de fichiers copiés est transformé en nombre d’heures de films ou de musiques copiées, en prenant pour hypothèse une durée moyenne de 4 minutes pour un contenu audio et 1h30 pour un film ou un concert.

Pourquoi transpose-t-on en durée ? Difficile à dire … Il faut croire que les SPRD sont des grands nostalgiques de l’époque des cassettes audio et VHS qui avaient des durées d’enregistrement précises et pour lesquelles il était facile de déterminer ce que devaient toucher les ayants droit. Petite parenthèse : la loi française de le copie privée date de 1985 … Le numérique était encore loin …

Le nombre d’heures de contenus copiés est ensuite multiplié par des « tarifs horaires », c’est à dire un tarif horaire pour la musique et un autre tarif – quasiment 3 fois plus élevé – pour les films.

7ème bidouille

Ces tarifs horaires sont déterminés de manière totalement floue. Pour déterminer le tarif horaire audiovisuel, on prend comme base l’équivalent de 4 places de cinéma et le prix de vente d’un DVD ou Blu-Ray . Pourtant, ces DVDs et Blu-Rays ont une mesure technique qui empêche la copie !

Et ce n’est pas fini …

Ensuite, le montant obtenu est multiplié par un coefficient 4 … Pourquoi 4 ?

8ème bidouille

Les dix bidouilles 2/2
Les études d’usages sont censées évaluer les usages de copie privée effectuées sur une période de 6 mois pour obtenir une bonne moyenne des pratiques d’usage. Pour cela, les instituts de sondage demandent aux consommateurs ce qu’ils ont copié au cours des 6 derniers mois.

Les SPRD considèrent que, puisque la plupart des supports ont une durée d’usage de 2 ans environ, il suffit de multiplier le nombre de fichiers copiés au cours des 6 derniers mois par 4, pour en déduire le nombre de copies qui seront effectuées sur toute la durée d’utilisation d’un support donné.

Cette « logique » présente toutefois un biais majeur :

Les études d’usages visent à déterminer le nombre de copies que le consommateur a copiées au cours des 6 derniers mois … Jusque là, tout va bien … Mais cela se gâte lorsque l’on se rend compte que ces études ne font rien pour déterminer l’ancienneté des copies. Pourquoi cette question est-elle importante ? Parce que les « anciens » fichiers, ceux qui ont été transférés à partir d’anciens supports, ont déjà fait l’objet d’une (ou plusieurs) rémunération(s) pour copie privée. Il ne faut donc pas les compter dans l’assiette des copies réalisées pendant la durée d’usage du support et surtout pas multiplier leur nombre par un facteur 4 !

Tout est fait pour « embobiner » les consommateurs interviewés, qui n’y voient que du feu.

Illustration : Imaginons que vous ayez acheté une tablette multimédia. L’institut de sondage vous contacte et vous pose la question suivante : « Qu’avez-vous copié, enregistré ou téléchargé au cours des 6 derniers mois ? ». Vous hésitez, vous ne savez pas quoi répondre. L’enquêteur ajoute aussitôt (c’est écrit dans son script) : « c’est très simple, il suffit de regarder ce qu’indique l’outil statistique de votre tablette ». Ouf, vous êtes sauvé ! … Bon élève, vous regardez ce que dit l’outil statistique et vous répondez « 150 chansons ». La méthode de calcul actuelle conclut que vous aurez copié 600 chansons au bout de 2 ans. Pourtant, sur vos 150 chansons, il y a peut-être 130 chansons que vous garderez toute votre vie et dont vous avez déjà rémunéré plusieurs fois les copies, et 20 chansons téléchargées au cours des 6 derniers mois.

Résultat : Les SPDR considèrent que vous devez compenser, sur le prix d’achat de votre tablette, la copie de 600 chansons, alors que seules 80 chansons devraient être comptabilisées ! Encore une fois, un tour de passe-passe permet de maximiser (et le mot est faible) le nombre de copies privées supposées faites par les consommateurs, et donc, par ricochet, la rémunération pour copie privée.

La dernière étape du calcul consiste à revenir à la « vraie vie » ... En effet, les calculs effectués jusque là ont été menés uniquement sur des valeurs moyennes. Les résultats ne s’appliquent donc qu’à un support imaginaire, doté d’une capacité de mémoire moyenne (environ 16 Go en 2011 pour les smartphones) … Il faut à présent tenir compte de la réalité du marché et moduler le tarif en fonction des capacités de mémoire des produits réellement disponibles sur le marché. Comment faire cela ?

9ème bidouille

Les SPRD considèrent, en première approximation, que le nombre de fichiers copiés est proportionnel à la taille de la mémoire du support.

Par exemple, l’utilisateur d’un smartphone de 32 Go copierait, selon elles, deux fois plus qu’un utilisateur d’un smartphone de 16 Go. Dans cette « logique », la rémunération pour copie privée s’appliquant aux smartphones de 32 Go devrait donc être le double de celle s’appliquant aux smartphones de 16 Go.

La proportionnalité des usages de copie privée n’a jamais été démontrée (alors que les résultats des études d’usages pourraient être utilisées pour en avoir le cœur net ... Curieusement, elles sont gardées jalousement et personne à ce jour n’a été autorisé à les analyser).

Cette proportionnalité supposée semble, même, intuitivement surprenante … Ainsi, ce n’est pas parce que vous achetez un disque dur de 1 To que vous allez copier deux fois plus de musiques que du temps où vous utilisiez votre ancien disque dur de 500 Go.

Heureusement, les SPRD semblent conscientes des limites de cette logique … Et elles offrent « généreusement », pour certains supports (les tablettes ne font pas partie des heureux « élus ») des abattements pour « grande capacité [de mémoire] ». Comment sont déterminés ces abattements ? Nul ne sait … C’est la méthode du doigt mouillé …

Enfin, il faut bien tenir compte de l’acceptation sociale des tarifs. Sous l’effet des bidouilles évoquées précédemment, les calculs pouvaient aboutir, autrefois, à une rémunération pour copie privée de quelques centaines d’euros … Ce n’était pas raisonnable. Dans ces cas là, les SPRD consentent à des « abattements » complémentaires qu’elles présentent comme des « cadeaux » accordés, à leur corps défendant, aux consommateurs.

Renoncent-elles à ces revenus pour le bien-être collectif ? La réalité est moins rose : les SPRD savent bien qu’en appliquant des tarifs trop élevés, elles peuvent « tuer » certains marchés et se retrouver, alors, avec moins de revenus. Pour autant, cela ne les a pas empêcher d’appliquer une rémunération pour copie privée excessive, notamment sur les DVD vierges (73% du prix hors TVA), ce qui a eu pour conséquence de dynamiser le marché d’importation et évaporer une grande partie de l’argent qui aurait dû revenir aux ayants droit.

Mais attendez, ce n’est pas tout ..

10ème bidouille

Il faut savoir également que certains supports assujettis à la rémunération pour copie privée n’ont fait l’objet d’aucune étude d’usage.

D’autres ont été assujettis à peine mis sur le marché, avant même que les usages pour copie privée n’aient pu être avérés par des études spécifiques. Dans ce cas, des barèmes provisoires sont adoptés. Sur quelle base ? Bien souvent en procédant par analogies. Par exemple, les premiers tarifs applicables aux tablettes tactiles ont été déterminés en considérant que leur usage serait analogue à celui des baladeurs. Sur quelle base ? Une simple intuition …

Après quelques mois d’existence d’un nouveau support sur le marché, des études d’usages sont, dans certains cas, effectuées. Lorsqu’il s’agit de marchés de niche, le casse-tête consiste à dénicher les rares utilisateurs … Dans la plupart des cas, les études s’appuient alors sur un nombre insuffisant de consommateurs, ce qui crée un biais sur le plan statistique.

En fin de compte, la rémunération pour copie privée, en France, est 3 ou parfois 4 fois plus élevée que dans nos pays voisins.

Maintenant, vous savez pourquoi …

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Reproduit avec l’autorisation du site chèrecopieprivée.org


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